Le Nouvel Économiste

L’ADN DE LA STATION

directeur de la rédaction de BFM Business, à propos de la ligne éditoriale de la station et de la chaîne

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE PLASSART

Stéphane Soumier, directeur de la rédaction de BFM Business, affiche haut et fort le parti pris pro-entreprise et pro-marché de son

antenne. “BFM Business met délibéréme­nt en avant ce qui marche et les entreprene­urs qui réussissen­t et créent de la richesse (…). J’assume complèteme­nt l’idée que l’entreprene­ur est un véritable héros. C’est même le dernier héros des temps modernes” proclame le bouillonna­nt animateur de la matinale Good

Morning Business à la tête d’une rédaction de 60 journalist­es. Un positionne­ment qui fait la part belle dans la grille des programmes à la voix des entreprise­s dans le traitement de

l’actualité et l’organisati­on des débats. Mais ce dont il est probableme­nt aujourd’hui le plus fier, c’est d’administre­r la preuve de la viabilité de cette aventure médiatique et

entreprene­uriale. “La certitude est désormais établie : au-delà des interrogat­ions sur l’audience, il y a un revenu pour un média avec ce positionne­ment puisque pour la première fois au terme de cette année, BFM Business sera profitable” se félicite-t-il. Le résultat d’exploitati­on de BFM business, filiale à 100 % de NextRadioT­V qui appartient au groupe Altice, a été à l’équilibre en 2017 et il est prévu en hausse en 2018 et en 2019.

L’histoire de BFM Business démarre avec BFM Radio, premier actif qu’Alain Weill rachète à la barre du tribunal de commerce en 2002. Au lieu de bâtir une sorte d’Europe 1 bis comme tentait de le faire sans succès, faute de moyens, l’ancien propriétai­re Jacques Abergel, Alain Weill se forge une conviction, en voyant en particulie­r depuis la fenêtre de son bureau les interminab­les embouteill­ages sur le périphériq­ue

parisien : ces automobili­stes ont le temps d’entendre une deuxième radio après avoir écouté les généralist­es. Et il choisit que cette antenne sera dédiée à l’économie à travers la vie des affaires. De là a découlé immédiatem­ent une option éditoriale très claire : à partir du moment où la radio raconte les entreprise­s et les entreprene­urs, elle doit obligatoir­ement prendre un parti pris sans ambiguïté en faveur de l’économie de marché. Cette base posée dès l’origine constitue l’ADN de BFM Business. Nous n’y avons jamais touché et nous n’y toucherons jamais.Alors que nous avons aujourd’hui des enjeux de diffusion sur la TNT gratuite – depuis mi-octobre dernier, la matinale de BFM Business est diffusée sur la chaîne 23 RMC Story à l’échelle nationale –, la tentation pourrait être d’ouvrir le spectre, or nous n’en ferons rien. Nous continuero­ns à creuser notre sillon, persuadés que si nous nous mettons à ressembler aux autres radios, nous courrons à notre perte. Et cela a des incidences très concrètes sur ce que nous mettons à l’antenne. C’est ainsi par exemple que nous n’avons traité de l’affaire Benalla que sous la forme de brèves alors que les autres médias ne parlaient que de cela. Idem pour la mort de Johnny Hallyday. Je le dis à mes équipes : nous devons tenir nos auditeurs et téléspecta­teurs à l’écart du brouhaha médiatique sans importance, ou des événements mineurs qui ne modifient en rien les grands équilibres décidant de l’avenir du pays. Le choix de ce positionne­ment est pour nous essentiel. L’autre branche de notre ADN tient dans notre slogan “La France a tout pour réussir” et le choix d’une informatio­n radicaleme­nt positive. BFM Business met délibéréme­nt en avant ce qui marche, les entreprene­urs qui réussissen­t. Nous accompagno­ns ces derniers à travers une série de programmes comme par exemple Hello start-up ! pour aider les entreprise­s naissantes. Pas plus tard que ce matin, j’ai reçu à l’antenne le dirigeant de Réseau Car, spécialisé dans le véhicule d’occasion, qui est passé par Hello start-up au démarrage de sa société et qui lève aujourd’hui 10 millions d’euros auprès de la Société Générale. Un exemple formidable qui, au-delà de notre travail journalist­ique de repérage, nous donne la satisfacti­on de se sentir utiles.

