Le Nouvel Économiste

Assureurs high-tech

Blockchain, intelligen­ce artificiel­le ou objets connectés, comment la technologi­e permet aux assureurs de personnali­ser la couverture des risques et d’améliorer la gestion des sinistres de l’entreprise

- ANNE THIRIET

Les environnem­ents changent et les attentes des assurés aussi. L’intégratio­n des nouvelles technologi­es permet d’améliorer l’anticipati­on des risques que peuvent rencontrer les entreprise­s et de faire face également aux menaces nouvelles, induites notamment par la digitalisa­tion de plus en plus marquée de l’économie. Autre conséquenc­e de ces mutations technologi­ques : une évolution du métier d’assureur vers plus de services, les assurés ne cherchant plus seulement une indemnisat­ion des sinistres mais une rapide remise en activité.

“Au sein du groupe MS Amlin, nous avons créé en 2016 une cellule innovation chargée de détecter des start-up et des nouvelles technologi­es qui peuvent s’implémente­r dans nos services ou en support”, indique Guillaume Danel, directeur de la stratégie marchés et produits de la succursale française de l’assureur et réassureur spécialist­e des risques d’entreprise­s MS Amlin.

Ce dernier participe à un consortium composé notamment de l’assureur AXA XL, division du groupe AXA, et du courtier Willis Tower Watson, du fabricant de logiciels Guardtime, du cabinet de conseil EY, et du client transporte­ur Maersk, pour lancer la première plateforme blockchain dédiée à l’assurance maritime. “L’objectif est d’améliorer la souscripti­on et le suivi des contrats d’assurance de Maersk, qui gère des milliers de containers dans le monde, en assurant la traçabilit­é en temps réel de ces containers. Les courtiers peuvent échanger des données en temps réel sur l’exposition aux risques. L’informatio­n est stockée à un endroit unique et partagée par tous les intervenan­ts concernés”, poursuit le responsabl­e. La technologi­e blockchain est utilisée à ce jour dans des situations complexes et pour les grandes entreprise­s.

La ppromesse des objets connectés

Les solutions intégrant les nouvelles technologi­es dans la prévention des risques se multiplien­t, y compris pour les PME. Les objets connectés ont de l’avenir dans ce domaine. “L’incendie représente 60 % de la charge des sinistres pour les entreprise­s. L’analyse automatiqu­e et en temps réel des vidéos de surveillan­ce ou thermiques est une voie prometteus­e. Elle permet de mesurer la surchauffe des circuits électrique­s, à l’origine de 50 % des incendies, ou les départs de feux dormants et ainsi d’agir rapidement, indique François Nédey, membre du comité exécutif d’Allianz France. Nous réalisons des tests depuis un an sur ce sujet. Si ces technologi­es s’avèrent fiables, il faut trouver l’équation économique sans surcoût pour le client.”

Autre piste : les capteurs. Allianz s’est intéressé au béton doté de capteurs pour déterminer la survenue de fissures et de fuites d’eau, et a lancé une offre concernant les détecteurs de fumée en lien avec son service d’assistance Allianz Partner. “En cas de problème, le client est immédiatem­ent alerté par le détecteur et l’assisteur prend le relais”, poursuit Jean Boucher, directeur de l’expérience client, du big data et de l’intelligen­ce artificiel­le

Les solutions intégrant les objets connectés dans la prévention des risques se multiplien­t, y compris pour les PME

d’Allianz France. “Les capteurs servent aussi à prévenir les bris de machine. Chargés de mesurer la températur­e, la pression, tous les paramètres physiques du matériel de production, ils sont couplés avec l’analyse des données en temps réel.” Pour le transport de marchandis­es, AXA XL s’est allié avec Parsyl, spécialisé dans l’internet des objets. “Des capteurs sont placés sur les marchandis­es pour mesurer la températur­e, l’humidité, les chocs, et prévenir les dommages tout au long de la chaîne logistique”, détaille Hélène Stanway, digital leader de la division du groupe AXA.

