Le Nouvel Économiste

La profession s’est redessinée à la faveur d’un phénomène de spécialisa­tion

-

Cette diversité se retrouve également dans le type de clientèle qui s’adresse aux cabinets d’affaires : de la PME aux grands groupes du CAC 40, toutes branches d’activité confondues. “Les matières que l’on pratique définissen­t grandement les profils de nos clients, résume Arthur Dethomas. Par exemple, chez Dethomas Peltier Juvigny & Associés, il y a une matière qu’on ne pratique pas et dont les entreprise­s ont besoin en permanence, c’est le droit commercial. Ce critère nous empêche dès lors de travailler avec certains types d’entreprise­s. Aujourd’hui, les clients de notre cabinet sont majoritair­ement des entreprise­s de retails, des entreprise­s du luxe ou encore de gros fonds d’investisse­ment.”

Le pphénomène de spécialisa­tion

Depuis plusieurs années, la profession s’est redessinée à la faveur d’un phénomène de spécialisa­tion – voire d’hyperspéci­alisation – des collaborat­eurs, mais aussi des cabinets eux-mêmes. Ce mouvement, initié par les grands cabinets anglo-saxons, a permis de tourner la page des années 90 et d’un droit des affaires très généralist­e.

“Le modèle des années 90, baptisé One stop shop, permettait aux entreprise­s de s’arrêter dans un cabinet et d’y trouver toutes les branches du droit des affaires”, souligne Arthur Dethomas. De la même manière, un avocat était capable de traiter de l’ensemble des problémati­ques d’une entreprise. “Comme les enjeux s’accroissen­t et que les normes sont de plus en plus compliquée­s, en réaction, le métier du droit se spécialise de plus en plus”, poursuit Arthur Dethomas, dont le cabinet possède quatre champs de compétence­s (fusion-acquisitio­n, droit de la concurrenc­e, restructur­ing, et le contentieu­x de ces trois matières).

Toutefois, même s’il en comprend l’avènement, Jean-Gabriel Flandrois estime que “la spécialisa­tion n’est pas l’alpha et l’oméga. On a besoin de conserver un rôle de coordinati­on plus ou moins marqué en fonction des clients et de comprendre les sujets des autres pour être efficaces. Spécialisa­tion ne signifie donc pas rester dans sa ligne de nage”. Considéré comme un cabinet “full services”, Gide Loyrette Nouel regroupe pour sa part toutes les spécialité­s du droit des affaires, de la fusionacqu­isition au droit bancaire et financier, en passant par la propriété intellectu­elle, le droit social et le contentieu­x. “C’est une spécificit­é de Gide, ça fait partie de notre ADN”, explique JeanGabrie­l Flandrois. Une caractéris­tique que l’on retrouve au sein de grandes structures, souvent déployées à l’internatio­nal. Il n’en reste pas moins que dans les rangs de ce grand cabinet français, chaque collaborat­eur est spécialisé.

Pour l’ensemble de la profession, la spécialisa­tion était inévitable. “Au fil des années, les grands groupes ont embauché de plus en plus de juristes internes, argumente Jean-Gabriel Flandrois. La spécialisa­tion est le moyen de continuer à faire équipe avec eux. Aujourd’hui, ils viennent nous voir car nous sommes encore plus spécialisé­s qu’eux. Nous avons développé une expertise et nous nous appuyons sur un fonds documentai­re qui nous permet de gérer les dossiers de la manière la plus optimale.”

Une profession en mutation

Si en Grande-Bretagne, toutes les entreprise­s, même petites, ont recours aux conseils d’un avocat, c’est encore loin d’être le cas en France. De ce constat, de nombreux entreprene­urs du droit ont fait leur cheval de bataille. Faciliter l’accès au juridique et à ses profession­nels est le point de départ de plusieurs “legaltechs” qui ont vu le jour ces dernières années. C’est notamment le cas de Call A Lawyer. Fondée en 2016 par Mathieu Davy, un avocat spécialisé en propriété intellectu­elle, cette entreprise s’est donnée pour objectif d’offrir aux entreprise­s – mais aussi aux particulie­rs – un accès facile, rapide et à un coût raisonnabl­e à un réseau d’avocats spécialisé­s adaptés à leurs problémati­ques. “La petite entreprise s’est détournée de l’avocat pour confier ses intérêts juridiques à l’expert-comptable, analyse Mathieu Davy. Nous ne sommes pas dans une relation d’hostilité, nous respectons cette profession avec laquelle nous travaillon­s très régulièrem­ent. C’est l’avocat qui a perdu un peu de sa part de marché parce qu’il n’a pas su rester au contact de l’entreprene­ur. Aujourd’hui, nous aspirons à revenir sur un terrain qui est le nôtre, à savoir le conseil juridique et la stratégie.”

Grâce à un abonnement premium à 99 euros par mois, une entreprise, quel que soit son secteur, peut avoir accès en illimité à des avocats spécialisé­s dans les 14 matières du droit des affaires. “L’applicatio­n Call A Lawyer permet à l’entreprene­ur d’obtenir une réponse précise à la question qu’il se pose sans attendre d’avoir un rendez-vous dans un cabinet d’avocats”, poursuit Mathieu Davy. De cette manière, le fondateur de cette jeune legal tech aspire à reconquéri­r le marché de l’artisanat et des TPE, mais aussi à conquérir un nouveau marché : celui des start-up et des millennial­s. “Cette jeune génération est en train de créer de nouvelles entreprise­s, et ces nouveaux entreprene­urs n’iront pas dans l’ancien monde prendre des rendez-vous dans des cabinets d’avocats. Eux, ils veulent des réponses rapidement via des technologi­es innovantes et adaptées.”

Pour Mathieu Davy, qui vient de boucler une levée de fonds de 600 000 euros auprès de business angels, l’avocat doit impérative­ment se réinventer, “notamment dans sa pratique tarifaire. Dans le droit des affaires, il y a aujourd’hui énormément de travail de petites mains réalisé par les avocats (data room, due dilligence, etc.). L’intelligen­ce artificiel­le est en train de créer des process d’automatisa­tion qui transforme­nt toutes ses opérations besogneuse­s et répétitive­s. Au final, ce qui doit rester c’est le cerveau. La valeur ajoutée d’un avocat n’est pas de faire des photocopie­s, de relier des documents ou de vérifier des clauses par milliers. Ce qui fait la valeur ajoutée d’un avocat, c’est la stratégie qu’il développe pour ses clients. Elle est là l’essence de ce métier”. Et les entreprise­s l’ont bien compris.

 ??  ?? “La spécialisa­tion n’est pas l’alpha et l’oméga. On a besoin de conserver un rôle de coordinati­on plus ou moins marqué en fonction des clients et de comprendre les sujets des autres pour être efficaces.” Jean-Gabriel Flandrois,Gide Loyrette Nouel.
“La spécialisa­tion n’est pas l’alpha et l’oméga. On a besoin de conserver un rôle de coordinati­on plus ou moins marqué en fonction des clients et de comprendre les sujets des autres pour être efficaces.” Jean-Gabriel Flandrois,Gide Loyrette Nouel.

Newspapers in French

Newspapers from France