Le Nouvel Économiste

L’hypothèque du shutdown

Une sortie de crise gagnant-gagnant existe pourtant bel et bien. Elle passe par le Sénat et sa majorité républicai­ne

- TRUMP POWER, VINCENT MICHELOT

Les fonctionna­ires fédéraux des ministères de la Justice, du Trésor, de l’Agricultur­e, de l’Intérieur et de la Sécurité intérieure voient avec angoisse s’approcher le deuxième vendredi (jour de paie) où ils ne recevront aucun salaire, quand bien même des dizaines de milliers d’entre eux, dont les fonctions sont jjugéesg “essentiell­es” au bon fonctionne­ment de l’État, continuent à travailler. Les États où vivent un nombre importantp de ces employés py de l’État fédéral (la Virginie et le Maryland par exemple, du fait de leur proximité avec la capitale, mais aussi le Nouveau Mexique, l’Alaska ou la Virginie occidental­e où le pourcentag­e d’employés du secteur public dans la population active est très important) ont épuisé les fonds d’urgence qui leur permettent d’aider les plus démunis de ces quelque 800000 chômeurs par décret. Un sentiment de révolte ppointe, qqui menace directemen­t des services de l’État comme la sécurité aux frontières ou dans les transports, ou encore la collecte de l’impôt et la gestion de certaines prestation­s sociales. Et pourtant, il n’y a à Washington aucun signe tangible de sortie d’une crise dont les effets se mesurent désormais en points de PIB, en création organisée de la pauvreté et, au final, en paralysie terminale du système politique américain. De fait, tout l’oxygène politique américain est consommé par un mot, “mur”, au moment même où le nouveau Congrès issu des élections de novembre 2018 ouvre ses travaux dans l’attente d’un programme législatif que le président Trump aurait dû annoncer lors du discours sur l’état de l’Union prévu pour le 29 janvier. Mais rien ne se fera sur quelque sujet que ce soit (immigratio­n, infrastruc­tures, santé…) tant que le shutdown ne prendra pas fin. On le sait, à la fin, il y aura un vainqueur et un perdant. Tous les présidents, les majority leaders au Sénat ou encore les speakers de la Chambre ont survécu, certes parfois blessés, à des shutdowns dans lesquels ils avaient été forcés à des concession­s importante­s, tout simplement parce que les sondages d’opinion (les seuls arbitres de ces conflits) les désignaien­t comme responsabl­esp (et donc coupables) de la paralysie de l’État.

La situation actuelle se différenci­e des précédents dans sa nature et ses enjeux: d’abord, il ne s’agit pas de rapprocher les parties au conflit en transigean­t à mi-chemin, par exemple entre les 5,7 milliards de dollars que le président demande pour la constructi­on du mur et les 0 que proposent les démocrates pour arriver à 2,85 milliards. Pour Donald Trump c’est tout, pour Nancy Pelosi c’est rien, ce qui fait que celui qui cédera sera politiquem­ent humilié et mort, pas simplement meurtri. Le président a mis sur le tapis tous ses jetons; la speaker ne peut inaugurer son mandat par une défaite en rase campagne qui ferait exploser le Parti démocrate et garantirai­t presque la réélection de l’actuel occupant de la Maison-Blanche.

Le scénario d’une sortie de crise

Paradoxe terribleme­nt ironique, une sortie de crise gagnant-gagnant existe bel et bien. Elle passe par le Sénat et sa majorité républicai­ne: si Mitch McConnell mettait au vote un texte qui incluait 3, voire 4 milliards de dollars de renforceme­nt des crédits pour la sécurité à la frontière pour augmenter le nombre de gardesfron­tières et le budget de fonctionne­ment de la Border Patrol, mieux contrôler les points de passage autorisés, traiter plus rapidement et plus humainemen­t les demandes d’asile et renforcer la coopératio­np régionaleg avec des États comme le Honduras, le Nicaragua et le Salvador, il est à parier qu’il obtiendrai­t la majorité dans les deux chambres, a fortiori s’il était accompagné d’une prolongati­on de la protection accordée aux Dreamers. Donald Trump pourrait alors affirmer qu’il a obtenu exactement ce qu’il souhaitait depuis le lancement de sa campagne, une meilleure sécurité à la frontière, mais aussi se présenter en négociateu­r hors pair qui aurait résolu le problème épineuxp de ces qquelqueq 600 000 jjeunes entrés illégaleme­nt sur le territoire des États-Unis alors qu’ils étaient mineurs. Les démocrates, eux, deviendrai­ent un parti de gouverneme­nt responsabl­e qui forge des solutions concrètes sans pour autant trahir ses valeurs fondamenta­les. L’on pourrait alors, reprendre une activité politique normale.

Est-ce possible ? Oui si le thermomètr­e électoral du parti de Donald Trump dépasse les 40° et donc annonce la débâcle en 2020. Le brancardie­r McConnell attendra donc un peu avant d’entrer en salle de réanimatio­n.

Pour Donald Trump c’est tout, pour Nancy Pelosi c’est rien, ce qui fait que celui qui cédera sera politiquem­ent humilié et mort, pas simplement meurtri.

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