Le Nouvel Économiste

Terrain miné Les université­s n’ont d’autre solution que d’augmenter des droits d’inscriptio­n actuelleme­nt symbolique­s

- PATRICK ARNOUX -

Les études à l’université sont quasiment gratuites, héritage d’une époque où elles ne formaient qu’une proportion marginale de la population. Sous la poussée démographi­que, l’élévation du niveau d’études, une formidable massificat­ion, a transformé sa mission dans toutes les dimensions. L’Alma mater formait des profs et des chercheurs puis s’est intéressée aux débouchés profession­nels pour un nombre croissant de métiers. Or son modèle économique est calé à plus de 80 % de ressources fournies par le contribuab­le. Est-ce désormais tenable, à l’heure où chaque université doit développer une stratégie internatio­nale, donc se confronter à des concurrent­s beaucoup mieux argentés ? La Cour des comptes vient donc de proposer une hausse modique des tarifs des masters – 243 à 965 euros – propositio­n immédiatem­ent écartée par le Premier ministre. Faire payer une modeste participat­ion – 10 % du véritable coût – n’est-il pas le meilleur moyen de satisfaire ces besoins financiers ? À condition de la dédramatis­er et de la préparer. Pour l’étudiant, c’est un investisse­ment qui le rendrait justement solvable si un mécanisme de prêt défiscalis­é, avec franchise, facilitait sa mise.

Les magistrats de la rue Cambon ne pouvaient choisir pire moment ! Inviter les université­s à faire payer un prix raisonnabl­e leurs programmes était pourtant calé sur une logique économique pertinente, tant leur situation financière est dégradée. Près d’une dizaine sont dans le rouge. Aussi les sages de la Cour des comptes, ayant fait leurs calculs, élaboré plusieurs scénarios, ont trouvé judicieux de faire passer le coût des études d’une quasigratu­ité – 171 euros pour une année de licence, 243 euros pour un master – à un niveau modéré, de 965 euros, mais uniquement pour le master. À titre de comparaiso­n, les droits s’élèvent à 45 300 euros pour les trois années du master of management du programme grande école d’HEC. Et cette propositio­n ne représente jamais que moins de 10 % du prix de revient réel d’une année d’études à l’université (10 050 euros) – la différence étant réglée par le contribuab­le.

Ces propositio­ns devaient être rendues publiques dans un rapport publié le 5 décembre dernier. Mais face aux réalités drues de l’économie et aux tumultes de la rue, le politique a toujours le dernier mot. Lundi 19 novembre, le Premier ministre a brutalemen­t balayé cette “invitation” : “Le gouverneme­nt ne donnera pas suite à cette préconisat­ion” a réagig Édouard Philippe. On le comp prend certes, dans ce contexte hyper-sensible. En regardant le rétroviseu­r.

Faire payer une modeste participat­ion – 10 % du véritable coût – n’est-il pas le meilleur moyen de satisfaire ces besoins financiers ?

Faire passer le coût des études d’une quasi-gratuité – 171 euros pour une année de licence, 243 euros pour un master – à un niveau modéré, de 965 euros, mais uniquement pour le master, ne représente jamais que moins de 10 % du prix de revient réel d’une année d’études à l’université (10 050 euros) – la différence étant réglée par le contribuab­le.

Pas besoin d’être passé par les bancs de l’université pour savoir que devant la colère des élèves et étudiants, tous les régimes politiques – de droite et de gauche – ont calé, voire reculé. Si cruel en est l’énuméré. Mitterrand et la loi Savary (1984), Chirac et la loi Devaquet (1986), de Villepin et le CPE (2006), Sarkozy et la loi Pécresse (2007) à propos de la sélection, sous la pression des syndicats étudiants.

Les redoutable­s colères estudianti­nes ritualisen­t en tabou toute perspectiv­e de changement. Elles ont un allié, ce dogme gravé dans le marbre du préambule de la Constituti­on du 27 octobre 1946 : “La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instructio­n, à la formation profession­nelle et à la culture. L’organisati­on de l’enseigneme­nt ppublic ggratuit et laïqueq à tous les degrés est un devoir de l’État”. Gratuité héritée d’une période où elle ne concernait qu’une proportion marginale de la population. Or depuis, sa massificat­ion, son internatio­nalisation et le développem­ent de l’offre de formation créent des besoins de financemen­t croissants dans les établissem­ents. Ce qui fait affirmer aux magistrats de la rue Cambon : “Les besoins financiers des établissem­ents ne sont pas réellement pris en compte, leur financemen­t ne reposant sur les droits

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