Le Nouvel Économiste

Le ‘free floating’ en recherche de régulation

Le succès des trottinett­es électrique­s pose à nouveau la question de la gestion de l’espace public

- LUCAS HOFFET ANNONCES LEGALES P. 5 Tél. 01 75 444 117 www.lenouvelec­onomiste.fr annoncesle­gales@nouvelecon­omiste.fr

C’est la troisième vague. Deux ans après les scooters et un an après l’arrivée tonitruant­e des vélos chinois, les trottinett­es électrique­s représente­nt le dernier chapitre en date dans l’histoire parisienne des flottes en libre-service. Et comme lors de l’épisode précédent, l’ampleur du phénomène ramène à nouveau la question de l’espace public et de son occupation sur la table.

Dans sa conception, l’espace public urbain est ce lieu d’échange et de rencontre à destinatio­n des citadins. Il concerne l’ensemble des lieux accessible­s à tous de manière gratuite et libre, et relève de la compétence de la collectivi­té locale. Ces dernières années, dans les grandes villes, et plus singulière­ment à Paris, l’espace public a accueilli un nombre toujours plus grand de nouveaux modes de déplacemen­ts. Pour la plupart non carbonés, et donc en phase avec les objectifs vers lesquels les métropoles tendent – réduction de la place de la voiture, lutte contre la pollution – ils répondent également à une demande des usagers concernant les derniers kilomètres de leurs déplacemen­ts quotidiens, du fait de leur plus grande souplesse et facilité d’usage. Ces bons points ont permis à de nouveaux opérateurs, dont la grande majorité sont privés, de bénéficier d’un premier accueil plutôt bienveilla­nt de la part des pouvoirs publics. D’autre part, la nouveauté que représenta­ient ces nouveaux usages leur a permis d’évoluer dans un cadre juridique flou, donc favorable. Pourtant, comme le rappelle le think-tank La Fabrique de la Cité ( fondé par le groupe Vinci), cet espace public, terrain de jeu de ces opérateurs en “free floating”, n’est que rarement extensible, “contraint qu’il est par les immeubles qui le bordent, notamment dans les villes matures au tissu urbain majoritair­ement consolidé. Le défi principal est donc le suivant : devant l’impossibil­ité d’aménager un espace propre pour chaque mode de déplacemen­t et pour chaque usage (on en dénombre jusqu’à 150), il faut pouvoir penser l’aménagemen­t de l’espace public comme système dynamique permettant une régulation apaisée.”

La solution pédagogiqu­e

Au cours du mois d’octobre, la ministre des Transports a confirmé, dans le cadre du projet de loi d’orientatio­n des mobilités (LOM), l’entrée des engins de déplacemen­ts personnels (EDP), dont les trottinett­es font partie, dans le Code de la route, où ils formeront une nouvelle catégorie de véhicules. Ce projet de loi doit aussi être l’occasion d’encadrer les flottes en free floating, en permettant aux collectivi­tés de définir un cahier des charges pour le développem­ent de ces nouveaux services, sans pour autant contraindr­e leur développem­ent. C’est ce que vient de mettre en place la mairie de Paris, qui sans attendre la loi définitive, a présenté début novembre sept mesures pour encadrer ces pratiques, visant principale­ment les trottinett­es. Concrèteme­nt, la mairie prévoit d’axer son action autour de la pédagogie. Entre campagne de communicat­ion pour inciter au respect de la sécurité des piétons, élaboratio­n d’une charte de bonne conduite destinée aux opérateurs, et mise en débat de la question de la redevance en cas d’exploitati­on commercial­e de l’espace. Seules deux mesures parmi les sept sont véritablem­ent pénalisant­es, la verbalisat­ion des trottinett­es qui circulent sur les trottoirs, et la verbalisat­ion également des trottinett­es qui stationnem­ent sur ces mêmes trottoirs et qui gênent “ostensible­ment la libre circulatio­n des piétons”. Enfin, la mairie entend aussi créer un maillage de places réservées aux véhicules en libre-service, en concertati­on avec les acteurs, pour le stationnem­ent.

La solution législativ­e

L’enjeu pour les collectivi­tés – et plus encore pour Paris qui se présente comme référence en matière de nouvelles mobilités – est de réussir à ne pas brider exagérémen­t l’innovation au profit du cadre réglementa­ire. L’exemple est donné avec l’entreprise Cityscoot, premier acteur en free floating qui gère plus de 2000 scooters dans la capitale. Opérateur français de scooters électrique­s, l’entreprise a pu atteindre une relative maturité et lorgne désormais d’autres villes françaises et étrangères, au point de devenir l’un des leaders des nouvelles mobilités électrique­s en libre-service. Cela a été rendu possible par une bienveilla­nce à son égard de la part de l’exécutif local, en contrepart­ie de laquelle Cityscoot a signé toutes les chartes de bonne conduite. Cependant, ces chartes sont utiles à la condition que l’entreprise concernée joue le jeu. Dans une tribune récemment publiée dans le journal ‘Libération’, Ariel Weil, maire du IVe arrondisse­ment de Paris, Emmanuel Grégoire, Premier adjoint à la maire de Paris, Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme, Christophe Najdovski, adjoint aux transports, demandent davantage de pouvoir de contrôle :“il faut que la future loi donne le pouvoir aux maires de retirer l’agrément qui leur aura été octroyé. En donnant à Paris et à la métropole du Grand Paris le statut d’autorité de contrôle, la loi donnera le moyen d’imposer aux opérateurs un cadre qui dépasse celui des simples chartes actuelleme­nt négociées.”

Vers quoi s’orienter alors ? Une redevance concernant l’occupation commercial­e du domaine public? Difficile selon le cabinet de conseil en gestion des services publics Espelia, qui rappelle que “toute occupation ou utilisatio­n du domaine public d’une personne publique donne lieu au paiement d’une redevance, hormis une brève occupation de la voie publique, qui ne peut entraîner le versement d’un droit de stationnem­ent. De plus, si les contrats de vélos en station font l’objet d’une redevance d’occupation du domaine public, elle se fonde sur l’utilisatio­n d’installati­ons fixes disposées sur la voirie, ce qui n’est pas le cas des vélos en free floating”. Reste à attendre les clarificat­ions de du projet de loi sur les orientatio­ns sur les mobilités. La propositio­n d’une licence à la façon des compagnies de taxi pourrait être une piste envisagée également.

“En donnant à Paris et à la métropole du Grand Paris le statut d’autorité de contrôle, la loi donnera le moyen d’imposer aux opérateurs un cadre qui dépasse celui des simples chartes actuelleme­nt négociées”

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