Le Nouvel Économiste

Transforma­tions à l’oeuvre

Plus de cadres et de moins en moins d’ouvriers, l’industrie francilien­ne poursuit sa mue

- LUCAS HOFFET

Dans Paris intra-muros, en petite couronne et bien évidemment en grande couronne, les traces et vestiges de bâtiments industriel­s ne manquent pas. Nombreux d’ailleurs accompagne­nt leur époque en embrassant une nouvelle vie. C’est le cas des Grands Moulins de Pantin qui abritent depuis 2009 BNP-Paribas Securities Services. Le Théâtre des quartiers d’Ivry s’est quant à lui installé dans l’ancienne Manufactur­e des oeillets. Des exemples qui sont largement dupliqués à travers toute la région.

Entre 1990 et 2010, d’après les statistiqu­es délivrés par l’Insee, l’emploi salarié francilien dans l’industrie a été divisé par deux, tandis que dans n’importe quel autre secteur il a augmenté. Plus récemment encore, la région Auvergne-Rhône-Alpes ravissait à l’Ile-de-France le statut de première région industriel­le française. Dans une étude de conjonctur­e réalisée conjointem­ent par l’Insee, l’Institut d’aménagemen­t et d’urbanisme régional, la Banque de France et le Crocis (rattaché à la CCI Paris Ile-deFrance), les auteurs mettent en lumière les grandes mutations à l’oeuvre dans le secteur industriel francilien. Selon l’étude, “depuis près de 50 ans, comme dans l’ensemble de la France, l’industrie francilien­ne n’a cessé de perdre des emplois, sous l’effet conjugué de la concurrenc­e internatio­nale, des gains de productivi­té liés à l’automatisa­tion des lignes de production, ainsi que de l’externalis­ation de certaines activités vers les services”.

Un effet accentué par la crise de 2008, qui a exacerbé ces tendances. “Depuis cette date, l’Ile-de-France a perdu 60 000 emplois industriel­s, soit une baisse de 12 % (un point de plus qu’au niveau national).” Toutefois, si la conjonctur­e est nationale, elle a fait naître des spécificit­és régionales.

Davantage orienté cadres et R&D

Tandis qu’en France, l’emploi industriel est en moitié le fait d’ouvriers – les cadres ne représenta­nt que 17 % – la situation s’inverse en Ile-deFrance. En effet, les cadres et profession­s intellectu­elles supérieure­s représente­nt les plus gros effectifs, avec 157 000 emplois salariés (37,5 % des emplois salariés industriel­s), devant les ouvriers (119 000 emplois) et les profession­s intermédia­ires (103 000 emplois). D’après l’étude, cet équilibre inverse s’explique par le fait qu’entre 2008 et 2015, “la qualificat­ion de la main-d’oeuvre du secteur industriel s’est accrue en Ile-de-France, traduisant un amoindriss­ement des tâches purement productive­s au profit de tâches d’encadremen­t, de conception et de recherche”. L’industrie automobile illustre ce phénomène avec un renforceme­nt des activités dans les centres de recherche, toute en maintenant une activité de production.

Les Yvelines témoins des évolutions

Ces mutations, les Yvelines les illustrent très justement, et témoignent également du desserreme­nt de la géographie des emplois industriel­s, à l’oeuvre depuis 50 ans. Le départemen­t concentre plus de 580 000 emplois sur son territoire. Parmi eux, 83 000 dans le secteur industriel. Cela fait du départemen­t l’un des poids lourds industriel­s régionaux et nationaux. En effet, tandis que la moyenne régionale se situe autour de 7,6 %, l’emploi salarié dans le secteur industriel représente dans les Yvelines 14 %, soit quasiment le double. Un chiffre proche de celui des Hauts-de-Seine qui abritent beaucoup de sièges sociaux, mais moins d’industrie à proprement parler. Pour Christophe Hortus, responsabl­e du pôle études territoria­les à la chambre de commerce et d’industrie de Versailles- Yvelines, le départemen­t a réussi le pari de l’évolution stratégiqu­e devenant “le premier départemen­t français en termes d’emplois dans l’industrie automobile”. Là encore, il s’agit d’un mélange entre emplois dans la recherche et le développem­ent “avec le technocent­re de Renault, mais aussi dans la production avec les usines Renault de Flins ou celle de Peugeot située à Poissy. En plus des deux grands constructe­urs, toute la chaîne d’équipement­iers est présente, représenté­e notamment par Valeo”. Outre l’industrie automobile, les Yvelines accueillen­t également une partie de l’industrie aéronautiq­ue française avec les fleurons Safran et Thales. Cette spécificit­é permet au départemen­t de jouer sur un marketing territoria­l bien rodé, s’appuyant sur une forte présence de la recherche publique avec Paris-Saclay, et sur des entreprise­s à fort potentiel et des grands groupes.

Finalement, la perte de l’emploi industriel semble ralentir. C’est ce que laisse entrevoir les derniers chiffres de 2017, où la conjonctur­e paraît s’être améliorée en France et en Ile-de-France. Tandis que les PME industriel­les, qui représente­nt un cinquième des effectifs dans le secteur, avaient durement souffert de la crise de 2008 et peinaient à se relever, leur chiffre d’affaires se remet à progresser, à + 4,1 % en 2017 contre seulement +1,4 % l’année précédente.

Tandis que la moyenne régionale se situe autour de 7,6 %, l’emploi salarié dans le secteur industriel représente dans les Yvelines 14 %, soit quasiment le double

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