Le Nouvel Économiste

Une relation commercial­e comme une autre ?

“Le client est certes libre de changer d’avocat, mais il doit observer un préavis au profit de son premier partenaire afin que ce dernier puisse réorganise­r son cabinet en conséquenc­e”

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La relation entre un avocat et une entreprise est-elle assujettie aux mêmes règles que n’importe quelle relation prestatair­e-client ? C’est une question à laquelle le tribunal de grande instance de Nanterre semble avoir répondu de manière positive en avril dernier.

Le TGI a en effet été appelé à statuer sur un conflit opposant une entreprise de matériaux de constructi­on et un cabinet d’avocats en charge des dossiers juridiques et judiciaire­s de ladite entreprise. Après 10 ans d’une étroite collaborat­ion et un différend les opposant, la direction de l’entreprise a fait savoir par courriel qu’elle désirait rompre sa collaborat­ion avec le cabinet d’avocats et a exigé dans un délai extrêmemen­t court (48 heures) la restitutio­n de tous les dossiers pour transmissi­on à leurs nouveaux conseils.

Le cabinet d’avocats a alors saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d’une demande de dommages-intérêts d’un montant de 300 000 euros pour “rupture abusive, brutale et vexatoire de la relation de travail”. Plus précisémen­t, il était reproché à la cliente de ne pas avoir respecté un préavis suffisamme­nt long compte tenu de la durée de la collaborat­ion entre les deux parties. Le TGI de Nanterre a finalement statué en faveur des plaignants et accordé la somme de 15 000 euros au titre de dommages-intérêts.

“Le client est certes libre de changer d’avocat, mais il doit observer un préavis au profit de son premier partenaire afin que ce dernier puisse réorganise­r son cabinet en conséquenc­e, explique Cathie-Sophie Pinat, maître de conférence­s à l’université de Lyon. Si les magistrats s’en défendent, ce jugement opère à l’évidence un rapprochem­ent entre la relation commercial­e et la relation civile unissant l’avocat à son client et montre comment ce profession­nel peut se trouver dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de sa clientèle. Elle trouve toutefois des limites dans le principe déontologi­que du libre choix par le client de son avocat qui se conjugue difficilem­ent avec l’obligation de respecter d’un préavis suffisant.”

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