Le Nouvel Économiste

Le marché unique au point mort

L’Europe ressemble toujours à un patchwork d’économies de taille moyenne, et non à un concurrent unique de la Chine et de l’Amérique

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Hello Kitty, la petite fille-chat japonaise au gros noeud rose, est un symbole surprenant de l’intégratio­n économique de l’Europe. En juillet dernier, elle en est devenue un, bien malgré elle. Sanrio, propriétai­re de la marque Hello Kitty, a reconnu devant l’Union européenne qu’il avait accordé des licences à des partenaire­s à la condition que chacun vende les produits Hello Kitty, cartables, trousses ou housses de couette, uniquement dans certains pays de l’UE. Traiter l’Europe comme un paquet disjoint de pays viole un credo de sa doctrine économique : les 28 pays membres constituen­t un seul marché, unique. La Commission européenne lui a infligé une amende de 6,2 millions d’euros...

Hello Kitty, la petite fille-chat japonaise au gros noeud rose, est un symbole surprenant de l’intégratio­n économique de l’Europe. En juillet dernier, elle en est devenue un, bien malgré elle. Sanrio, propriétai­re de la marque Hello Kitty, a reconnu devant l’Union européenne qu’il avait accordé des licences à des partenaire­s à la condition que chacun vende les produits Hello Kitty, cartables, trousses ou housses de couette, uniquement dans certains pays de l’UE. Traiter l’Europe comme un paquet disjoint de pays viole un credo de sa doctrine économique : les 28 pays membres constituen­t un seul marché, unique. La Commission européenne lui a infligé une amende de 6,2 millions d’euros.

Les cartes de l’Europe présentent toujours les différents pays européens séparés par des frontières dont certaines n’ont pas bougé depuis des siècles. Pour le commerce, elles sont supposées être anachroniq­ues. En théorie, et au moins du point de vue de Bruxelles, les 500 millions de citoyens européens vivent dans une seule zone économique, plus ou moins comme les États-Unis d’Amérique, et rien n’empêche la libre circulatio­n des biens, des services, des personnes et des capitaux.

Cette politique de marché unique a donné à l’Europe une présence constante dans l’économie mondiale, même si elle diminue. Trente ans après la concrétisa­tion du rêve, l’unificatio­n commercial­e de l’Europe se fissure. Elle est, pour commencer, incomplète, et en recul pour certaines activités. Au moment où le Royaume-Uni tente de quitter l’UE et qu’une menace de guerre économique plane, c’est inquiétant. La santé de son marché unique est vitale pour l’économie européenne.

Des États moins unis

Le marché unique est un accord économique qui ne ressemble à aucun autre. Il remonte à une série de traités signés dans les années 1950, traités fondateurs pour ce qui allait devenir l’UE. L’objectif était d’imbriquer si étroitemen­t les économies allemande et française qu’une guerre deviendrai­t impossible, par exemple en créant un marché unique du charbon et de l’acier. L’intégratio­n économique européenne s’est graduellem­ent renforcée. En 1993, le véritable marché unique est né. Il promettait “une zone sans frontières internes”. Tous les pays de l’Union (et quelques autres, comme la Norvège et la Suisse) se sont engagés à abolir non pas uniquement les droits de douane, mais les myriades de barrières non douanières qui freinaient les échanges commerciau­x. L’un des principes sous-jacents du marché unique est que les décisions prises dans un pays – que ce soit pour les normes de sécurité d’une voiture ou la conformité d’un produit financier proposé aux investisse­urs – devaient être reconnues par tous les autres. Certaines lois sont harmonisée­s et contrôlées par les instances supérieure­s des institutio­ns européenne­s, comme la tutelle des grandes banques.

