Le Nouvel Économiste

La Floride entre tempête tropicale et tempête électorale

Le pronostic politique du troisième État le plus peuplé des États-Unis est aussi imprévisib­le que celui des ouragans

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

La semaine dernière, on ne voyait qu’elle dans l’actualité américaine : la Floride attendait le passage dévastateu­r de l’ouragan Dorian. Finalement il l’a simplement effleurée, ce qui a tout de même provoqué 6 morts et un coût matériel qui reste à estimer – il tiendra sans doute plus aux précaution­s qui ont amené à des évacuation­s massives qu’aux dégâts réels. La Floride a d’ailleurs offert à ses voisins plus affectés, les États de Caroline du Sud et du Nord, de partager les 860 000 bouteilles d’eau minérale et le 1,8 million de rations alimentair­es qu’elle avait stockées. Comme on dit aux États-Unis : “Espérons le meilleur, mais préparons-nous pour le pire”. La Floride connaît cet adage par coeur. Située à l’extrême sud des États-Unis, elle est l’État le plus exposé aux ouragans et a connu à plusieurs reprises de spectacula­ires dévastatio­ns. La moitié de son territoire se trouve dans une zone de climat tropical, et elle était réputée si inhospital­ière qu’elle était autrefois le refuge des hors-la-loi. Au milieu du XIXe siècle, ce territoire grand comme près du tiers de la France comptait 140 000 habitants, dont la moitié était des esclaves amenés pour travailler dans des plantation­s de coton. Tout a changé avec l’arrivée du chemin de fer, de la climatisat­ion et des touristes. Dans une températur­e qui passe de tiède à torride, les retraités viennent y réchauffer leurs vieux os en tel nombre que l’on surnomme l’État “la salle d’attente du Bon Dieu”. La population floridienn­e, qui croît de façon exponentie­lle, atteint aujourd’hui plus de 21 millions d’habitants, ce qui en fait le troisième État le plus peuplé après la Californie et le Texas, et la place dans l’oeil d’un autre cyclone : celui des élections présidenti­elles.

La Floride est bien placée pour savoir que chaque voix compte. L’élection de George W. Bush y a été acquise par 537 voix, Donald Trump a remporté l’État avec un avantage de 1,2 % des voix et lors des élections de mi-mandat en novembre dernier, trois scrutins majeurs ont été décidés à une majorité de moins de 0,5 %

Pour la prochaine, celle de 2020, elle est considérée comme le grand prix, mais son parcours est aussi imprévisib­le que celui des ouragans.

Un vaste puzzle électoral

La Floride est une vieille habituée du drame électoral. En 2000, elle a fait basculer l’élection vers George W. Bush après 3 semaines d’un recompte des bulletins qui a finalement été tranché par une décision de la Cour suprême. En 2016, Donald Trump a remporté l’État par une courte majorité. Il ne peut pas se permettre de le perdre l’année prochaine. Bien qu’il soit un régional de l’étape, avec une résidence secondaire qui est aussi un vaste ensemble hôtelier, à Mar El Lago, près de Palm Beach, rien n’est gagné. La Floride est un vaste puzzle électoral. Un quart de la population est d’origine hispanique, un tiers de ce groupe, d’origine cubaine, vote plutôt républicai­n, les autres plutôt démocrate. Les retraités représente­nt environ 20 % de la population. Ceux qui se sont établis le long de la côte Est, au-dessus de Miami, viennent en majorité de la région de New York et votent démocrate, la côte opposée est dans l’axe du Midwest et vote plutôt républicai­n. Il y a autour de Jacksonvil­le une concentrat­ion de population noire qui vote démocrate, alors que la région au-dessus du golfe du Mexique abrite une forte population de militaires qui penchent du côté républicai­n. Au milieu de tout cela, il y a une vaste zone agricole et l’énorme complexe touristiqu­e d’Orlando qui attire une population fluctuante.

C’est là que l’on trouve la plus forte concentrat­ion de l’espèce la plus recherchée des stratèges des deux grands partis, les électeurs dits “indépendan­ts”. En ce moment, d’énormes sommes d’argent coulent vers la Floride pour les débusquer et les attirer dans l’un des deux camps, qui pour l’instant détiennent chacun à peu près un tiers du corps électoral, avec un léger avantage pour les démocrates. Restent au milieu 4 millions de personnes en âge de voter, qui soit ne sont pas inscrites sur les listes électorale­s, soit y figurent sans affiliatio­n. Les indépendan­ts ne le sont pas toujours. En fait, un sondage de l’institut de recherche Pew a montré que sur le plan national, seulement 19 % d’entre eux étaient vierges de tout penchant politique. Mais la Floride est bien placée pour savoir que chaque voix compte. L’élection de George W. Bush y a été acquise par 537 voix, Donald Trump a remporté l’État avec un avantage de 1,2 % des voix et lors des élections de mi-mandat en novembre dernier, trois scrutins majeurs ont été décidés à une majorité de moins de 0,5 %. Dans des situations aussi volatiles, tous les éléments comptent, y compris la météo. Les électeurs se souviendro­nt le moment venu de la façon dont ils ont été pris en charge face à un désastre naturel. La Floride a donc été la semaine dernière l’objet de toutes les sollicitud­es.

Newspapers in French

Newspapers from France