L’inquiétante situation parisienne
La capitale perd ses habitants. En creux, cela pose la question de l’accès au logement
C’est une petite secousse dans une ville engagée dans la compétition mondiale. La confirmation d’un sentiment partagé par ses habitants. La capitale française deviendrait-elle si irrespirable que sa population la fuit ?
Déficit parisien
Dans sa dernière étude en date sur le sujet, l’Insee est catégorique : la capitale française tire vers le bas l’évolution démographique du Grand Paris. “Entre 2011 et 2016, la croissance démographique de la métropole du Grand Paris ralentit, + 0,3 % par an, contre + 0,6 % entre 2006 et 2011”, une tendance à l’opposé des autres métropoles françaises. Depuis 2011 et jusqu’en 2016, Paris a perdu 59 648 habitants, passant de 2 249 975 à 2 190 327 habitants, soit peu ou prou, la population d’une ville comme Troyes ou NeuillysurSeine. Pour expliquer cette situation, plusieurs facteurs apparaissent. Premièrement, le solde naturel ( nombre de naissances moins nombre de décès). S’il demeure positif, il est en diminution par rapport à ce que la capitale a pu connaître. En effet, sur la période 2011-2015, “cet excédent naturel correspond à près de 15 300 personnes par an en moyenne, au lieu de 17 100 personnes par an de 2006 à 2010”. Cela découle d’une baisse de la natalité qui s’opère depuis 2010, et qui se traduit par près de 2 000 naissances en moins chaque année. Couplé à ce phénomène de baisse de la natalité, le solde migratoire – calculé comme la différence entre la variation de la population et le solde naturel – est lui déficitaire, conduisant la population à diminuer d’environ 27 200 habitants.
Pas de fatalité
Pourtant, dans une tribune éclairée publiée dans ‘Le Figaro’, Laurent Chalard, géographe en poste à l’European Centre for International Affairs, estime pour sa part qu’il n’y a pas matière à s’inquiéter. Selon lui “le nombre d’habitants de la ville lumière a progressé jusqu’à l’entre-deux-guerres, atteignant un maximum en 1921, avec 2,906 millions d’habitants, puis a décliné ensuite quasi continûment jusqu’à nos jours. En 2016, Paris compte 716 000 personnes de moins qu’à son apogée démographique.” Selon le géographe, il s’agit d’un processus que l’on retrouve dans chaque coeur d’agglomération des métropoles mondiales. “Il est la conséquence de la combinaison de plusieurs facteurs : une décohabitation importante, du fait de la réduction de la taille des familles et de leur départ vers la périphérie, une transformation de logements en bureaux, et une faible progression du parc de logements, le territoire communal étant entièrement urbanisé.” Il faut donc pour les édiles parisiens accepter que Paris représente un ensemble fini et se concentrer sur la qualité de vie, plutôt que de celle de l’augmentation de la population.
L’accès au logement
Toutefois, la situation démographique pose en creux le problème de l’accès au logement. En effet, dans une note sur la question, l’Apur ( Atelier parisien d’urbanisme) démontre le lien entre l’augmentation des logements vacants et le départ des ménages de Paris intramuros. La note explique que la part des logements inoccupés a augmenté de manière significative. “Depuis 2011, la part des logements inoccupés a augmenté de 3 points pour atteindre 17 % du parc, notamment en lien avec une hausse des logements consacrés à plein-temps à la location meublée touristique.” Il s’agit de l’effet Airbnb, dont les arrondissements du centre parisien souffrent fortement. “Cette augmentation de la part de logements inoccupés entre 2011 et 2016 correspond à près de 41 000 résidences principales en moins en 5 ans sur l’ensemble du parc, soit 8 200 par an”, explique l’étude. Un phénomène qui freine les politiques de logement de la ville. En effet, la part de logements vides avait baissé à Paris “entre 1999 et 2011, passant de 16 % à 14,1 %, ce qui avait permis une majoration du nombre de résidences principales”.
Enfin, une autre étude, celle de la plateforme de location d’appartements meublés Nestpick, vient poser des chiffres sur les revenus nécessaires pour louer un bien parisien. D’après Nestpick, les données montrent “que Paris est une ville conçue pour ceux dont le salaire moyen est plus élevé – il faudrait 153 heures de travail au salaire minimum pour payer le loyer d’un mois dans le quartier le moins cher de Paris”. En se basant sur une part de 30 % du revenu consacré au loyer – au-delà de laquelle le ménage est considéré surchargé –, il faut par exemple un revenu mensuel de 5 992,48 euros pour se loger dans le VIIe arrondissement de Paris, le plus cher.
Ce que cela indique également, c’est que ceux qui travaillent au salaire minimum“dépensent probablement un pourcentage énorme de leur revenu disponible en loyer, et peut-être aussi en partageant des espaces entre un plus grand nombre de personnes que ce pour quoi ils sont strictement conçus”, conclut Nestpick.
“La part des logements inoccupés atteint 17 % du parc, notamment en lien avec une hausse des logements consacrés à plein-temps à la location meublée touristique”