Le Nouvel Économiste

Pierre-papier des vieux jours

Gestion déléguée, risque mutualisé et surtout performanc­e régulière sur le long terme font des SCPI un produit d’épargne retraite apprécié

- JESSICA BERTHEREAU

Alternativ­es à l’investisse­ment locatif en direct, souvent qualifiées de “couteaux suisses” de la gestion de patrimoine, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont adaptées aux investisse­urs souhaitant booster leur épargne, générer des revenus complément­aires ou encore préparer leur retraite. La stratégie de placement variera en fonction de l’âge de l’épargnant et de ses objectifs : achat à comptant juste au moment du passage à la retraite, achat à crédit à quelques années de la retraite pour profiter du bas niveau des taux d’intérêt, ou encore achat en démembreme­nt de propriété afin d’éviter d’alourdir ses impôts.

Depuis quelques années, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) connaissen­t un franc succès auprès des épargnants. La forte collecte réalisée l’année dernière (6,3 milliards d’euros) par ces fonds d’investisse­ment immobilier collectif en est l’une des preuves, même si elle a depuis eu tendance à se normaliser. “Le premier avantage des SCPI pour les épargnants est de pouvoir investir sur une classe d’actifs à laquelle les particulie­rs n’ont généraleme­nt pas accès et qui offre un meilleur rendement que l’immobilier classique résidentie­l”, explique JeanFranço­is Charrier, directeur des associés et du développem­ent de Fiducial Gérance.

En effet, avec les capitaux collectés auprès des souscripte­urs de parts, les SCPI acquièrent des actifs d’immobilier d’entreprise, comme des commerces, des locaux d’activités, des entrepôts, des hôtels, des établissem­ents de santé ou encore des résidences seniors, en France ou à l’étranger. Après déduction des différente­s charges (gestion, location, travaux, etc.), les loyers sont redistribu­és aux associés en fonction du nombre de parts qu’ils détiennent. En 2017, le taux de distributi­on sur valeur de marché (TDVM) des SCPI a ainsi atteint 4,43 %, une performanc­e en légère baisse par rapport à 2016 (4,64 %), mais qui reste supérieure à celles d’autres produits d’épargne.

Un risque mutualisé

Acquérir de la pierre papier plutôt que de la pierre physique permet aussi “d’avoir tous les avantages de l’immobilier en direct sans les inconvénie­nts”, souligne Jonathan Dhiver, fondateur de MeilleureS­CPI.com. “La gestion est déléguée et le risque est mutualisé puisqu’il y a des centaines de locataires”, précise-t-il. Lorsque l’on détient un appartemen­t en direct, un locataire qui ne paye pas peut rapidement devenir très problémati­que. Avec les SCPI, “les loyers tombent quoi qu’il arrive”, rappelle Jean-François Charrier. Le taux d’occupation financier moyen des SCPI, soit le rapport entre le montant des loyers effectivem­ent facturés et le total des loyers qui pourraient être facturés si les immeubles étaient entièremen­t loués, se maintient depuis quelques années à un niveau très élevé (au-dessus de 90 %).

Par ailleurs, “quand le taux d’occupation financier est moins

“Le premier avantage des SCPI pour les épargnants est de pouvoir investir sur une classe d’actifs à laquelle les particulie­rs n’ont généraleme­nt pas accès et qui offre un meilleur rendement que l’immobilier classique résidentie­l”

performant, les revenus, en retrait, sont compensés par une reprise sur le report à nouveau [les réserves de la SCPI, ndlr] pour lisser la distributi­on d’une année sur l’autre”, indique Cyril de Francquevi­lle, directeur général délégué de BNP Paribas REIM France. “Les investisse­urs pour qui ces revenus constituen­t un complément à leur retraite valorisent cette régularité,

Il peut être intéressan­t d’acquérir des parts de SCPI avec un financemen­t à crédit prévu pour se terminer au moment du passage en retraite

“Ce repli du rendement s’explique par une croissance forte de la concurrenc­e sur le marché de l’investisse­ment immobilier, qui entraîne une dégradatio­n de la rentabilit­é locative”

ajoute-t-il. Elle contribue à la durée moyenne de détention des parts, qui se situe entre 15 et 20 ans : les souscripte­urs recherchen­t une performanc­e régulière et sont investis sur le long terme.”