Gérer de nouveaux risques

La digitalisa­tion de l’économie entraîne l’apparition de nouveaux risques, notamment ceux qui ont trait à la cybersécur­ité. Parallèlem­ent, le cadre réglementa­ire est devenu de plus en plus contraigna­nt, notamment avec la mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD) en mai dernier. La prévention est donc devenue un enjeu majeur. “On ne peut pas prévoir une cyberattaq­ue au sens de ‘Minority Report’, mais on peut anticiper sur des modes opératoire­s éventuels en surveillan­t les infrastruc­tures, les comporteme­nts des équipement­s, les flux, précise Loïc Guézo, stratégist­e cybersécur­ité Europe du Sud de la société Trend Micro, qui développe des logiciels de sécurité. Nous disposons de technologi­es qui, sans être prédictive­s, sont hyper-réactives grâce à l’utilisatio­n d’algorithme­s de données et l’intelligen­ce artificiel­le. Le frein n’est pas technologi­que : les entreprise­s doivent d’abord prendre conscience qu’elles sont exposées. Il faut une bonne gouvernanc­e, c’està-dire une sensibilis­ation de la direction générale qui doit prévoir un minimum de moyens humains et une veille permanente.” Cette sensibilis­ation aux risques, l’assureur et réassureur QBE propose de la mettre en oeuvre avec des tests d’intrusion externes. Le service sera accessible en février aux clients qui ont déjà souscrit une offre cyber et sera réalisé par la société Sysdream, spécialist­e de l’audit, de la formation et de la réalisatio­n d’événements en cybersécur­ité. “L’objectif est d’établir un rapport les failles de sécurité pour chaque entreprise, PME ou ETI, qui ne dispose pas de spécialist­e en interne, et d’identifier des pistes pour les réduire”, indique Renaud de Pressigny, directeur général de la filiale française de QBE.

Protection sur mesure

Ces évolutions impactent le métier d’assureur. “Il ne s’agit pas seulement de prédire le risque en modélisant les sinistres, ou de réfléchir aux sinistres futurs qui adviendron­t dans des entreprise­s qui vont devenir de plus en plus interdépen­dantes. Nous devons aussi répondre aux enjeux de rapidité auxquels s’attendent les clients, explique Richard Deguettes, directeur général de l’assureur Liberty France. Les assurés n’attendent pas seulement une indemnisat­ion mais veulent reprendre leur activité au plus vite. Les assureurs doivent accompagne­r leurs clients et proposer un panel de services dans leurs garanties. Il faut être capable de monitorer un orchestre de prestatair­es. Lorsque l’informatiq­ue d’une entreprise est victime, par exemple, d’un virus ou de malveillan­ce, un spécialist­e en sécurité informatiq­ue pourra intervenir sur un simple appel, un expert en négociatio­n répondra en cas de demande de rançon, un expert en communicat­ion sera chargé de répondre à l’inquiétude des clients…”

La demande s’oriente également vers plus d’individual­isation : “L’idée est d’utiliser les nouvelles technologi­es pour trouver un équilibre entre le processus de mutualisat­ion sur lequel fonctionne l’assurance, et la demande du client d’une personnali­sation de son risque. Mais le sur-mesure n’est possible qu’à condition de disposer de grandes bases de données. Nous nous servons d’un modèle de scoring, qui associe des données internes aux entreprise­s à d’autres informatio­ns (sur les catastroph­es naturelles via satellite par exemple)”, indique Astrid Marie Pirson, directrice de la souscripti­on Hiscox France. MS Amlin travaille de son côté avec la société Cytora à analyser plus de données, de manière automatisé­e, grâce à des logiciels ou des robots. Une démarche qui permettra d’améliorer la connaissan­ce du risque à assurer afin d’établir des contrats personnali­sés à l’horizon 2020. L’améliorati­on de la gestion des risques passe aussi “par la mise en place de plateforme­s collaborat­ives entre les assureurs/réassureur­s et leurs clients, insiste Michel Josset, président de la commission dommages aux biens de l’Amrae (Associatio­n management des risques et des assurances de l’entreprise) qui travaille sur la question. Elles permettrai­ent d’améliorer les échanges, et que les données concernant les risques, naturels mais aussi politiques, soient plus facilement partagées entre l’ensemble des acteurs.”

“Il ne s’agit pas seulement de prédire le risque en modélisant les sinistres. Nous devons aussi répondre aux enjeux de rapidité auxquels s’attendent les clients”

“Les assureurs doivent accompagne­r leurs clients et proposer un panel de services dans leurs garanties. Il faut être capable de monitorer un orchestre de prestatair­es.”

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“Des capteurs sont placés sur les marchandis­es durant leur transport pour mesurer la températur­e, l’humidité, les chocs, et prévenir les dommages tout au long de la chaîne logistique.”Hélène Stanway, AXA.
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“L’améliorati­on de la gestion des risques passe aussi par la mise en place de plateforme­s collaborat­ives entre les assureurs/réassureur­s et leurs clients.”Michel Josset, Amrae.
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“L’idée est d’utiliser les nouvelles technologi­es pour trouver un équilibre entre mutualisat­ion et personnali­sation.” Astrid Marie Pirson, Hiscox France.

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