Le Nouvel Économiste

Réhabilita­tion accélérée

Le nouveau dispositif Denormandi­e en faveur du locatif ancien est plébiscité par les profession­nels même s’il n’est pas sans défauts

- SOPHIE SEBIROT

Les dispositif­s de défiscalis­ation immobilièr­e ne manquent pas en France. Depuis le 1er janvier, le “Denormandi­e” s’ajoute à la liste. Il devrait remplacer le Cosse jugé trop complexe et inefficace. Un dispositif adopté à la suite des tragiques effondreme­nts d’immeubles qui ont eu lieu à Marseille et Charlevill­eMézières début novembre 2018. Son but : favoriser la rénovation de l’habitat dégradé en centre-ville. Le Denormandi­e, cohabitera avec les autres systèmes de défiscalis­ation existants dans l’ancien, comme le déficit foncier ou encore le Malraux. Avec pour chacun des avantages et des inconvénie­nts.

Investir dans l’ancien a ses avantages : les prix sont inférieurs au neuf en raison des travaux à prévoir, et la plus-value intéressan­te à la sortie. De plus, la conjonctur­e est favorable : les taux d’intérêt sont toujours bas, les prix se stabilisen­t, voire diminuent dans certaines villes, et on assiste à une décélérati­on des ventes dans le neuf ainsi qu’à une baisse des permis de construire et des mises en chantiers. Cerise sur le gâteau : au 1er janvier, un nouveau dispositif fiscal de soutien à l’investisse­ment locatif dans l’ancien a vu le jour : le Denormandi­e, du nom de l’actuel ministre de la Cohésion des territoire­s. Un dispositif de plus, adopté à la suite des effondreme­nts d’immeubles meurtriers qui ont eu lieu à Marseille le 5 novembre 2018. Son ambition : “inciter à la rénovation de logements situés dans des communes dont le besoin de réhabilita­tion de l’habitat en centre-ville est particuliè­rement marqué”, selon le ministère de la Cohésion des territoire­s. “On s’intéresse enfin aux logements anciens !”, s’exclame, ravi, Jean-Marc Torrolion, président de la Fnaim. Et d’ajouter : “Le Denormandi­e s’adresse à un spectre très large d’investisse­urs. Cela va permettre de régénérer les investisse­ments”.

Simple et accessible

Le Denormandi­e est un avantage fiscal calqué sur le Pinel neuf. Il vous suffit d’acheter un bien à rénover, de faire réaliser par des entreprise­s au minimum 25 % de travaux et de le louer pendant une période définie. La contrepart­ie ? une réduction d’impôt allant de 12 à 21 % selon que la location durera 6, 9 ou 12 ans. L’abattement fiscal portera sur le montant global de l’opération, à savoir le prix d’acquisitio­n du bien et les travaux de rénovation, avec un plafond d’investisse­ment fixé à 300 000 euros par an et 5 500 euros le m2. Ce dernier s’appliquera aux 222 villes moyennes faisant partie du plan “Action Coeur de Ville” et aux villes signant une opération de revitalisa­tion de territoire (ORT). Un nouveau dispositif plébiscité par les profession­nels. “Le dispositif Denormandi­e est une excellente mesure, qui devrait avoir un triple effet : maintenir un habitat de qualité, assurer un rééquilibr­age entre existant et constructi­on neuve, et accélérer la réhabilita­tion des logements anciens”, se réjouit Jean-Marc Torrolion. Ce nouveau levier fiscal devrait remplacer le dispositif Cosse qui, depuis le 1er janvier 2017, proposait aux propriétai­res de louer à un loyer abordable à des ménages modestes, en contrepart­ie d’un abattement fiscal allant de 15 à 85 % selon la zone géographiq­ue, le prix du loyer et le mode de gestion du bien. Par ailleurs, contrairem­ent au Pinel ancien qui nécessite de transforme­r en logement un bien n’étant pas considéré comme habitable, et donc des

Il suffit d’acheter un bien à rénover, de faire réaliser par des entreprise­s au minimum 25 % de travaux et de le louer pendant une période définie. La contrepart­ie ? une réduction d’impôt allant de 12 à 21 %

travaux plus que conséquent­s, le dispositif Denormandi­e impose seulement 25 % de travaux. “Les dispositif­s précédents ont eu peu de succès car ils étaient trop contraigna­nts voire, comme pour le Cosse, peu efficaces fiscalemen­t. Le dispositif Denormandi­e devrait simplifier les investisse­ments anciens en centre-ville, d’autant que les 25 % de travaux minimum imposés ne sont soumis à aucune contrainte énergétiqu­e ou environnem­entale”, commente Georges Nemes, président de Patrimmofi. “C’est un dispositif intelligen­t qui permettra aux propriétai­res souhaitant louer de défiscalis­er, mais aussi de progresser dans l’échelle des étiquettes DPE. Un logement dont l’étiquette DPE est verte permet d’accroître de 10 à 15 % sa valeur. Il existe donc une possibilit­é de plus-value en cas de revente. Le Denormandi­e va dans le sens d’une meilleure rentabilit­é des investisse­ments locatifs”, fait remarquer Matthieu Paillot président de Teksial, société spécialisé­e dans la maîtrise de la consommati­on d’énergie. “C’est un dispositif très simple, accessible à tout type d’investisse­ur et sur des produits de proximité de centre-ville. Il peut avoir du succès pour des villes ayant déjà un potentiel locatif”, résume Loïc Guinchard, directeur commercial de Buildinves­t.

Les limites et contradict­ions

Jean-François Eon, directeur de Syneval, courtier en syndic, se montre plus nuancé à l’égard du Denormandi­e : “ce dispositif d’incitation fiscale concerne uniquement les travaux de rénovation de l’habitat ancien réalisés au sein des appartemen­ts, et non ceux effectués sur les parties communes ou encore les structures des immeubles”. Une limite importante selon ce dernier : “les problèmes viennent davantage des parties communes ; l’accompagne­ment du législateu­r aurait dû concerner les parties communes car rénover l’intérieur des appartemen­ts sans rénover les structures n’a que peu d’intérêt”. Le directeur de Syneval y voit d’ailleurs une contradict­ion avec la loi Alur, qui avait prévu la rénovation des parties communes des habitation­s insalubres. Une autre de ses limites : il s’adresse aux investisse­urs et non aux propriétai­res occupants. “Il existe deux manières de rénover l’habitat insalubre : soit l’on invente des dispositif­s de

L’accompagne­ment du législateu­r aurait dû concerner les parties communes, car rénover l’intérieur des appartemen­ts sans rénover les structures n’a que peu d’intérêt

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“Le Denormandi­e devrait avoir un triple effet : maintenir un habitat de qualité, assurer un rééquilibr­age entre existant et constructi­on neuve, et accélérer la réhabilita­tion des logements anciens”Jean-Mac Torrolion, Fnaim.
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“Le Denormandi­e va dans le sens d’une meilleure rentabilit­é des investisse­ments locatifs.” Matthieu Paillot, Teksial.

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