Sous le soleil des entrepôts logistiques
Toujours plus demandés, plus grands, plus verts et plus rentables
“Il y a une quinzaine d’années la taille moyenne des entrepôts était de 20 000 m². Aujourd’hui, la taille moyenne a augmenté et se situe entre 40 000 et 50 000 m²”
Ces quinze dernières années, le développement et les mutations de la grande distribution, et plus récemment l’arrivée du e-commerce, ont peu à peu transformé le secteur de l’immobilier logistique. Ce marché a connu un essor important en attirant plus d’investisseurs et de promoteurs immobiliers. Ce sont ensuite les entrepôts qui ont connu de profondes mutations en devenant plus gros, plus hauts, plus mécanisés voire automatisés, et même plus écologiques. Malgré les difficultés de la grande distribution, ce secteur de l’immobilier reste peu impacté mais les enjeux restent importants à l’heure où les confrontations avec les collectivités locales sont toujours présentes et où le foncier devient de plus en plus cher.
Fin juin, une structure de 68 000 m² a été livrée à Tournan-en-Brie en Seine-et-Marne dans le cadre de la construction d’une plateforme logistique pour Conforama. Cette tranche de 68 000 m² est en fait la dernière partie d’un entrepôt de 177 500 m². Le chantier, lancé en octobre 2017 et développé par Gazeley et Argan, doit donner naissance au plus grand ensemble logistique d’Europe.
De son côté, le géant du e-commerce Amazon a ouvert un centre de 107 000 m² à Boves en 2017, et devrait occuper une plateforme de 142 000 m² à Bretigny-sur-Orges en 2019. Ces entrepôts XXL sont de
Du XS au XXL
plus en plus en nombreux et sont le signe de la bonne santé du marché de l’immobilier logistique.
Si les chiffres officiels sont rares, les acteurs du milieu s’accordent à dire que les voyants sont au vert. “Nous sommes sur des volumes records depuis la fin des années 90”, assure ainsi Didier Terrier, directeur général d’Arthur Loyd Logistique. Depuis deux décennies, les investisseurs et les promoteurs immobiliers ont doucement découvert le potentiel de l’immobilier logistique. “Les investisseurs s’intéressaient très peu à cette classe d’actifs immobiliers qu’est la logistique jusqu’il y a cinq ou six ans. Maintenant, ils sont de plus en plus intéressés, et notamment les étrangers comme les Chinois et les Américains. Entre le logement, le bureau et la logistique, cette dernière est la plus rentable aujourd’hui”, explique Claude Samson, président d’Afilog, association créée en 2001 et qui réunit la plupart des acteurs du secteur logistique.
À l’image des structures de Conforama ou d’Amazon, les principales transactions 2019 du côté d’Arthur Lloyd sont “Casino sur un site de Lyon, Gifi, la Farfouille, But ou encore Leader Price, tous pour des surfaces au-dessus de 50 000 m²” . Une taille qui se rapproche des standards actuels. En effet, si les entrepôts XXL, c’est-à-dire au-dessus de 80 000 m², font souvent la une de la presse, ils ne représentent pas la majorité des constructions, mais plutôt 5 % à 10 % du marché, selon Claude Samson. Néanmoins, on observe bien une augmentation de la taille des entrepôts. “Il y a une quinzaine d’années la taille moyenne des entrepôts était de 20 000 m² et les grands entrepôts faisaient 60 000 m². Aujourd’hui, la taille moyenne a augmenté et se situe entre 40 000 et 50 000 m²” , relate celui-ci.
Cette mutation s’explique par plusieurs phénomènes liés aux changements de stratégie des entreprises clientes. “Elles ont tendance à abandonner les entrepôts régionaux pour passer sur des entrepôts nationaux, voire européens : automatiquement la taille augmente”, décrypte Claude Samson. Du côté de l’ensemblier urbain Quartus, le directeur général de la filiale logistique, JeanLouis Foessel, note une réorganisation des plans de transports de la grande distribution. L’objectif est de “créer des grands hubs de logistique qui associent tous types d’entrepôts. On retrouve sur un même site de 80 000 à 90 000 m² aussi bien des entrepôts secs que des entrepôts frigo ou des entrepôts de grande hauteur mesurant 30 mètres. Avant, ces entrepôts étaient séparés”, expliquetAinsi, il y a dix ans, on trouvait beaucoup plus de petits entrepôts, beaucoup plus spécialisés.
La part du e-commerce
Ces mutations sont largement portées par le secteur de la grande distribution. Cette dernière reste encore le coeur de l’immobilier logistique, malgré la souffrance de la plupart des grandes enseignes aujourd’hui. “Pour l’instant, les difficultés du secteur n’impactent pas les surfaces d’entreposage, donc on ne le ressent pas au niveau des mètres
carrés consommés. Cela a davantage un impact sur leurs magasins”, analyse Didier Terrier. L’arrivée des gros pure players du e-commerce explique aussi l’augmentation de la taille de entrepôts. “Eux, c’est par le nombre colis qu’ils tiennent en stock qu’ils sont obligés de mettre en place des bâtiments plus grands”, explique Claude Samson. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises pratiquent le e-commerce mais la plupart ne sont pas spécialisées et n’ont donc pas d’entrepôts dédiés à cette activité. Il est donc difficile d’évaluer la part qu’occupe le e-commerce au sein de l’activité logistique. Néanmoins, en ne comptabilisant que entreprises pratiquant uniquement le e-commerce, on estime sa part entre 10 % et 15 % aujourd’hui.
