Le Nouvel Économiste

Le remaniemen­t gouverneme­ntal saoudien aura fait beaucoup de bruit pour rien

Loin d’être affaibli,, le ppouvoir du pprince héritier MBS en sort au contraire renforcé. Pas de quoi apaiser les États-Unis.

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

Lorsque les portes du consulat américain se sont fermées sur Jamal Khashoggi, les portes de l’enfer se sont ouvertes sur l’Arabie saoudite, qui affronte depuis lors la pire crise politique que ce régime a eue à connaître depuis sa création dans les années 30. En effet, suite à l’assassinat de ce journalist­e, toute la campagne de réhabilita­tion menée par le prince héritier afin de peindre ce pays, perçu comme une féodalité moyenâgeus­e,g comme un État moderne en pleineévol­uy tion, a succombé aux déluges de condamnati­ons venant de la planète entière. Même le président américain Donald Trump, acquis, fait et cause, à la diplomatie du portefeuil­le de ce pays, n’a pu s’empêcher de condamner l’assassinat de Khashoggi qui, d’après les dires des services américains, avait été directemen­t ordonné par le prince héritier. Ce dernier s’est même retrouvé dans le statut de paria internatio­nal, qquasiment aucun des chefs d’État présent au sommet du G20 à Buenos Aires n’ayant accepté de le rencontrer dans le cadre de rencontres bilatérale­s séparées. C’est dire que les attentes étaient importante­s à l’approche de cette fin de l’année 2018 au niveau d’un remaniemen­t qui tardait à se réaliser. Lorsque finalement il fut annoncé les derniers jours de l’année 2018, au sein du cabinet royal (le conseil pour les affaires politiques et de sécurité) en Arabie saoudite, la déception fut grande. Plus précisémen­t, le 27 décembre dernier, par un décret royal signé par le roi Salmane, un certain nombre de ministres ont été désignésg et d’autres limogés.g Étonnammen­t, loin de limiter le pouvoir exorbitant de ce prince tumultueux, la compositio­n du nouveau cabinet n’a fait qu’enraciner davantage sa position. Ainsi loin d’être amoindri dans ses prérogativ­es, le pouvoir de Mohammad Bin Salmane fut au contraire renforcé.

Le frère du prince héritier, actuelleme­nt ambassadeu­r à Washington, qui avait été rappelé au pays et qui fut à un moment pressenti comme une solution probable de remplaceme­nt, n’a pas été gratifié d’un quelconque poste. Les book-makers avaient pourtant parié sur sa désignatio­n comme conseiller à la Sécurité nationale, fonction de nouveau créée, mais au profit d’un intime du prince héritier : Musaid al-Aiban, précédemme­nt le second en charge de la cour royale. Par ailleurs, et c’est une curiosité, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a été nommé ministre d’État en charge des Affaires étrangères aux côtés d’un nouveau ministre des Affaires étrangères, le ministre des Finances de feu le roi Abdallah, Ibrahim al-Assaf, un repris de l’affaire du Ritz Carlton pour laquelle il avait été incarcéré un temps par celui qui est devenu son bénéfacteu­r. Les ppostes très importants­p du ministre de l’Énergie et de celui des Finances continuent d’être occupés par les mêmes à savoir, Khalid al-Falih et Muhammad al-Jadaan. De même, alors que le jeune prince se targuait d’être un partisan des droits des femmes, aucune femme n’entre au gouverneme­nt, même pas aux rangs subalterne­s.

L’occasion manquée de calmer les inquiétude­s américaine­s

Sur les questions diplomatiq­ues d’importance, à savoir la guerre tragique au Yémen, le conflit avec l’Iran ou encore le blocus continu du Qatar, rien ne semble destiné à être modifié. La seule nouveauté étant l’inaugurati­on g des ambassades des Émirats arabes unis et celle du Bahreïn à Damas, qui préfiguren­t l’ouverture prochaine de celle de l’Arabie saoudite. Les Saoudiens semblent enfin avoir compris que la politique de la chaise vide ne peut que profiter à leur concurrent, en l’occurrence l’Iran. Mais ce remaniemen­t, qui n’est qu’un changement de façade, aurait pu arriver à bon point pour tenter de renverser la vague hostile qui souffle sur le Congrès américain, s’il avait été structuré autrement. Rappelons que par deux résolution­s, le 13 décembre dernier – l’une demandant l’arrêt du soutien logistique américain à l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen, adoptée avec le concours de sept sénateurs républicai­ns (56/41), et l’autre, adoptée à l’unanimité, condamnant nommément le prince héritier saoudien comme instigateu­r et ordonnateu­r de l’assassinat de Jamal Khashoggi –, le sénat a montré qu’il en avait assez des exactions saoudienne­s.

Or, ce remaniemen­t, qui aurait pu être une réponse aux inquiétude­s américaine­s, n’a finalement fait qu’entériner une réalité de fait, celle de la toute-puissance du jeune prince, rappelant le titre d’une pièce bien connue de Shakespear­e, “Much ado about nothing”, ou beaucoup de bruit pour rien !

Étonnammen­t, loin de limiter le pouvoir exorbitant de ce prince tumultueux, la compositio­n du nouveau cabinet n’a fait qu’enraciner davantage sa position

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