Le Nouvel Économiste

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Entrepôts XXL en Ile-de-France

- ROMAIN THOMAS

Après l’année record enregistré­e en 2017 par l’immobilier logistique, le marché a démarré l’année 2018 sur la pointe des pieds. Ainsi, d’après une étude publiée par Cushman & Wakefield, la demande placée d’entrepôts logistique­s a totalisé 412 000 m2 au 1er trimestre 2018, soit un volume plus de deux fois inférieur à celui de l’année dernière, qui rappelons-le était un millésime d’exception. Il faut dire que sur le plan économique, le climat des affaires et le moral des ménages ont légèrement fléchi depuis le 1er janvier dernier, laissant présager d’un rythme de croissance moindre dans l’Hexagone, si l’on en croit les dernières estimation­s de l’Insee. Cependant, cet environnem­ent ne semble pas inquiéter outre mesure les profession­nels du secteur. Les indicateur­s logistique­s, comme les indices de chiffre d’affaires du transport-entreposag­e ou du commerce de gros, continuent d’être bien orientés, en dépit de leur léger repli. Et comme le rappelle Damien Vernier, directeur business unit logistique France chez GSE, “la grande distributi­on reste un élément moteur de l’activité logistique”. Il faut dire que cet acteur est particuliè­rement actif sur le marché, en tentant d’optimiser les coûts liés aux opérations de logistique par le biais notamment de bâtiments de très grande taille. Autre élément pour expliquer cette recherche de bâtiments XXL : le développem­ent exponentie­l du commerce en ligne et de la vente à distance, qui s’accompagne d’une multiplica­tion des livraisons et des opérations de service après-vente, et d’une diminution du prix du panier moyen. Ainsi, d’après la Fevad (Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance), les Français n’ont jamais autant dépensé sur Internet : en 2017, les transactio­ns sur la toile se sont chiffrées à près de 82 milliards d’euros, en hausse de 14,3 % sur un an. Leur nombre a augmenté de 20,5 % sur la même période, avec un panier moyen en diminution de 5 % par rapport à 2016, ressortant à 65,50 euros.

Plus grands mais plus rares

On comprend dès lors un peu mieux pourquoi le commerce en ligne renforce cette tendance à la massificat­ion des actifs logistique­s. En effet, aussi bien les acteurs traditionn­els de la grande distributi­on que ceux du monde du e-commerce doivent faire des économies d’échelle, mutualiser les services ou gérer un nombre important de références. La demande pour des entrepôts de taille XXL devrait rester forte, notamment sur la dorsale nordsud de l’Hexagone, à savoir l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille, dont les grands bassins de consommati­on dominent sans partage

“La grande distributi­on reste un élément moteur de l’activité logistique”

le marché de l’immobilier logistique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les investisse­urs concentren­t généraleme­nt leurs opérations sur cette dorsale nord-sud, même si les rentabilit­és observées continuent de se comprimer. Au coeur de ce corridor logistique, la région parisienne est de très loin le secteur géographiq­ue le plus prisé, selon une étude réalisée par BureauxLoc­aux. com, qui rappelle qu’avec ses 12 millions d’habitants, l’Ile-deFrance est le deuxième bassin de consommati­on européen derrière Londres, et “s’affirme sans surprise comme un bassin de consommati­on stratégiqu­e et incontourn­able pour tout acteur souhaitant développer ou défendre ses parts de marché”, indique Magali Marton, directrice de la recherche chez Cushman & Wakefield. Conséquenc­e : le marché est extrêmemen­t tendu aux abords de Paris. Il n’y a pratiqueme­nt aucune offre d’entrepôts à la vente répondant aux besoins actuels des acteurs du secteur. Pour eux, toute la difficulté consiste donc à mettre la main sur ce type de produits. Face cette offre quasi nulle en première couronne, les entreprise­s sont contrainte­s de s’éloigner de la proche banlieue de Paris et de focaliser davantage leurs recherches sur la grande couronne. Et ce n’est pas un hasard si Amazon, le géant américain du e-commerce, s’est lancé dans la constructi­on d’une plateforme logistique géante de près de 150 000 m2 qui devrait jour d’ici la fin de cette année sur la commune de Brétigny-sur-Orge, dans le départemen­t de l’Essonne (91) à une trentaine de kilomètres de la capitale.

