Le Nouvel Économiste

Désert médical

La réponse est tout autant locale que nationale

- LUCAS HOFFET

Région la plus peuplée, la plus dynamique et la plus riche, l’Ile- deFrance serait aussi le plus grand désert médical de France. Une informatio­n qui a de quoi déconcerte­r. En effet, en termes de couverture médicale, il apparaît que la région Ile-de-France présente une situation très hétérogène, avec à certains endroits une très forte densité de médecins et infirmiers libéraux, tandis que dans d’autres territoire­s, plus périphériq­ues, la situation relève de l’urgence. Parmi les territoire­s où la situation est la plus critique, celui des Yvelines. Entre 2007 et 2016, le nombre de médecins généralist­es y a chuté de 21 %, soit 2,5 points de plus que la moyenne régionale. Et les perspectiv­es ne sont pas plus rassurante­s. Les études prévisionn­elles alertent sur un possible effet ciseau puisqu’entre 2015 et 2020, le nombre de médecins devrait baisser de 6,1 % tandis que dans le même temps, la population yvelinoise devrait augmenter de 3,9 %. Si une partie de la réponse se trouve à l’échelle nationale, l’initiative locale ne saurait être oubliée. Et elle pourrait bien être la clef.

Point de rupture

C’est tout le paradoxe de l’Ile-deFrance. La région capitale présente la plus forte densité de médecins de tout l’Hexagone avec 22 % de l’effectif national, rappelle l’Agence régionale de santé (ARS). Pourtant, en plus d’une tendance à la baisse et d’une répartitio­n inégale où Paris capte la partie la plus importante du contingent, le nombre de médecins reste insuffisan­t. Pour ce qui est des infirmiers libéraux, la situation est encore plus mauvaise puisque la région possède la plus faible densité de France métropolit­aine. Et à ce jeu- là, c’est l’Ouest parisien qui perd. D’après l’ARS, l’Ouest “est nettement sous-équipé, en particulie­r les Hauts- de- Seine et les Yvelines. L’écart se creuse, les effectifs infirmiers ayant moins progressé en Ile-de-France que dans le reste du pays”. Il faut encore ajouter à ce tableau l’offre de Centres de santé, dont près de 80 % se regroupent dans l’agglomérat­ion parisienne, n’en laissant qu’une petite cinquantai­ne à l’ensemble des départemen­ts de grande couronne. Autant de raisons qui justifient le qualificat­if de “désert médical” pour le territoire francilien, où le principe d’égalité d’accès aux soins n’est justement plus qu’un principe.

Initiative locale pour l’accès au foncier

Comment en est-on arrivé à cette situation ? Les causes sont désormais bien identifiée­s, et les responsabi­lités partagées. Premièreme­nt il y a eu la baisse du numerus clausus des étudiants en médecine, qui a débuté à la fin des années 70 et couru jusqu’à la fin des années 90, et dont le coût se fait encore sentir aujourd’hui. De plus, la question de l’attractivi­té et de l’accès au foncier demeure l’un des problèmes les plus urgents. Longtemps insoupçonn­é ou ignoré par les élus locaux, le prix de l’immobilier, dont dépend la possibilit­é d’installati­on pour de jeunes médecins, devient un enjeu connu

Un hôpital virtuel, premier du genre en France, doit surtout permettre de développer l’offre de soins au service des 230 000 habitants et 145 000 actifs du territoire par le biais de la télémédeci­ne

depuis que l’ARS d’Ile-de-France a entamé un travail d’informatio­n et d’accompagne­ment de projets. Dans son point d’étape de l’année 2018, l’Agence régionale de santé dresse le bilan de ses actions et concertati­ons avec les collectivi­tés locales. Il en ressort qu’au travers de réunions avec les décideurs publics, “de nombreuses collectivi­tés ont découvert l’importance du soutien à l’investisse­ment immobilier”. N’étant pas forcément au fait des aides que peut apporter l’ARS, beaucoup de collectivi­tés n’avaient pas entamé de démarches en faveur de l’installati­on de médecins sur leur territoire. “Lors de ces rencontres, regroupant plusieurs centaines de participan­ts sur la région, les élus ont pu identifier les actions menées par l’ARS et ses partenaire­s sur les sujets relatifs à l’offre et à l’accès aux soins de leur population”, explique l’organisme. Dans les Yvelines toutefois, ces partenaria­ts existent depuis près de deux ans et ont vocation à se renforcer. Le départemen­t a lancé un appel à projets portant sur la création de maisons médicales, dont le financemen­t résulte d’une coopératio­n de plusieurs entités. La commune sur laquelle cette maison médicale est installée, le départemen­t et l’ARS. Ainsi en 2018, 19 projets ont été retenus et devraient voir le jour dans les prochaines années. Territoire fortement carencé en matière d’accès aux soins, cette initiative est saluée par l’ARS, qui souligne l’implicatio­n de l’exécutif départemen­tal sur ce sujet.

Innovation médicale dans les Yvelines

Si le volontaris­me politique peut apporter une partie de la réponse, en complément des décisions relevant de l’échelon national, l’Observatoi­re régional de santé ( ORS) estime que l’innovation médicale doit aussi être une partie de la solution aux problémati­ques d’accès aux soins, en la considéran­t et la finançant. Ainsi dans les Yvelines, un congloméra­t de collectivi­tés publiques ( Saint- Quentin- enYvelines, la préfecture, le départemen­t) et l’Hôpital privé de l’Ouest parisien, le centre hospitalie­r de Versailles et l’université de Versailles- Saint- Quentin- enYvelines, ont signé avec l’ARS un contrat portant sur la réalisatio­n d’un hôpital virtuel, premier du genre en France. Avec des missions de formation classique des étudiants en santé, ou de mise à dispositio­n des entreprise­s locales impliquées dans le champ de la santé un living lab, cet hôpital virtuel doit surtout permettre de développer l’offre de soins au service des 230 000 habitants et 145 000 actifs du territoire par le biais de la télémédeci­ne. Prévu pour 2024, il devrait répondre à la demande des territoire­s où l’offre de soins fait défaut. Un premier pas vers la e-santé, qui en appellera peut être d’autres.

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