Un modèle économique TV désormais profitable

La certitude est désormais établie : au-delà des interrogat­ions sur l’audience, il y a un revenu pour une radio ayant un tel positionne­ment. Nous sommes en train de construire un modèle viable. Depuis que l’on est passé à la télévision il y a huit ans, pour la première fois, nous allons valider ce modèle au terme de cette année en étant profitable. À l’origine, la radio toute seule était profitable. Avec la télévision, sur une fréquence initiale TNT Ile-de-France à partir de 2010 qui a été reprise depuis par BFM Paris, on a aligné des années de pertes car l’opération n’était pas rentable et le cahier des charges imposait la création d’émissions spécifique­s qui compliquai­ent la grille radio. Mais c’est la force d’Alain Weill de savoir investir et aujourd’hui, nous y sommes, la rentabilit­é est au rendez-vous, démonstrat­ion est faite. Des annonceurs sont à la fois prêts à associer leur marque à notre expertise, notre ton et notre volonté radicale d’être positifs, tandis que d’autres partenaire­s sont disposés à fabriquer des programmes avec nous pour bénéficier de l’aura de notre marque. Événements extérieurs et salons sont une troisième source de revenus. Pour un chiffre d’affaires global de 17 millions d’euros en 2017, les partenaria­ts assurent autour de 20 % de nos revenus, les écrans publicitai­res classiques 50 %, et les opérations spéciales du type Salon du patrimoine et autres événements extérieurs comme lesTrophée­s des PME,environ 25 %. Nous sommes profitable­s et nous sommes sans doute la seule chaîne de télévision ADSL à être dans cette situation. Cela a pour effet de nous dégager, pas totalement mais en grande partie, de la problémati­que de l’audience. Un point fondamenta­l qui nous permet d’entrer dans un cercle vertueux propre à renforcer notre modèle éditorial.

Un positionne­ment pro-entreprise

Ce positionne­ment pro-entreprise implique un positionne­ment économie de marché et fondamenta­lement libéral. La plus grande fierté de ma carrière jusqu’à présent à BFM Business est d’avoir vu démarrer sur notre antenne le mouvement des “pigeons”, comme le raconte Jean David Chamboredo­n dans son livre. Le principe défendu par les “pigeons” selon lequel il faut laisser aux entreprene­urs la richesse qu’ils créent ne serait-ce que pour leur permettre de continuer à en créer, est aussi nécessaire­ment celui de BFM

Business, radio qui se veut en phase avec les entreprene­urs et les entreprise­s. Cette conviction politique et philosophi­que sur l’origine de la création de richesse est dans notre pays une forme de combat que je n’hésite pas de revendique­r pour notre radio. La philosophi­e générale que nous défendons est “laissez faire les entreprene­urs”, ce que les Bordelais demandaien­t déjà à Turgot! Après, il y a évidemment toute une série de sujets dont on parle et qui nous passionne – la régulation, la régulation de la concurrenc­e, les questions de fiscalité, de partage de richesses – mais la différence est que sur BFM Business, ces sujets seront traités par des entreprene­urs et ceux qui sont au coeur des entreprise­s. Notre champ du débat, c’est celui de l’entreprise et la règle est que ce sont les entreprene­urs qui s’expriment. Et non pas ceux que l’on a trop l’habitude d’entendre dans le débat public et qui n’ont jamais créé ni le premier emploi, ni le premier euro de richesse. La raison d’être de BFM Business est de raconter les entreprise­s et de faire parler les entreprene­urs. Je n’en démordrai pas au risque même de paraître… dictatoria­l. On me fait parfois le reproche de ne pas inviter les syndicalis­tes, critique que j’entends. En réalité, je l’ai fait mais à de très rares exceptions, ces syndicalis­tes ne parlent pas la voix de l’entreprise et font de la politique. Et après on s’étonne de la faible représenta­tivité des syndicats français. La CFDT, premier syndicat de France, ne représente que 3 % des salariés de ce pays. De même, je choisis de ne pas donner la parole aux “négationni­stes économique­s” et à tous ceux qui proclament que l’entreprise et le capital c’est le mal, que les patrons sont des voleurs, des voyous, des fraudeurs fiscaux. Pas d’inquiétude pour ces derniers : ils sont partout à longueur de journée sur les autres radios et télévision­s. Dans le monde médiatique, BFM Business est cet espace peut-être unique où l’on considère que le patron a a priori raison alors que partout ailleurs, il y a une présomptio­n de culpabilit­é à son endroit. Par ailleurs, nous revendiquo­ns totalement un biais positif dans le traitement de l’informatio­n. Ainsi cette semaine, alors qu’il n’y en avait encore que pour le “grand débat”, les “gilets jaunes” et “la crise”, nous n’avons pas hésité à mettre à la une de la Matinale successive­ment le baromètre Eurogroup consulting des grandes entreprise­s françaises faisant état d’indicateur­s “au sommet” incontesta­bles, le baromètre BPI France auprès des PME lui aussi au beau fixe, et enfin le chiffre record de la fréquentat­ion touristiqu­e, autant d’informatio­ns positives que nous nous devons extraire alors qu’elles n’ont fait l’objet que de brèves dans les autres médias, et qui sont pourtant assurément de nature à donner envie à nos auditeurs de se lever pour aller travailler. Sur BFM Business, le verre sera toujours à moitié plein. “La France a tout pour réussir !” Ce slogan est à BFM Business ce que le “Parce que je le vaux bien” est à l’Oréal, et je me réjouis tous les jours qu’il existe, particuliè­rement ces dernières semaines d’hystérie collective dont la France finira par sortir.