Outre la surface au sol, c’est aussi en hauteur que les acteurs du e-commerce vont chercher de l’espace. De cinq à huit mètres en moyenne il y a une dizaine d’années, les bâtiments atteignent maintenant des hauteurs plus proches de douze mètres. “On construit des bâtiments avec une capacité de stockage d’une palette en plus”, précise Jean-Louis Foessel. Autre évolution, ces entrepôts aux dimensions énormes accueillent parfois des mezzanines.
Automatisation et mécanisation
Aujourd’hui, certains entrepôts logistiques peuvent prendre la forme de tours de trente mètres de haut lorsque le client veut une automatisation complète. C’est le cas d’acteurs comme Leclerc par exemple. Ces entrepôts prennent moins de place et utilisent un système autonome pour gérer leurs produits. “Le principe de l’automatisation est de rationaliser la surface au sol. C’est plus le process qu’on pose, avec un bâtiment qu’on va construire autour, éclaire Didier Terrier. Ce sont des investissements très lourds.” Et c’est pourquoi ils restent marginaux dans ce secteur. Si l’automatisation complète est loin d’être la norme, la mécanisation des entrepôts et de la supply chain est aujourd’hui incontournable. On trouve même des entreprises spécialisées dans la robotisation des bâtiments, comme Scallog. Néanmoins, contrairement à l’automatisation qui influe sur la construction de l’entrepôt, la mécanisation arrive généralement postérieurement à la livraison de l’édifice, et n’a donc pas beaucoup d’impact sur le travail des constructeurs.
Toutes ces mutations conduisent à l’émergence de bâtiments très variés dans le secteur de l’immobilier logistique. L’une des seules standardisations notables aujourd’hui est celle qui pousse à aller vers le plus grand, mais sinon il est difficile d’établir un entrepôt type. “On a une idée de qui va être l’utilisateur de cette structure et par conséquent on crée des entrepôts qui ne sont pas totalement standardisés”, explique Claude Samson. Ce constat pose la question de la pérennité des bâtiments qui sont la plupart du temps des locations. Pour le cas des tours automatisées par exemple, les investisseurs restent assez frileux. “Ils préfèrent ne pas financer ces immeubles car en cas de départ du locataire dans six ou dix ans, ils se retrouveraient avec un immeuble spécifique de 30 mètres de haut sur les bras”, prophétise Didier Terrier.
Des entrepôts plus écologiques ?
Une autre forme de standardisation est de plus en plus présente : le caractère écologique des nouveaux entrepôts. C’est en tout cas ce que revendiquent unanimement tous les acteurs du milieu. Le green-washing des entreprises clientes a poussé les constructeurs, promoteurs et autres investisseurs à se lancer dans la course aux certifications environnementales internationales que sont BREEAM, LEED ou encore HQE. Le premier point, le plus évident, est l’équipement en panneaux solaires. Les surfaces de toitures sont de plus en plus grandes et donc la pose de panneaux photovoltaïques est presque devenue une norme, à en croire les constructeurs. “Il est très vraisemblable que la pose des panneaux photovoltaïques sur les entrepôts devienne obligatoire sur au moins 30 % de la surface des toitures dans les années qui viennent”, ajoute Jean-Louis Foessel. Une norme qui est source de débat, à en croire Claude Samson : “le problème avec les panneaux, c’est que la rentabilité n’est pas assurée dans certaines zones. Pour caricaturer, au nord de la Loire, le coût de la pose des panneaux par rapport au prix de rachat de la production qui revient dans le réseau n’est pas forcément rentable. Une obligation pourrait poser quelques problèmes”.
À l’extérieur du bâtiment, l’article 112 du Code rural et de la pêche maritime impose une compensation lorsque les entrepôts sont construits sur les terres agricoles. Ainsi, c’est une surface au moins équivalente et parfois doublée qui doit être gardée en biodiversité. “Nous cherchons à réaliser le moins possible d’imperméabilisation des sols. On va essayer d’installer de grands bassins de rétention d’eau en guise de réserve incendie, plutôt que de grandes cuves. À la place de l’herbe simple, on va essayer de laisser monter en prairie”, énumère le président d’Afilog. “C’est une tendance obligatoire”, abonde Jean-Louis Foessel. Ces énormes constructions qui s’installent dans des territoires ruraux font quand même grincer des dents certaines collectivités territoriales (voir encadré). Cependant, Claude Samson va jusqu’à affirmer que “quand vous construisez un entrepôt, vous créez plus de diversité que lorsque vous aviez une terre agricole”.
L’objectif est de “créer des grands hubs de logistique qui associent tous types d’entrepôts – aussi bien des entrepôts secs que des entrepôts frigo ou des entrepôts de grande hauteur”