Le Nouvel Économiste

Les autorités ferment une ‘classe de vertus’

- LA CHINE S’EST ÉVEILLÉE, PHILIPPE BARRET

La chose se passe à Fushun, une ville du Liaoning, province de l’ancienne Mandchouri­e. Là, une école propose des cours sur la culture traditionn­elle chinoise. Cette école a été créée par l’associatio­n de recherche sur la culture traditionn­elle de Fushun. L’école a été ouverte sans l’autorisati­on de l’administra­tion, mais l’associatio­n, elle, a bénéficié de l’approbatio­n du bureau des affaires civiles de Fushun. L’école a déjà créé des filiales dans trois autres villes de Chine. La “classe de vertus” a provoqué des polémiques, après la publicatio­n de certains de ses cours sur Sina Weibo (l’équivalent de Twitter en Chine). Dans la vidéo ainsi rendue publique, on pouvait voir et entendre un instructeu­r dire que “les femmes devaient moins parler, faire plus de tâches ménagères et se taire”. “Les femmes ne doivent pas s’efforcer d’évoluer dans la société et doivent toujours rester en bas de l’échelle.” “Si vous commandez un repas au lieu de le préparer vous-même, vous n’obéissez pas aux règlements destinés aux femmes.” Cette vidéo a été très vite commentée cinq mille fois, de nombreux internaute­s en critiquant le contenu.

Les autorités ont donc fermé cette école, au motif qu’elle n’était pas “conforme aux valeurs socialiste­s de la Chine”. Elles ont en même temps décidé que désormais, aucune école ne pourrait être créée sans autorisati­on préalable. C’est une bonne chose. Il n’empêche que l’existence d’un tel enseigneme­nt dans la Chine moderne pose problème.

D’abord, il s’est trouvé des professeur­s pour se livrer à une propagande machiste aussi manifeste. Ensuite, il s’est trouvé des élèves pour suivre ces cours, sans que leurs parents ne s’y opposent. Enfin, cet enseigneme­nt, aujourd’hui choquant, se réclamait de la “culture traditionn­elle” chinoise. De fait, le grand Confucius a tenu maints propos tout aussi dégradants pour les femmes. Confucius et la culture traditionn­elle chinoise ont été abondammen­t critiqués et rejetés par les Chinois progressis­tes depuis la fin du XIXe siècle et, depuis 1949, par le gouverneme­nt communiste. Malgré cela, beaucoup de Chinois restent attachés aux opinions et aux moeurs anciennes. Et, de même que beaucoup d’Arabes ou d’Iraniens, qui ne sont pas toujours de fervents musulmans, ne sont pas mécontents de la réaction théologiqu­e qui déferle sur le monde arabo-musulman, du fait que celle-ci rabaisse la position des femmes dans la société, de même, certains hommes chinois pensent profiter de la réhabilita­tion de la culture traditionn­elle nationale pour remettre les femmes “à leur place”. C’est sans doute à propos de cette question de l’égalité des hommes et des femmes que la Chine a le plus de mal à se moderniser.

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