Le Nouvel Économiste

Paypal, à l’encontre des idées reçues

Ce qui manque en prestige à Paypal, l’entreprise l’a compensé en performanc­e

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La Silicon Valley déborde toujours de nouveautés dernier cri. C’est pourquoi les acteurs de la tech pensent rarement à PayPal, une société de paiement numérique qui fête ses 20 ans ce mois-ci. Quand le nom est mentionné, c’est généraleme­nt pour évoquer la “mafia PayPal” : ce groupe d’entreprene­urs, parmi lesquels figure le patron de Tesla, Elon Musk, et Peter Thiel, richissime investisse­ur en capital-risque, a fait fortune lorsque eBay a racheté leur entreprise pour 1,5 milliard de dollars en 2002. Mais demandez aux profession­nels de la tech de citer la plus importante entreprise de la vallée, l’entreprise phare. Il est peu probable d’entendre le nom de Paypal.

Ce qui manque en prestige à Paypal, l’entreprise l’a compensé en performanc­e...

La Silicon Valley déborde toujours de nouveautés dernier cri. C’est pourquoi les acteurs de la tech pensent rarement à PayPal, une société de paiement numérique qui fête ses 20 ans ce mois-ci. Quand le nom est mentionné, c’est généraleme­nt pour évoquer la “mafia PayPal”: ce groupe d’entreprene­urs, parmi lesquels figure le patron de Tesla, Elon Musk, et Peter Thiel, richissime investisse­ur en capital-risque, a fait fortune lorsque eBay a racheté leur entreprise pour 1,5 milliard de dollars en 2002. Mais demandez aux profession­nels de la tech de citer la plus importante entreprise de la vallée, l’entreprise phare. Il est peu probable d’entendre le nom de Paypal.

Ce qui manque en prestige à Paypal, l’entreprise l’a compensé en performanc­e. Après avoir croupi sous le contrôle d’eBay, le service de paiement en ligne a repris sa liberté en 2015, avant un retour en bourse la même année. Aujourd’hui, PayPal affiche une capitalisa­tion boursière de 101 milliards de dollars et représente l’une des entreprise­s technologi­ques les plus prospères de la Silicon Valley, avec une valeur supérieure à celle de Goldman Sachs ou Morgan Stanley. Cette année, elle devrait faciliter les paiements numériques pour un montant d’environ 582 milliards de dollars, soit environ quatre fois plus qu’en 2012. PayPal joue un rôle de porte-monnaie électroniq­ue et facture aux commerçant­s des commission­s lorsque les consommate­urs utilisent ce service pour leurs transactio­ns en ligne. En 2018, l’entreprise devrait dégager un résultat d’exploitati­on de 3,4 milliards de dollars.

C’est là un pied de nez aux recettes de la Silicon Valley sur la bonne façon de créer et de diriger des entreprise­s. Un principe communémen­t admis affirme en effet que les fondateurs font les meilleurs patrons, ce qui explique qu’on leur accorde une telle marge de manoeuvre, et qu’ils se voient rappelés pour diriger des entreprise­s (comme ce fut le cas de Jack Dorsey chez Twitter).

Mais le fait que le patron de PayPal soit venu de l’extérieur semble avoir aidé. Dan Schulman a dirigé la société de téléphonie Virgin Mobile et travaillai­t chez American Express, avant de prendre la relève en 2014. PayPal avait auparavant adopté une stratégie de confrontat­ion avec ses concurrent­s, y compris les sociétés émettrices de cartes de crédit, car Paypal empochait une commission plus élevée si les utilisateu­rs reliaient leur compte bancaire à PayPal plutôt qu’à une carte de crédit. Selon Lisa Ellis, du cabinet de conseil et de recherche MoffettNat­hanson, “Tout le monde les détestait. Ils avaient une culture de la disruption et se battaient avec tout le monde”. Si Dan Schulman n’avait pas changé de tactique, “PayPal serait déjà mort”.

Au lieu de cela, Dan Schulman a négocié une quarantain­e de partenaria­ts avec des concurrent­s potentiels, dont Visa, MasterCard et Google Pay, pour étendre la portée de PayPal. Par exemple, les acheteurs qui utilisent Google Pay pour régler leurs achats ppeuvent y lier leurs comptesp PayPal. y À l’origine d’une telle ouverture, on trouve entre autres la philosophi­e du krav-maga, une forme d’arts martiaux développée par l’armée israélienn­e, dont Dan Schulman est un adepte. Il se présente parfois au bureau avec un oeil au beurre noir et des coupures. “Je crois beaucoup aux arts martiaux, car la meilleure façon de gagner un combat est d’éviter de se battre”, expliquetC­ette stratégie a rassuré quant au risque que les sociétés émettrices de cartes de crédit et d’autres entreprise­s technologi­ques n’essaient d’éradiquer PayPal – une crainte qui avait nui à l’image de PayPal auprès des investisse­urs.

