Avis de grand froid sur le secteur automobile
Les alliances et les réductions de coûts pourraient ne pas suffire face aux mutations qui se profilent
Le salon automobile de Detroit, qui s’est ouvert le 14 janvier, a lieu pour la dernière fois en hiver. Le salon se déroulera en été à ppartir de 2020. Échapper au froid est aussi la priorité mentale des constructeurs automobiles qui y exposent. Récemment, une rafale d’annonces de restructurations, une nouvelle alliance entre Ford et Volkswagen, avec d’autres à venir probablement, ont pour but d’absorber le choc dans un secteur qui va être confronté à une récession et à des bouleversements à long terme. Le risque est qu’aucune de ces mesures ne soit suffisante ou assez radicale.
Pour beaucoup de marques, la priorité est de réduire les coûts car les ventes devraient baisser, et il est impératif d’investir dans de nouvelles technologies. La semaine dernière, Ford a dévoilé le volet européen d’un plan mondial de réduction des coûts de 14 milliards de dollars par an. Cela pourrait se traduire par le licenciement de 24 000 de ses 200000 employés...
Le salon automobile de Detroit, qui s’est ouvert le 14 janvier, a lieu pour la dernière fois en hiver. Le salon se déroulera en été à partir de 2020. Échapper au froid est aussi la priorité mentale des constructeurs automobiles qui y exposent. Récemment, une rafale d’annonces de restructurations,
Le 15 janvier, Ford et Volkswagen ont dévoilé les grandes lignes de leur alliance, destinée à partager les coûts. Jim Hackett, le patron de Ford, l’a décrit comme “l’événement qui transformera le secteur”
une nouvelle alliance entre Ford et Volkswagen (VW), avec d’autres à venir probablement, ont pour but d’absorber le choc dans un secteur qui va être confronté à une récession et à des bouleversements à long terme. Le risque est qu’aucune de ces mesures ne soit suffisante ou assez radicale.
Pour beaucoup de marques, la priorité est de réduire les coûts car les ventes devraient baisser, et il est impératif d’investir dans de nouvelles technologies. La semaine dernière, Ford a dévoilé le volet européen d’un plan mondial de réduction des coûts de 14 milliards de dollars par an. Cela pourrait se traduire par le licenciement de 24 000 de ses 200 000 employés. Jaguar Land Rover (JLR), dont le propriétaire est le groupe indien Tata, a également annoncé qu’il allait se séparer de 4 500 employés et réduire ses coûts de 3,2 milliards de dollars. Le 15 janvier, Ford et Volkswagen ont dévoilé les grandes lignes de leur alliance, destinée à partager les coûts. Jim Hackett, le patron de Ford, l’a décrit comme “l’événement qui transformera le secteur”. Le lendemain, la publication de résultats anticipés médiocres de Ford a fait baisser son action, ce qui souligne l’urgence de ce plan.
Tous les constructeurs automobiles craignent qu’un ralentissement de l’économie mondiale se transforme en débâcle, car le recul cyclique coïncide avec une guerre commerciale. Leur première inquiétude est la fin du cycle de croissance dans les marchés les plus profitables. Les ventes en Amérique comme en Europe sont toujours au beau fixe mais la Chine, un marché vital pour les résultats de la plupart des marques, fait peur. Pour la première fois depuis 20 ans, le plus grand marché automobile du monde s’est essoufflé en 2018. Les ventes ont reculé de 2,8 %, à 28,1 millions de véhicules vendus, et même de 13 % au mois de décembre, un avant-goût de ce que réservent les années à venir.
Les problèmes de guerre commerciale, entre autres, pourraient se superposer au creux cyclique. Donald Trump tient les constructeurs étrangers dans sa ligne de mire. Pour venger ce qu’il considère comme un déficit commercial injuste avec l’Europe, il a menacé d’imposer des tarifs douaniers sur ses voitures. La banque UBS estime que le scénario du pire – des droits douaniers de 25 % – réduirait de 12 % le marché américain l’an prochain. Et l’Europe doit faire face non seulement à la rupture du Brexit, mais aussi à la diminution des ventes de véhicules diesel. Comme si ce n’était pas suffisant, les constructeurs doivent faire de gros investissements dans la voiture électrique, les véhicules à conduite autonome et les services de “mobilité”, comme le partage de voiture et les voitures à la demande. Si ce dernier service décolle, les ventes en diminueront d’autant. Le consultant Bain & Co dit que la population d’Américains en âge de conduire n’augmente pas (et c’est la même chose dans le reste du monde), et qu’une bascule générationnelle vers les services de mobilité, comme les robots-taxis, attaquera encore plus les ventes. Le cabinet pense que le marché américain, actuellement de 17 millions de voitures par an, pourrait se réduire à 10 millions d’ici à 2025.