Accueillan­te Seine-et-Marne

Mais ce départemen­t francilien n’est pas le seul à retenir l’attention des utilisateu­rs d’entrepôts. Ces derniers sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au départemen­t de la Seine et Marne (77) “qui s’affiche comme l’un des poumons de l’immobilier logistique en Ile-de-France, en concentran­t, à lui seul, trois des six opérations XXL francilien­nes de l’année 2017”, selon Magali Marton. En effet, sa superficie de près de 6 000 km2 – la plus vaste de la région parisienne – est particuliè­rement accueillan­te pour permettre la constructi­on de nouveaux bâtiments adaptés à la demande des utilisateu­rs, notamment ceux de taille XXL répondant aux dernières normes sécuritair­es et environnem­entales en vigueur. De plus, comme le précise Benoît Chappey, directeur de développem­ent de Goodman France, “le départemen­t de la Seine-etMarne est dynamisé par les initiative­s des autorités locales, tant du point de vue économique que social”. L’exemple de Val d’Europe illustre très bien cette dynamique : le territoire affiche aujourd’hui de nombreux atouts en termes de qualité de vie, de réseau de transports et d’équilibre entre le nombre d’habitants et l’emploi.p Et les acteurs du secteur l’ont bien compris. À leurs yeux, “la Seine-et-Marne offre un bon compromis entre d’un côté la proximité des consommate­urs résidant en région parisienne et de l’autre la disponibil­ité du foncier”, indique René Jeannenot, directeur du pôle activité et logistique Ile-de-France chez BNP Paribas Real Estate. D’ailleurs, des sites de commerce en ligne comme Saranza ou encore Zalando y ont inauguré de nouveaux entrepôts d’environ 20 000 m2 en 2016 et 2017. Autre exemple, Conforama a annoncé qu’un bâtiment de près de 180 000 m2 verrait le jour en 2019 sur la commune de Tournanen-Brie en Seine-et-Marne, à environ 40 km de Paris. De son côté, Cdiscount, N°1 français du e-commerce, a décidé de louer plus de 80 000 m2 d’entrepôts au sein du parc de Chanteloup, propriété de Prologis à MoissyCram­ayel (77). Il a en effet pris à bail quatre bâtiments de près de 20 000 m2 chacun.

Les derniers kilomètres en question

Toutes ces opérations servent non seulement à accompagne­r la croissance des ventes de ces acteurs du monde du e-commerce, mais également à rapprocher physiqueme­nt leurs stocks de leurs clients résidant en Ile-de-France. Du coup, en faisant le choix de s’installer à plusieurs dizaines de kilomètres du centre de Paris, la question du dernier kilomètre devient plus que jamais d’actualité. Et comme le rappelle Didier Terrier, directeur général d’Arthur Loyd Logistique, “la Seine-etMarne est très bien connectée aux réseaux routiers et autoroutie­rs, notamment avec l’autoroute A4 et A6 par exemple”. Une bonne accessibil­ité pour l’achemineme­nt des marchandis­es est en effet un élément essentiel de la chaîne logistique, d’où la nécessité de disposer d’une plateforme logistique proche des grands axes routiers pour réduire autant que possible la facture totale. Il s’agit donc non seulement d’un enjeu stratégiqu­e mais aussi d’un véritable casse-tête pour les e-commerçant­s qui développen­t des stratégies multiples pour y répondre : dépôts urbains, entrepôts à étages, alliances avec le commerce physique, etc. Bref, en s’éloignant du centre du Paris, les acteurs du secteur poussent paradoxale­ment au développem­ent de la logistique urbaine en mettant en place des plateforme­s locales, situées à quelques centaines de mètre ou quelques kilomètres des lieux de destinatio­n, ce qui diminue d’autant les frais d’achemineme­nt dus aux derniers kilomètres.

L’Ile-de-France est le deuxième bassin de consommati­on européen

En s’éloignant du centre du Paris, les acteurs du secteur poussent paradoxale­ment au développem­ent de la logistique urbaine en mettant en place des plateforme­s locales

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Avec le développem­ent du e-commerce, on assiste à une forte hausse de la demande d’entrepôts logistique­s bien situés et adaptés aux dernières technologi­es. C’est notamment vrai en Ile-de-France et en particulie­r dans le départemen­t de la Seine-et-Marne, le plus vaste de la région parisienne et donc le plus accueillan­t pour la constructi­on de nouveaux entrepôts adaptés à la demande des utilisateu­rs.
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“L’Ile-de-France s’affirme comme un bassin de consommati­on stratégiqu­e etincontou­rnable pour tout acteur souhaitant développer ou défendrese­s parts de marché.” Magali Marton, Cushman & Wakefield.
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“La Seine-et-Marne offre un boncomprom­is entre d’un côté la proximité des consommate­urs résidant en région parisienne et de l’autrela disponibil­ité du foncier.” René Jeannenot, BNP Paribas Real Estate.

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