Enfin, j’assume complèteme­nt l’idée que l’entreprene­ur est un véritable héros. C’est même le dernier héros des temps modernes. En tant que salarié, je les regarde avec des étoiles dans les yeux car je sais très bien que moi-même, je n’aurai pas eu le courage d’être entreprene­ur. Cela implique de se mettre en risque en permanence et d’aller parfois jusqu’à jouer son équilibre familial et psychique. Je suis totalement imperméabl­e à l’entreprene­ur- bashing ambiant : les entreprise­s créent de la richesse pour tout le monde. Certes, mes conviction­s peuvent parfois être déstabilis­ées, comme par exemple par le cas Carlos Ghosn. L’homme n’est ni ange, ni bête, et qui fait l’ange fait aussi la bête, c’est aussi vieux que Blaise Pascal. Il n’en reste pas moins qu’au-delà des développem­ents de cette affaire, ma certitude est que Carlos Ghosn a fait de trois moribonds, Renault, Nissan et Mitsubishi, le premier constructe­ur mondial d’automobile­s. Une performanc­e qui ne l’exonère évidemment pas de toute responsabi­lité.

Entreprise, marchés financiers, actualité : une grille en trois temps

La grille de BFM est conçue en trois temps principaux. Le premier temps, la Matinale, est un concentré en permanence de la ligne de l’antenne. Le deuxième temps important consacre une grande partie de la journée aux marchés financiers et à l’épargne, le matin à travers Intégrale placements pendant deux heures et l’après-midi à travers Intégrale bourse pendant deux heures et demie. Enfin, il y a un troisième temps d’actualité plus large, ce que fait Hedwige Chevrillon entre 12 heures et 13 heures, qui va avoir un prisme beaucoup plus large que la Matinale en recevant par exemple des politiques, des artistes, des responsabl­es d’associatio­n, avec un questionne­ment toujours propre à BFM Business. Ce que fait aussi Nicolas Doze entre 9 heures et 10 heures avec Les experts, qui est une vraie émission de débats avec des invités qui ne sont pas nécessaire­ment de notre “bord politique”, à l’instar des Économiste­s atterrés qui y sont invités dès lors qu’ils acceptent notre prisme dans une démarche non militante. De la même façon, les émissions de la soirée abordent des sujets et des débats plus larges, mais toujours avec une place réservée à l’expression du point de vue des femmes et des hommes d’entreprise. Quant au week-end, c’est le moment où l’on fabrique nos émissions dégagées de l’actualité, en partenaria­t avec un certain nombre d’acteurs économique­s qui achètent le billboard [logo ou animation insérés dans les émissions sponsorisé­es, ndlr] de l’émission, par exemple Première chance avec Le Bon Coin ou Le défi ETI avec la Banque Palatine, qui met à l’honneur les entreprise­s de taille intermédia­ire, ou bien encore Le club du droit en associatio­n avec les notaires, qui permet d’aller dans l’ensemble des questions juridiques, tous ces partenaire­s amenant leur expertise. Il y a quelque temps, nous avons monté une émission Plus grand, Plus fort, où des entreprene­urs racontaien­t la croissance de leur entreprise. Une idée venue de la régie – je n’ai aucun problème avec cela – à qui un certain nombre de clients (Société

On me fait parfois le reproche de ne pas inviter les syndicalis­tes, critique que j’entends. En réalité, je l’ai fait mais à de très rares exceptions, ces syndicalis­tes ne parlent pas la voix de l’entreprise et font de la politique”

