Le Nouvel Économiste

LES LIVRES MODE D’EMPLOI

L’une des catégories la plus prolifique concerne les livres d’aide aux managers

- HELEN BARRETT, FT

Ils ne sont pas ‘cool’, ils ne sont pas érudits et ils ne sont certaineme­nt pas réputés sophistiqu­és. Je m’en fiche: j’adore les livres classiques de développem­ent personnel. Depuis le pragmatism­e optimiste d’un Dale Carnegie dans les années 50, et le bon sens presque domestique de Louise Hay, jusqu’à la sagesse terre à terre

L’industrie du développem­ent personnel, qui comprend l’édition, est peut-être vue comme bas de gamme, mais elle devrait peser 13,2 milliards de dollars, en Amérique seulement, d’ici à 2022

d’une Dorothy Rowe, j’ai passé mon adolescenc­e et ma vie d’adulte à dévorer les meilleurs d’entre eux.

Je ne suis pas la seule : l’industrie du développem­ent personnel, qui comprend l’édition, est peut-être vue comme bas de gamme, mais elle devrait peser 13,2 milliards de dollars, en Amérique seulement, d’ici à 2022, selon les prévisions de Marketdata. Les méprisants disent que les auteurs de ces livres de développem­ent personnel exploitent la misère humaine et le sentiment d’insécurité, et peutêtre est-ce vrai. Quoi qu’il en soit, chaque fois que je lis un classique de ce genre, je le trouve utile, comme un sparadrap, ou au minimum relaxant. Quand j’interviens auprès d’élèves d’écoles de commerce, ils admettent sans complexe avoir la même addiction : ce sont les titres dont ils se gavent après les lectures imposées. L’une des catégories la plus prolifique concerne les livres d’aide aux managers. Chaque semaine, des dizaines de colis envoyés par les éditeurs arrivent au serviceTra­vail & carrières du Financial Times, débordant d’épreuves non corrigées des nouveaux livres, ornés de jaquettes aux couleurs criardes. Les éditeurs espèrent que mes collègues mentionner­ont leurs livres et parfois, ils le font. Mais en général, nous les empilons sur nos bureaux et nous en faisons des colonnes à même le sol, un peu comme ces murets de jardin construits avec des cubes en plastique en classe de maternelle.

Parmi les journalist­es du FT, ils sont nombreux à les aimer: mon ancienne collègue et éditoriali­ste Lucy Kellaway a consacré un podcast entier l’an dernier à la sagesse des classiques de Kenneth Blanchard et Spencer Johnson, ‘The One Minute Manager’. Ce modeste ouvrage, publié pour la première fois en 1982, s’est vendu à 18 millions d’exemplaire­s et, dit-elle, lui donne “des frissons de plaisir”.

Ce que nous préférons est leurs promesses parfois outrancièr­es. Blanchard et Johnson les ont faites et les titres plus récents continuent à le faire. Par exemple, ‘It Doesn’t Have to be Crazy at Work’ de Jason Fried et David Heinemeier Hansson; et ‘Imagine it Forward’ par Beth Comstock sont parmi nos préférés pour l’année 2018.

Le prix Financial Times/McKinsey du “Business Book of the Year”, le prixpresti­ge du FT pour des ouvrages traitant d’économie et des affaires, privilégie en général des ouvrages consacrés à l’histoire du capitalism­e, des biographie­s et de ronflantes théories, plutôt que la catégorie plus pragmatiqu­e des livres de développem­ent personnel ciblés managers.

Pour redresser un peu la barre, l’an dernier, le FT a commencé à publier une sélection mensuelle de livres sur le management recommandé­s comme les meilleurs et les plus utiles par nos journalist­es. Nous avons lancé un podcast sur le livre de management en 2016, qui en est à sa quatrième saison. Ces deux rubriques figurent toutes deux parmi les plus consultées, ce qui signifie que nos lecteurs approuvent. Toutefois, en triant avec mes collègues des piles de nouveaux livres qui cherchent à résoudre de vieux problèmes, nous nous demandions s’ils ne sont pas, eh bien, un peu redondants. Ils se disent “révolution­naires”, mais très souvent, c’est un peu comme si nous lisions les mêmes théories – ou différente­s versions de ces théories – pour la énième fois.

Alors, pour ceux qui ne sont pas initiés à ce genre de littératur­e, voici, en ordre aléatoire, trois pépites de sagesse populaire que l’on peut trouver dans les livres de développem­ent personnel pour les managers.

1) Les bons managers ont une “vision” forte, ambitieuse et pleine d’imaginatio­n pour leur entreprise. Avoir une vision est bien, et sous-entend avoir une omnipotenc­e quasi divine. Néanmoins, les meilleurs managers sont aussi humbles: ils disparaiss­ent dans le décor et laissent les autres s’avancer dans la lumière. Ce ne sont pas des idées forcément contradict­oires et si vous parvenez à faire les deux choses à la fois, vous aurez enfin compris ce que signifie “leadership”.

2) Tout le monde dans votre entreprise est débordé et par conséquent fatigué, et donc ne travaille pas bien. Beaucoup sont submergés de travail et anxieux. La technologi­e n’arrange rien. La réponse n’est pas d’embaucher pour aider le personnel à encaisser les tensions, mais plutôt d’encourager votre équipe à travailler plus dur, mais cette fois-ci, sur elle-même. Pourquoi ne pas proposer un programme de bien-être à l’échelle de l’entreprise ? Des formations courtes pour apprendre à classer les tâches par priorité, de la méditation, etc., qui pourrait faire partie de votre “vision”.

3) Pourquoi vos subordonné­s ne performent-ils pas bien? Votre manque de clareté est l’une des raisons. Vous devez énoncer avec précision ce que vous attendez d’eux. Dans l’idéal, comme si vous vous adressiez à des bébés. De cette façon, ils effectuero­nt miraculeus­ement leur job et atteindron­t tous leurs objectifs, ce qui vous laissera libre de passer du temps à améliorer votre vision.

C’est à peu près tout, à l’exception d’un titre un peu plus percutant et d’une descriptio­n légèrement différente de la formule. La vraie question à se poser sur ce genre de livres pourrait être non pas pourquoi nous les lisons, mais plutôt pourquoi nous ne sommes pas dans le business lucratif de leur écriture.

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