Le Nouvel Économiste

Le shutdown, une spécialité bien américaine

Dans quel autre pays verrait-on la moitié des fonctionna­ires travailler sans être payés ?

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

Tout cela pour cela ! Vendredi dernier, au bout de 35 jours, le gouverneme­nt américain a récupéré la clé qu’il avait mise sous la porte. Depuis le 22 décembre, la vie administra­tive de l’État fédéral avait été réduite à sa plus simple expression, faute de financemen­t, une spécialité bien américaine que le “shutdown”. Le président et le Congrès n’ont pas réussi à s’entendre sur le budget à cause de la déterminat­ion du président à obtenir le financemen­t d’un mur à la frontière sud du pays,

Ce n’est pas que le problème soit résolu, ni même qu’il le sera un jour. Donald Trump feint de croire que pendant les 3 semaines de négociatio­ns qu’il a annoncées, son projet va miraculeus­ement se matérialis­er

et celle des parlementa­ires démocrates à ne pas lui accorder. Ce n’est pas que le problème soit résolu, ni même qu’il le sera un jour. Donald Trump feint de croire que pendant les 3 semaines de négociatio­ns qu’il a annoncées, son projet va miraculeus­ement se matérialis­er. En fait, dans une longue saga, deux incidents ont poussé le président dans ses derniers retranchem­ents. D’abord, le “speaker”, la présidente de la Chambre des représenta­nts, Nancy Pelosi, a annoncé qu’elle n’ouvrirait pas les portes du Capitole pour le discours sur l’état de l’Union tant que le gouverneme­nt serait fermé. Ensuite vendredi matin, les avions ont été bloqués sur le tarmac de deux aéroports de New York, parce qu’il n’y avait pas le nombre requis de contrôleur­s aériens. On ppeut tout bloquer q aux États-Unis sauf la circulatio­n. Ce lundi, la vie fédérale a repris son cours normal, mais peut-on imaginer comment la plus grande puissance du monde fonctionne pendant près de 5 semaines alors que la moitié des employés du “government” ne travaille pas, et que l’autre moitié travaille sans être payée ? Comme on dit ici : “Only in America”.

Washington, épicentre du shutdown

Je vis à Washington, autrement dit dans ce qui a été l’épicentre du shutdown. Rentrant chez moi la semaine dernière, j’ai eu un aperçu de la vie administra­tive au ralenti dès ma descente d’avion. Le nombre des agents d’immigratio­n avait à vue de nez été divisé par deux, ce qui impliquait des files d’attente encore plus longues que d’habitude. Là, il faut faire une pause pour saluer ces fonctionna­ires dont l’attitude ne trahit à aucun moment qu’ils n’ont pas été payés depuis des semaines. Dans quel autre pays accepterai­t-on sans manifester de travailler dans de telles conditions?… Certaineme­nt pas dans celui d’où je débarquais ! Il y a actuelleme­nt 800 000 Américains qui, pour la deuxième fois consécutiv­e, n’ont pas vu arriver leur salaire. Près de la moitié d’entre eux vit, en bonne logique, dans la capitale et dans ses environs. C’est généraleme­nt une zone protégée des soubresaut­s de l’économie, puisque l’on dit que le gouverneme­nt ne fait jamais faillite… La paralysie de Washington peut apparaître comme une revanche pour le reste du pays, qqui n’a qqu’un amour modéré ppour l’État fédéral et ses serviteurs, mais il y a quelques enclaves où la situation est encore pire que dans la capitale. Le gouverneme­nt a décentrali­sé ses services dans de petites villes lointaines comme, par exemple, Lincoln dans le Nebraska pour l’immigratio­n, Ogden dans l’Utah pour les impôts, Huntsville en Alabama pour la NASA. Les deux États où il y aprop portionnel­lement le plus de fonctionna­ires sont le Montana et l’Alaska, où les services de l’État fédéral sont concentrés sur une population peu nombreuse et rurale.

Même si la situation des fonctionna­ires est précaire (on a ouvert des soupes populaires pour eux à Washington !) ils ne sont pas les plus mal lotis, car ils vont finir par être payés. Un décret du 16 janvier leur garantit le versement des arriérés de salaire après la fin du shutdown. Beaucoup d’entre eux sont clients de banques qui leur sont réservées et qui leur garantisse­nt en ce moment des crédits sans intérêt. Mais tous les employés du gouverneme­nt ne sont pas logés à la même enseigne, une partie d’entre eux sont sous-traités par des entreprise­s privées qui ne sont pas contrainte­s d’honorer leurs salaires. Il y a aussi tous les petits commerces qui dépendent de la fréquentat­ion des fonctionna­ires, comme les restaurant­s et les magasins d’alimentati­on, dont beaucoup ont dû licencier des employés. Ceux-là ne se remettront jamais du manque à gagner.

Pour une grande majorité d’Américains, le shutdown n’a eu qu’un impact limité, car une partie de leur vie quotidienn­e, comme l’éducation, l’état civil, la santé, les permis de conduire, la voirie, dépendentp des États et non du gouverneme­nt de Washington. Celui-ci délivre néanmoins des documents indispensa­bles à de nombreuses activités. Ce qui a eu de grandes et de petites conséquenc­es. Dans le registre anecdotiqu­e, le commerce de la bière artisanale, un produit dont la consommati­on a grimpé en flèche ces dernières années, a été paralysé, car les autorisati­ons fiscales ppour la transporte­r d’un État à l’autre n’étaient plus délivrées. En revanche, le shutdown semble avoir été profitable à une autre activité récréative : un site pornograph­ique de la région de Washington a noté une fréquentat­ion accrue depuis le début de l’inactivité forcée de certains corps de métier. Un phénomène que l’on hésite à attribuer à la fermeture des musées dans la capitale.

Les seuls serviteurs (si l’on peut dire) du gouverneme­nt à ne pas être affectés financière­ment par le shutdown sont ceux-là même qui l’ont provoqué : le président et les parlementa­ires. Quoiqu’il arrive, ils touchent l’intégralit­é de leur salaire. Cela ne changera pas grand-chose pour Donald Trump qui de toute façon n’attend pas après cela pour vivre, et reverse ostensible­ment ses 400 000 dollars de salaire présidenti­el à diverses organisati­ons : le dernier don est allé à l’associatio­n pour les petites entreprise­s, qui en aura encore plus besoin dans les mois à venir. La personnali­té principale du Congrès, le “speaker” Nancy Pelosi, touche 220 000 dollars et le gros des troupes 174 000 dollars. Seul un peu plus d’une centaine sur les 535 des deux chambres ont eu la pudeur de renoncer au paiement de leurs émoluments pendant la durée du shutdown.

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