Les constructeurs ont commencé à licencier et à quitter les pays et les segments non rentables avant de faire ces dernières annonces. Ils basculent leurs investissements vers ce qui fera une différence. GM a annoncé de grosses coupes dans les emplois et des fermetures d’usine en 2018. Il avait déjà vendu en 2017 Opel, sa marque européenne, à PSA en France. Le groupe français, qui perdait de l’argent jusqu’à l’arrivée de Carlos Tavares en 2014, ne fabrique plus les modèles qui ne se vendaient pas bien. En 2017 encore, Fiat Chrysler Automobiles (le président de FCA, John Elkann, siège au conseil d’administration de la société mère propriétaire de The Economist) a fait de même avec les berlines de luxe en Amérique pour se replier sur les SUV, à plus forte marge. Ford penserait aussi à se retirer d’Amérique du Sud.
Les réductions de coûts et la recherche des segments bénéficiaires pour équilibrer les exploitations sont un moyen de faire face aux turbulences. Une autre solution est de partager les coûts. L’alliance entre Ford et VW est l’exemple récent le plus parlant du réseau d’alliances qui caractérise le secteur. Certaines s’inscrivent explicitement dans cette prévention au futur. En 2017, par exemple, Toyota a rejoint Mazda et le fabricant de pièces japonais Dense pour développer des véhicules électriques. Ford-VW a pourtant déçu beaucoup d’investisseurs, qui espéraient une alliance plus étroite. Des rumeurs faisaient état d’une collaboration imminente sur les véhicules électriques, la conduite autonome et les services de mobilité, mais les deux firmes ont précisé qu’elles ne fabriqueraient conjointement que des fourgonnettes conventionnelles et des pick-up. Elles ont fermement démenti un pacte actionnarial renforçant leurs liens.
La pression pour nouer des alliances ou s’engager dans des fusions complètes ne devrait pas diminuer. La consolidation pourrait être la seule façon d’atteindre le niveau de réduction des coûts dont cette industrie a besoin pour affronter les géants américains de la technologie comme Google, et ses ambitions dans les transports. Sergio Marchionne, patron de FCA avant son décès brutal l’an dernier, et Carlos Ghosn, à l’origine de l’alliance Renault-NissanMitsubishi, premier fabricant mondial, avaient appelé à davantage de consolidation. Sanford C. Bernstein, une agence de recherche sur les actions, prédit que 2019 sera encore une fois une année de “rumeurs incessantes sur les fusions-acquisitions” car la demande chancelle et les coûts explosent.
Les grandes alliances, sans même parler d’acquisitions transcontinentales, sont extrêmement délicates à gérer. L’arrestation de M. Ghosn au Japon a sérieusement remis en cause la plus importante alliance automobile au monde. Pour certains, les accusations contre M. Ghosn ont été déclenchées par Nissan pour bloquer ses projets de fusion-acquisition complète. Le décès de M. Marchionne a aussi privé le secteur d’une personnalité influente en faveur de la consolidation, et qui avait fait la preuve qqu’une alliance transatlantique entre l’Italie et lesÉtatsp Unis pouvait fonctionner. La plupart des autres grands patrons n’ont pas le profil voulu pour initier et amener à bon port une méga-fusion. Le seul candidat plausible est probablement M. Tavares, qui a tiré d’affaires PSA et Opel. Mais il a actuellement trop à faire avec l’achèvement de sa mission. Alors que le grand froid sévit, le secteur pourrait avoir du mal à faire face.
La consolidation pourrait être la seule façon d’atteindre le niveau de réduction des coûts dont cette industrie a besoin pour affronter les géants américains de la technologie comme Google, et ses ambitions dans les transports