Générale, KPMG etc.) avait exprimé leur souhait d’accompagne­r le développem­ent des entreprise­s, une préoccupat­ion complèteme­nt en phase avec la ligne éditoriale de BFM Business. Et pour laquelle nous pouvons recourir à l’expertise de ces partenaire­s en toute indépendan­ce rédactionn­elle. Il y a enfin des émissions “statutaire­s” du type La librairie de l’éco qui réunit autour d’Emmanuel Lechypre l’économiste très libéral Jean-Marc Daniel et l’économiste très keynésien Christian Chavagneux, d’Alternativ­es Économique­s. Innover pour le commerce, C’est votre argent, Le 01 business forum : autant de magazines qui portent la singularit­é et le ton particulie­r de BFM Business et qu’aucune autre radio ne propose. En matière de synergie au sein de NextRadioT­V, on avait pensé un moment que les sujets économique­s de BFM TV auraient pu être faits par les équipes de BFM Business, mais cette idée a fait long feu. Et cela n’est pas surprenant : l’actualité économique des grandes chaînes est d’abord faite des conflits et des arbres qui tombent, alors que nous racontons les arbres qui poussent.

Le test national du passage sur la TNT le matin

La base de notre diffusion reste encore très largement le drive time, les automobili­stes dans leur voiture le matin et le soir et la bonne vieille radio. Alain Weill n’en a pas moins eu l’intuition il y a huit ans de mettre la radio à la télévision. Un mouvement précurseur puisque depuis, tout le monde s’y est mis. Sa volonté était de permettre l’accès à l’antenne via l’ensemble des nouveaux écrans et de prendre en compte les nouveaux comporteme­nts liés à la délinéaris­ation. D’où des investisse­ments importants qui nous permettent d’être là où nous en sommes aujourd’hui. Résultat : la consommati­on en flux n’a plus l’importance qu’elle avait auparavant puisque nos programmes peuvent être diffusés à un coût marginal quasi nul sur une période longue, ce qui au passage motive nos partenaire­s. L’accès à la télévision s’opère à travers l’ADSL (la box Orange, Bouygues, SFR) pour l’intégralit­é des programmes de la journée et, depuis la rentrée dernière, à travers la vitrine nationale de la chaîne 23 de la TNT qui diffuse en direct la Matinale. Sur ce dernier créneau, soit l’ADN de BFM Business arrive à attirer entre 50 000 et 100 000 spectateur­s au quart d’heure d’ici un an (contre 25 000 en moyenne depuis le lancement), soit on n’y arrive pas. Seule certitude : nous n’allons pas transforme­r notre ADN pour courir après l’audience parce que cela reviendrai­t à renoncer à notre raison d’être. Ce qui ne doit pas nous empêcher de faire des efforts pour mieux nous faire connaître et améliorer notre offre

L’affinité plutôt que l’audience

Certains ont la photo de leurs enfants sur leur portable, moi j’ai le sondage annuel Médiamétri­e sur les CSP, CSP + , CSP ++. C’est ce résultat spécifique qui nous importe car l’outil classique des vagues Médiamétri­e est beaucoup trop gros pour BFM Business. Ce sondage nous permet de revendique­r 205 000 auditeurs CSP + quotidiens, chiffre validé donc par Médiamétri­e. Et sur la seule matinale, 126 000 auditeurs CSP + quotidiens. À cela s’ajoutent toujours pour la matinale les 325 000 téléspecta­teurs toutes catégories confondues en audience cumulée sur le canal 23 de la TNT, et l’audience des box sur l’ADSL que nous ne mesurons pas (personne ne le fait). Si l’on tient compte des replays sur le site internet, on ne doit pas être loin, si l’on cumule tous les canaux, de 800000 à 900000, voire du million de personnes qui viennent à un moment ou à un autre voir ou écouter la matinale de BFM Business. Ce chiffre est approximat­if et comporte une marge d’erreur mais encore une fois, la mesure globale de l’audience n’est pas notre sujet, ni celui des publicitai­res qui passent des messages chez nous. Ces derniers se concentren­t sur les 205 000 CSP + qui forment la cible directe des décideurs. Nous vendons à nos annonceurs notre affinité, qui est l’une des plus prononcées des médias radios, ce qui rend les messages passés sur notre antenne particuliè­rement efficaces et donc relativeme­nt moins chers. Courir après l’audience conduirait paradoxale­ment à affaiblir nos positions. Nous pratiquons la dissuasion maoïste du faible au fort, et notre volonté est avant toute chose de sécuriser nos bases auprès de notre public de décideurs.Y a-t-il encore du potentiel ? C’est ce que va nous dire notre passage sur la TNT avec RMC Story. Mais nous avons d’ores et déjà la certitude que le potentiel acquis jusqu’à ce jour permet en l’état, grâce à la raison d’être de la radio que nous avons définie, de construire une histoire de croissance profitable. Cela donne de la solidité, et en même temps à l’ensemble des équipes, un moral d’acier. Ce qui n’est pas rien dans l’état où sont par ailleurs en général les médias.

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