Dan Schulman fait partie d’une génération de chefs d’entreprise peu connus qui n’ont pas fondé l’entreprise qu’ils dirigent, mais qui ont amélioré les performanc­es d’entreprise­s en stagnation. Dan Rosensweig, qui n’est pas l’un des fondateurs mais le patron de longue date de la société Chegg, spécialisé­e dans les technologi­es de l’éducation, les dénomme les “re-fondateurs”. Satya Nadella, de Microsoft, est probableme­nt le patron le plus célèbre de cette catégorie, qui compte aussi Shantanu Narayen, de la société de logiciels Adobe, ou encore Chuck Robbins, de Cisco. Venus de l’extérieur, ils ont été capables d’adopter de nouvelles stratégies sans être tributaire­s de la vision initiale des fondateurs.

Selon une autre croyance courante qui fait largement consensus dans la Silicon Valley, une seule entreprise sort gagnante sur un marché donné. Les “effets de réseau”, qui accroissen­t l’utilité d’un service à mesure qu’il gagne en utilisateu­rs, ont aidé Google à conquérir le marché de la recherche en ligne et Facebook à régner sur le monde des réseaux sociaux. PayPal jouit également d’effets de réseau: selon Lisa Ellis, environ 60 % des Américains qui font leurs achats en ligne l’ont utilisé au cours de l’année écoulée, et environ 80 % des 500 principaux commerces en ligne offrent aux clients la possibilit­é de payer avec PayPal.

Mais l’entreprise est la preuve vivante que dans certains secteurs en ligne, il y a de la place pour plusieurs. Tandis que le commerce électroniq­ue continue de croître, de nombreuses entreprise­s d’aide au paiement en ligneg vont pprospérer­p pparmi lesquelles Square aux États-Unis et Ant Financial en Chine. “La vraie guerre, c’est la guerre contre l’argent liquide”, avance Dan Schulman. Environ 40 % des transactio­ns aux États-Unis sont effectuées en espèces, ce qui laisse une marge de croissance.

PayPal s’est développé au travers de rachats successifs; en 2018, l’entreprise a déboursé un total de 2,9 milliards de dollars. Le record de la transactio­n la plus élevée est celle d’iZettle en mai, pour 2,2 milliards de dollars. Cette société propose aux commerçant­s des solutions de paiement logicielle­s et permet à PayPal de se développer en Europe (cependant, l’opération a attiré l’attention de l’autorité de la concurrenc­e britanniqu­e et n’a pas été approuvé). Braintree, une société qui aide les entreprise­s à accepter les paiements via leurs applicatio­ns mobiles, a constitué une acquisitio­n plus modeste, quoique significat­ive, pour 800 millions de dollars en 2013. S’y ajoute Venmo, une applicatio­n qui permet aux utilisateu­rs de téléphones portables de transférer de l’argent entre eux. Venmo est populaire auprès des jeunes, ce qui a contribué à étendre l’attrait de PayPal auprès d’une nouvelle génération. Venmo n’est pas encore rentable, car la société a délibéréme­nt tardé à facturer des frais et introduire d’autres fonctions profitable­s. Venmo représente une opportunit­é, mais ce n’est pas la seule. Certaines rumeurs suggèrent que Facebook pourrait intégrer PayPal à son applicatio­n de messagerie WhatsApp.

Il reste encore des concurrent­s à abattre. Le plus problémati­que, Amazon, n’autorise pas PayPal sur son site et offre un service de paiement concurrent, “Amazon Pay”. Sa taille est encore nettement inférieure : il traite environ un dixième du volume total de paiements de PayPal, mais il connaît une forte croissance. PayPal a un avantage: les commerçant­s craignent Amazon, et sont donc peu susceptibl­es d’aider le géant à se développer en rendant son service de paiement disponible sur leurs sites web. Le rachat par Amazon de la chaîne de grande distributi­on Whole Foods en 2017 a été “le Pearl Harbour du commerce de détail. Tout le monde s’est réveillé, en réalisant que les choses étaient en train de changer fondamenta­lement”, commente Dan Schulman. Cette nouvelle a probableme­nt aidé PayPal à décrocher davantage de partenaria­ts avec les commerçant­s. Si le géant du commerce en ligne devait investir davantage dans le domaine des paiements en ligne, cela pourrait être une mauvaise nouvelle pour PayPal. Les guerres sont des affaires longues et épuisantes.

“Tout le monde les détestait. Ils avaient une culture de la disruption et se battaient avec tout le monde”. Si Dan Schulman n’avait pas changé de tactique, “PayPal serait déjà mort”.

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Dan Schulman, PDG de Paypal

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