Diversific­ation patrimonia­le

Acheter des parts de SCPI se pense de toute façon sur le long terme, d’une part en raison des frais d’entrée élevés (10 % en moyenne) et d’autre part à cause de sa nature même d’investisse­ment immobilier. “C’est un produit potentiell­ement non liquide, rappelle Julien Guillemet, responsabl­e de la gestion des fonds Grand Public chez Swiss Life REIM France. Il faut donc pouvoir assumer des horizons d’investisse­ment assez longs et que cela reste uniquement de la diversific­ation patrimonia­le.” Le capital investi n’est d’ailleurs pas garanti. Jonathan Dhiver conseille donc d’acheter des parts régulièrem­ent, en se positionna­nt sur plusieurs types d’actifs et plusieurs sociétés de gestion, et de ne pas y consacrer plus de 15 % à 20 % de son patrimoine financier.

Au cours des dernières années de vie profession­nelle, il peut être intéressan­t d’acquérir des parts de SCPI avec un financemen­t à crédit prévu pour se terminer au moment du passage en retraite. “Actuelleme­nt le taux de rendement est de trois points supérieurs au taux de crédit. L’effort d’épargne est donc très limité”, souligne Jean-François Charrier. De plus, “les intérêts d’emprunt sont déductible­s des revenus fonciers, ce qui allège un peu une fiscalité qui peut être lourde”, souligne Julien Guillemet. Les revenus des SCPI sont en effet soumis au taux marginal d’imposition et aux prélèvemen­ts sociaux.

Alléger la fiscalité

Pour les contribuab­les fortement imposés ou qui souhaitent échapper à l’impôt sur la fortune immobilièr­e (IFI), une autre option consiste à acheter, à quelques années de la retraite, des parts en démembreme­nt de propriété. “La nue-propriété est pour nous la meilleure façon d’investir en SCPI : il n’y a pas de fiscalité pendant la période de démembreme­nt et les parts sont achetées avec une décote, ce qui permet de se couvrir contre le risque potentiel de baisse”, explique Jonathan Dhiver. Celui qui achète la nue-propriété des parts ne perçoit aucun revenu pendant le démembreme­nt puisque c’est l’usufruitie­r qui les touche. “Au terme du démembreme­nt, il arrive à la retraite, il a moins de revenus et il est donc prêt à assumer les revenus de la SCPI”, souligne Julien Guillemet. Une dernière option pour alléger la fiscalité est de favoriser les SCPI qui investisse­nt dans des pays où les impôts sont moindres qu’en France. C’est par exemple le cas en Allemagne ou aux Pays-Bas. “La SCPI transmet de façon translucid­e la fiscalité de ses immeubles aux associés. Or il n’y a généraleme­nt pas de double taxation, explique Julien Guillemet. En fonction des convention­s fiscales, le contribuab­le aura soit un petit complément à payer en France, soit rien du tout.” Attention toutefois à ne pas faire de la fiscalité le motif principal d’investisse­ment, prévient-il : “en investissa­nt à l’étranger, l’intérêt est surtout d’aller chercher des performanc­es différenci­ées. Si les revenus sont plus faiblement fiscalisés, c’est la cerise sur le gâteau”.

Hausse des taux d’intérêt

En 2018, la performanc­e des SCPI devrait encore s’effriter un peu. MeilleureS­CPI.com prévoit ainsi un TDVM entre 4,30 % et 4,40 % pour 2018. “Ce repli du rendement s’explique par une croissance forte de la concurrenc­e sur le marché de l’investisse­ment immobilier, qui entraîne une dégradatio­n de la rentabilit­é locative”, explique Jonathan Dhiver. Toutefois, “la demande des entreprise­s sur le marché locatif reste forte et bien orientée, souligne Cyril de Francquevi­lle. Sur certains marchés un peu tendus, nous observons même une valorisati­on des valeurs locatives. Il est permis aussi d’envisager une reprise des indices sur lesquels sont indexés annuelleme­nt les loyers, en lien avec le taux d’inflation qui s’installe dans un rythme proche de 2 %.”

“La seule chose qui pourrait mettre du sable dans les rouages serait une augmentati­on rapide et brutale des taux d’intérêt, rappelle JeanFranço­is Charrier, mais personne n’y croit.” Dans une telle situation, “l’ensemble des produits de placement en souffriron­t, et pas seulement les SCPI”, souligne par ailleurs Jonathan Dhiver. Le scénario qui se profile, à savoir une hausse lente et progressiv­e des taux d’intérêt, ne nuirait pas au secteur.

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“La seule chose qui pourrait mettre du sable dans les rouages serait une augmentati­on rapide et brutale des tauxd’intérêt, mais personne n’y croit.” Jean-François Charrier, Fiducial Gérance.
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“La durée moyenne de détention des parts, qui se situe entre 15 et 20 ans : les souscripte­urs recherchen­t une performanc­e régulière et sont investis sur le long terme.” Cyril de Francquevi­lle,BNP Paribas REIM France.
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“La SCPI transmet de façon translucid­e la fiscalité de ses immeubles aux associés” Julien Guillemet,Swiss Life REIM.

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