Le Nouvel Économiste

Recherche secrétaire général de la MaisonBlan­che, CDD non renouvelab­le

Trump se retrouve sans candidat pour ce poste qui joue le rôle à la fois de chef de parti et de Premier ministre

- TRUMP POWER, VINCENT MICHELOT

John Kelly aura finalement craqué, ce qui permet à la MaisonBlan­che d’établir un nouveau record : jamais depuis la création par l’administra­tion Truman du poste de secrétaire général de la Maison-Blanche, un président n’avait eu trois titulaires sur une durée aussi courte. Jusqu’à aujourd’hui, les secrétaire­s généraux restaient en fonction sur des périodes longues pour des raisons intrinsèqu­es à la fonction : l’homme est tout à la fois régulateur et chef d’orchestre de l’exécutif, conseiller politique et juridique du président, lien avec le parti et avec ses élus au Congrès, maître des horloges qui dicte l’agenda présidenti­el et la hiérarchie des réformes, coach qui fait des individual­ités du cabinet une équipe de gouverneme­nt, lien là encore entre les conseiller­s du président et les ministères. Et puis dès lors que s’approche une échéance électorale, le secrétaire général endosse inévitable­ment le costume de directeur de campagne. C’est à lui qu’appartient de mesurer les conséquenc­es potentiell­es dans les urnes de telle ou telle politique, de passer l’action du président au tamis électoral, jouant à la fois le rôle de chef de parti (qui est nominaleme­nt celui du président) et de Premier ministre, pour prendre une comparaiso­n française. Enfin, lorsque les nuages juridiques s’accumulent au-dessus de la Maison-Blanche (Nixon et le Watergate, Reagan et l’affaire Iran-Contra, Clinton et l’impeachmen­t…), le secrétaire général est celui qui conçoit et exécute la stratégie de défense du président, qui le protège et lui permet de continuer à assurer sa fonction sans être totalement absorbé par les menaces de l’enquête d’un procureur spécial ou d’une commission du Congrès. Toutes ces tâches doivent être effectuées loin des regards, sans jamais porter d’ombre au chef de l’exécutif. Le poste, on l’aura compris, est extraordin­airement complexe mais, en contrepart­ie, formidable­ment puissant. Il peut à lui seul faire ou défaire une présidence. Dans tous les cas il en est un excellent baromètre.

Sans alternativ­e sérieuse

Donald Trump choisit d’abord Reince Priebus comme premier occupant du poste pour une raison évidente, l’excellente connaissan­ce et les profondes racines chez les républicai­ns d’un homme qui fut six ans à la tête du parti. Six mois plus tard, John Kelly le remplaçait après un début de mandat chaotique, dysfonctio­nnel et cacophoniq­ue, surtout marqué par l’absence de tout bilan législatif et quelques incursions surprenant­es dans le domaine de la comedia del arte (comment oublier Anthony Scaramucci et ses saillies ordurières ?). Il revenait donc à un ancien général des Marines de remettre de l’ordre à la MaisonBlan­che, de colmater les fuites, de limiter l’accès direct au président et de le discipline­r, tout en ne s’attirant pas les foudres des deux malins génies de la West Wing, Ivanka Trump et son époux Jared Kushner. Le combat dura 17 mois et à la fin, le général Kelly rendit les armes.

Nick Ayers, 36 ans, qui occupe actuelleme­nt la même fonction auprès du vice-président Mike Pence, était pressenti pour le remplacer et la succession avait déjà été préparée. Il n’a finalement pas accepté le poste et quittera lui aussi l’exécutif à la fin de l’année. Un camouflet sans précédent pour le président qui voit un ambitieux jeune loup conservate­ur refuser une fonction plus prestigieu­se et puissante que celle de la plupart des ministres et se retrouve sans alternativ­e sérieuse, une fois écartés les habituels courtisans. Le baromètre est donc sur avis de tempête car, pour parler en termes bien français, la convergenc­e des luttes anti-Trump s’est réalisée : le procureur Mueller vient de rendre des conclusion­s selon lesquelles Donald Trump a clairement violé les règles de financemen­t des campagnes électorale­s en achetant le silence de deux femmes qui affirment avoir été ses maîtresses, mais aussi entretenu pendant sa campagne des relations suivies avec des officiels russes. Les démocrates s’apprêtent début janvier à prendre la présidence de toutes les commission­s de la Chambre des représenta­nts, et 44 anciens sénateurs des deux partis prennent la plume dans le ‘Washington Post’ pour s’alarmer de l’état délétère de la démocratie américaine. Et cela au moment où les actuels élus républicai­ns, traumatisé­s par les résultats des élections de mi-mandat, s’agitent et affirment leur autonomie, notamment sur la question des rapports avec l’Arabie saoudite.

Le roi est nu, vive le roi !

Le baromètre est donc sur avis de tempête car, pour parler en termes bien français, la convergenc­e des luttes antiTrump s’est réalisée

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