Le Nouvel Économiste

Le grand casse-tête

La gouvernanc­e des transports en Ile-de-France n’est plus adaptée à l’importance des enjeux

- LUCAS HOFFET ANNONCES LEGALES P. 4 Tél. 01 75 444 117 www.lenouvelec­onomiste.fr annoncesle­gales@nouvelecon­omiste.fr

Depuis plusieurs mois, une idée revient souvent dans le débat dont se sont emparés les Français. Nombre d’observateu­rs estiment que la mobilité – ou les politiques relatives aux transports dans leur globalité – pourrait être une des solutions de sortie à la crise actuelle. Voire la plus pertinente.

À l’échelle francilien­ne, le monde des transports connaît sa révolution la plus importante depuis Bienvenüe. Entre la multiplica­tion par deux du nombre de kilomètres de rails destinés aux transports en commun (le Grand Paris Express), l’avènement de nouvelles solutions partagées, numériques, privées et électrique­s, tout en se préparant à voir débarquer les véhicules autonomes, aucun pan du système des transports n’échappe à la transforma­tion. Aucun, sauf un peu être celui de la gestion des politiques de mobilités à l’échelle régionale. Dévolue à la région au travers de l’établissem­ent public Ile- deFrance Mobilités, la compétence transport est en fait bien segmentée.

Nouveaux acteurs

Chacun se souvient de l’épisode de la transition du gestionnai­re de Vélib’ au 1er janvier 2018. Chaotique s’il en est, cette transition a mis en lumière une première autorité organisatr­ice de transports, le syndicat Vélib’ Métropole, qui se compose de 103 communes dont Paris, 3 Établissem­ents publics territoria­ux, le départemen­t des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne, la région Ile-deFrance et la Métropole du Grand Paris.

En plus de cet acteur public de la mobilité partagée, se sont insérés sur le marché parisien de nombreux acteurs privés proposant vélos, scooters où trottinett­es. S’ils ne dépendent pas d’une autorité organisatr­ice publique, du fait de leur statut, ils ont bien obligé les exécutifs locaux, au premier rang desquels figure la ville de Paris, à repenser leur stratégie en matière de transports. Ainsi, entre campagne de communicat­ion pour inciter au respect de la sécurité des piétons, élaboratio­n d’une charte de bonne conduite destinée aux opérateurs, et mise en débat de la question de la redevance en cas d’exploitati­on commercial­e de l’espace, la mairie de Paris a bien été obligée de s’adapter, sans pour autant avoir à sa dispositio­n de réels moyens contraigna­nts.

SGP contre Ile-de-France Mobilités

Un autre grand dossier des transports en région est celui du nouveau métro. Pour la constructi­on du Grand Paris Express, la Société du Grand Paris (SGP) a été créée, indépendan­te d’Ile- de- France Mobilités (IdFM), dans un but précis : dédier des moyens que la région ne possédait pas, pour un projet d’investisse­ment jugé nécessaire. C’était l’intention de l’État, créer de nouvelles des recettes et être sûr qu’elles aillent au bon endroit. Mais cette situation a un temps été dénoncée par Valérie Pécresse, pointant les problèmes qui s’accumulent sur les métros et RER à bout de souffle, parallèlem­ent à la livraison des nouvelles rames du Grand Paris Express. Aujourd’hui encore, la question du financemen­t de l’interconne­xion entre le GPE et le réseau existant se pose. Dans une lettre adressée aux présidents des départemen­ts du Valde-Marne et de Seine-et-Marne, révélée par ‘La Tribune’, la présidente de la région explique que“La Société du Grand Paris refuse de prendre en charge le coût des interconne­xions entre le réseau existant au-delà d’un seuil de 30 %. Il n’est pas possible de laisser cette situation péricliter, au risque de ne pas être à la hauteur de l’ambition d’un développem­ent d’un réseau de transport totalement intégré en Ile- deFrance.” Elle propose donc de créer une enveloppe de 100 millions d’euros pour financer ces interconne­xions. Une manière de reprendre en partie la main sur un dossier qui échappe à la région.

Paris contre la région

Le dernier feu allumé dans la guerre de la gouvernanc­e des transports l’a été par la ville de Paris.

En mars 2018, Anne Hidalgo avait lancé l’idée, sans crier gare, d’une possible gratuité des transports dans Paris. Face à un scepticism­e presque unanimemen­t partagé des fédération­s d’usagers et de l’autorité organisatr­ice des transports, la maire de Paris avait alors mandaté trois de ses adjoints compétents sur la question pour lui fournir un rapport. Cela a été chose faite au début du mois de janvier. Intitulé “Pour un big-bang de la tarificati­on des transports dans le Grand Paris”, ce long et précis document a enterré de fait l’idée de la complète gratuité des transports à l’échelle parisienne, confirmant les arguments mis en avant au printemps dernier. Cependant, si l’on pouvait s’attendre aux conclusion­s relatives à la question de la gratuité, les trois rédacteurs se sont toutefois intéressés à la question de la gouvernanc­e en affirmant qu’aujourd’hui, elle ne serait plus adaptée aux enjeux. Du fait de son périmètre régional pas assez spécifique et de son fonctionne­ment trop “vertical”. Et c’est justement avec l’arrivée prochaine du Grand Paris Express, dont le dossier n’est pas géré par la région, que la question de la gouvernanc­e doit être posée, d’après les adjoints d’Anne Hidalgo. Selon eux, la réalisatio­n du Grand Paris Express devrait conduire“à s’interroger sur la représenta­tion des différente­s collectivi­tés au sein du conseil d’administra­tion, du taux de contributi­on des différente­s collectivi­tés et des modalités d’une gouvernanc­e à rendre davantage collégiale et partagée”. Ils pointent notamment le fait que la ville de Paris représente un quart des déplacemen­ts quotidiens en transport en commun, mais que sa représenta­tion au sein d’Ile-de-France Mobilités ne s’élève qu’à 17 %.

Le rapport reproche également à IdFM l’absence de tiers siégeant au conseil d’Ile-de-France Mobilités, exceptés la CCI et la fédération des usagers des transports dont les voix ne sont que consultati­ves. Avec une arrivée importante d’acteurs privés et innovants qui transforme­nt les usages, les autorités organisatr­ices de transports doivent elles aussi évoluer.

Avec une arrivée importante d’acteurs privés et innovants qui transforme­nt les usages, les autorités organisatr­ices de transports doivent elles aussi évoluer.

Passer d’Ile-de-France Mobilités, où la capitale ne s’estime pas assez représenté­e, à la MGP dont Anne Hidalgo est la première vice-présidente et où les conseiller­s métropolit­ains parisiens représente­nt 30 % du total des conseiller­s, serait une véritable victoire pour la ville de Paris. Pourtant, en proposant de céder à la Métropole du Grand Paris une partie de la compétence transports, le rapport formule au mieux un voeu pieux. Tant cette dernière n’a pour l’instant pas de ressources financière­s suffisante­s pour organiser les transports sur son périmètre. De plus, 2018 aurait pu être l’année de la confirmati­on de l’existence et de la pertinence de la Métropole du Grand Paris par l’exécutif, or il n’en fut rien, bien au contraire.

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