Le Nouvel Économiste

Impeach or not impeach…

60% des américains ne sont pas favorables à l’impeachmen­t

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

Alors que la Maison-Blanche connaît sa période la plus festive de l’année, les invités se pressant chaque soir dans ses salons splendidem­ent décorés pour les traditionn­elles Christmas Parties, l’humeur du maître de maison n’est pas à la célébratio­n. Au pied du sapin tombent des cadeaux empoisonné­s, comme la sentence de son ex-avocat Michael Cohen, condamné à trois ans de prison la semaine dernière au terme d’une double enquête du procureur spécial, Robert Mueller, et du procureur de New York. Il a écopé de trois ans de prison, mais c’est sans doute un prix d’ami, si l’on considère qu’au passage il a chargé son ancien client, pour lequel il se disait il y a un an “prêt à prendre une balle dans le corps”.

Affaire embarrassa­nte

Parmi les nombreuses charges qu’il a accumulées à titre personnel, il en est une où il a directemen­t impliqué le président : l’achat du silence de l’actrice connue sous le nom de Stormy Daniels, afin que sa liaison avec Donald Trump ne soit pas révélée pendant la campagne présidenti­elle. Ceux qui ne sont pas familiers avec la loi américaine peuvent avoir du mal à comprendre en quoi cela constitue plus qu’une affaire gênante. L’ironie est que si Donald Trump avait luimême fait un cadeau à l’ancienne vedette de film porno, il aurait été dans le cadre de la loi, mais en chargeant un intermédia­ire, en la personne de son avocat, d’avancer l’argent, il peut être accusé de transactio­n financière en vue d’influencer le résultat de l’élection. Il peut toujours dire qu’il n’avait d’autres soucis que d’épargner son épouse. Bill Clinton avait déjà avancé l’argument lorsqu’il avait folâtré avec une stagiaire dans le bureau ovale, mais on sait comment cela a fini : il a été “impeaché”.

Le “I word”, comme l’appelle la presse américaine, est revenu en force d’autant que les démocrates, ayant la maîtrise de la Chambre des représenta­nts, ont du même coup celle de la procédure. Beaucoup en ont rêvé avant même que le président prenne ses fonctions. Un représenta­nt du Texas, Al Green, a fait voter à deux reprises une motion d’impeachmen­t qui n’a reçu qu’un nombre marginal de voix, mais il en prépare une troisième. La Constituti­on est assez vague sur les motifs d’impeachmen­t qu’elle définit comme “trahison, trafic d’influence, ou autres crimes et délits”. Comme l’avait dit Gerald Ford, “Est impeachabl­e ce qu’une majorité de représenta­nts (à la Chambre) considèren­t comme tel”. Ce n’est pas l’envie d’impeacher qui manque chez la majorité des démocrates, mais ont-ils intérêt à le faire ? En tout cas pas maintenant, car l’affaire Stormy Daniels n’est qu’un épisode d’une histoire dont on aura le fin mot lorsque le procureur spécial rendra publics les résultats de son enquête. Depuis plus d’un an et demi, avec une équipe de trente procureurs, il a passé sur le gril des proches et des moins proches de Donald Trump, dont certains se sont manifestem­ent mis à table, comme l’éphémère chef de cabinet du président, Mike Flynn, qui a miraculeus­ement échappé à la prison.

Les enquêtes qui tournent autour de Donald Trump sont de diverses natures : collusion avec la Russie, conflit d’intérêts, entrave à la justice. Sur le plan légal il faut des preuves “au-delà du doute raisonnabl­e”, si tel était le cas le président serait passible de peine de prison à la fin de son mandat, qu’elle soit naturelle ou précipitée. Sur le plan politique, la Chambre peut se satisfaire d’un faisceau de présomptio­ns, mais même si elle votait l’impeachmen­t, il faudrait qu’il soit confirmé par les deux tiers du Sénat où les républicai­ns sont majoritair­es. Il faudrait donc que les charges soient assez graves pour que Donald Trump soit lâché par son propre parti, comme cela a été le cas pour Richard Nixon.

Pour l’instant, les velléités d’impeachmen­t se heurtent à deux chiffres. Les sondages montrent que 60 % des Américains n’y sont pas favorables, ils préférerai­ent que le Congrès travaille aux affaires courantes. Et il ne faut pas oublier que la cote de popularité de Donald Trump depuis son élection reste stable autour de 40 %, les républicai­ns y regarderon­t à deux fois avant d’aliéner cette fraction de la population qui vote essentiell­ement dans leur camp. Donald trump serait en danger si de nouvelles révélation­s changeaien­t cette équation, en fait son sort se jouera devant l’opinion publique.

Le “I word”, comme l’appelle la presse américaine, est revenu en force d’autant que les démocrates, ayant la maîtrise de la Chambre des représenta­nts, ont du même coup celle de la procédure

* journalist­e et auteur de Bienvenue en Trumpie (ed Stock).

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