Le Nouvel Économiste

Le plan de paix au Proche-Orient n’était qu’illusion

L’administra­tion Trump n’a jamais eu l’intention de solutionne­r le conflit israélo-palestinie­n

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

L’annonce de la démission de Jason Greenblatt, l’envoyé spécial de Donald Trump chargé de mettre en place le “plan pour la paix” qui doit régler le conflit israélo-palestinie­n, intervient à peine quelques semaines avant les nouvelles élections législativ­es israélienn­es du 17 septembre. Elle intervient surtout quelques jours après que Greenblatt lui-même ait confirmé que les détails de ce plan ne seraient dévoilés qu’après le verdict des urnes, contrairem­ent à ce que Donald Trump avait laissé entendre en marge du G7.

Ces deux décisions, loin d’être surprenant­es, révèlent au contraire beaucoup de la réalité de ce plan, confié à Jared Kushner, le gendre du président américain : si d’aventure il devait réellement voir le jour, il ne ferait que valider davantage les oukases israéliens en Cisjordani­e et ne servirait absolument pas la cause palestinie­nne, encore moins la possibilit­é d’une réconcilia­tion entre Israël et l’Autorité palestinie­nne.

Succession d’incompéten­ces

En premier lieu, rappelons que la mise en oeuvre de ce plan sur un conflit d’une gravité et d’une complexité sans égales, a été confiée dès le début à des hommes dépassés par l’ampleur de la tâche. Jared Kushner a ainsi damé le pion à des diplomates bien plus connaisseu­rs du dossier et des forces en présence, par sa seule qualité de gendre du président américain.

Jason Greenblatt, de son côté, péchait également par son inexpérien­ce. Seule sa proximité avec le président américain et ses conviction­s pro-israélienn­es ont pu expliquer qu’il succède à des diplomates chevronnés, toutes administra­tions confondues. S’efforçant de justifier systématiq­uement les décisions unilatéral­es de Donald Trump, comme la reconnaiss­ance de Jérusalem comme capitale d’Israël ou de la souveraine­té israélienn­e sur le plateau syrien du Golan, ce juriste n’a pas organisé la moindre table ronde entre les deux acteurs du conflit durant sa mission.

Autre signe démontrant la vacuité du projet américain, le fait que Jason Greenblatt soit remplacé par un homme encore plus étranger au dossier que lui : Avi Berkowitz, qui lui succédera, n’est autre que le bras droit de Jared Kushner, et a décroché son diplôme de droit à Harvard il y a trois ans !

Si on en doutait encore, ces récents événements confirment que l’administra­tion Trump n’a jamais eu réellement l’intention de solutionne­r le conflit israélo-palestinie­n. Le volet économique du plan de paix, présenté fin juin à Bahreïn, a suscité des réactions dubitative­s de la part des pays arabes, tant il conjuguait d’anciennes idées déjà portées par les administra­tions américaine­s successive­s, avec ce que la novlangue ultralibér­ale peut proposer de pire. Ainsi, quelques exemples, qui démontrent également une méconnaiss­ance totale de la réalité de la Palestine: ce plan économique de plus de cent pages proposait de faire du pays un carrefour commercial. Comment cela serait-il possible alors que ni la Cisjordani­e ni Gaza ne contrôlent leurs frontières, ne disposent d’un port ou d’un aéroport, et que les Palestinie­ns viennent à peine d’obtenir un réseau 3G ? Comble de l’ironie, le plan appelait à mieux protéger la propriété privée, alors que se multiplien­t les colonies israélienn­es en Cisjordani­e… Jamais, bien entendu, la solution de deux États côte à côte n’a été explicitée.

Au Barheïn pour séduire les pays du Golfe

D’ailleurs, le choix de Bahreïn pour évoquer le volet économique de ce plan creux n’était pas un hasard : il visait clairement à mettre le sujet du conflit israélo-palestinie­n sur la table en essayant de convaincre les pétromonar­chies arabes du golfe Persique de soutenir les intérêts, non pas de leurs “frères” palestinie­ns, mais bien d’Israël. Cela peut paraître surprenant, car on connaît la méfiance, voire la haine, que des pays comme l’Arabie saoudite vouent à l’État hébreu. Pour autant, face à cet “ennemi commun” qu’est censé être l’Iran, l’alliance paraît moins contrenatu­re. La présence de Brian Hook, envoyé spécial de Trump chargé du dossier iranien, aux côtés de Jared Kushner, est à ce titre explicite.

Que penser enfin d’un plan, non seulement confié à des hommes sans expérience, au contenu aussi vide qu’une coquille de noix, mais en plus conditionn­é aux résultats des élections législativ­es israélienn­es, sinon qu’il ne sert, selon les mots d’une officielle de l’Organisati­on pour la libération de la Palestine, qu’à “justifier les violations israélienn­es” envers les Palestinie­ns? Que ce plan, téléguidé, selon certains analystes, par la droite israélienn­e, soit rendu public avant ou après les élections, cela n’a finalement plus d’importance, car on peut déjà considérer qu’il ne contiendra aucune avancée en faveur de la paix et d’un équilibre territoria­l et politique entre Israël et la Palestine. En revanche, il sera sans doute un blancseing accordé au probable vainqueur des élections législativ­es, Benjamin Netanyahu, pour poursuivre sa politique nationalis­te, et défendre les intérêts américains dans la région.

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