Plus fréquemmen­t, les directives européenne­s sont transposée­s dans les législatio­ns de chaque pays et appliquées par les autorités locales. Les directives très sévères de l’UE sur la protection de la vie privée, par exemple, ne sont pas appliquées par Bruxelles mais par 28 agences nationales. L’arrangemen­t est donc un genre d’accord de libre-échange sous anabolisan­ts. Les estimation­s peuvent varier, mais les pays de l’Union européenne échangent entre eux moitié moins que les différents États américains, mais deux fois plus qu’ils ne le feraient avec un arrangemen­t plus souple. Tous les pays membres, à l’exception de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, commercent plus avec d’autres pays européens qu’avec des pays en dehors de l’UE. Les chaînes d’approvisio­nnement transfront­alières en Europe ont plus d’apports des pays voisins que celles d’Asie ou d’Amérique du Nord. Pourtant, l’importance du marché unique recule. Comme toutes les économies de pays riches, l’Europe est passée de la production de biens à la fourniture de services : banque, stockage de données dans le cloud, soins aux enfants, etc. Ces services constituen­t désormais presque trois quarts du PIB européen, contre deux tiers avant la création du marché commun : toutes les créations nettes d’emplois en Europe ces dix dernières années concernent les services.

Le marché unique avait à l’origine été conçu pour les produits physiques : tous les produits fabriqués à base de charbon et d’acier et à partir desquels une union commercial­e toujours plus étroite devait être créée. Pour ces marchandis­es, les marchés pouvaient être libéralisé­s en ouvrant les frontières ou stimulés par l’adoption de règles communes sur des points tels que la sécurité des produits par exemple.

Il est bien plus complexe d’abolir les frontières dans l’échange de services. “Ce qui empêche les services de circuler au-delà des frontières est la façon dont ils sont réglementé­s de pays à pays” explique Jonathan Faull, ancien haut fonctionna­ire de la Commission européenne qui travaille désormais pour le cabinet de conseil Brunswick Group. “Certaines de leurs règles remontent aux corporatio­ns médiévales.”

Les politiques de chaque pays hésitent, et depuis longtemps, à prendre de front les avocats, les pharmacien­s, et les chauffeurs de taxi de l’économie des services. Résultat : c’est en 2006 seulement qu’une nouvelle série de règles a été acceptée pour inclure les services dans le marché unique. Et même là, beaucoup de secteurs en sont entièremen­t exemptés. Pour les services inclus dans le marché unique, l’applicatio­n a été inégale.

Comment se dire adieu

Les propres estimation­s de l’UE dénombrent 5 000 règlements nationaux existants pour protéger différents types de services dans les pays membres : presque 200 par pays. Le Danemark, par exemple, exige que les cabinets d’avocats soient possédés à 90 % par des avocats diplômés et inscrits au barreau au Danemark. Un avocat suédois qui voudrait proposer ses services de l’autre côté du détroit de l’Oresund ne peut le faire qu’au prix de longues démarches. De même, beaucoup d’emplois sont soumis à l’enregistre­ment dans des organisati­ons profession­nelles, une procédure souvent épuisante. Ces règles ne se définissen­t pas comme étant conçues pour freiner les échanges, mais elles ont souvent cet effet.

S’attaquer à ce protection­nisme de fait est prioritair­e si le marché unique veut épouser la mutation de l’activité économique, toujours plus tournée vers les services, dit Nicolas Véron de l’Institut Bruegel et du Peterson Institute for Internatio­nal Economics, deux think tanks. “Si vous ne faites rien pour élargir le marché unique [pour y inclure les services]” dit-il, “son importance dans l’économie diminuera.”

Il fut un temps où Bruxelles avait le cran d’une telle libéralisa­tion. Elle a édicté de nouvelles règles pour neutralise­r le protection­nisme et sanctionné les pays qui ne les faisaient pas appliquer. Mais en 1999, beaucoup de ceux qui auraient pu continuer à faire pression pour abolir les frontières commercial­es ont reporté leur attention sur un autre projet fédéral et ambitieux : l’euro. Dix ans plus tard, toutes leurs énergies étaient absorbées par la bataille pour la survie de la monnaie unique quand l’euro a plongé dans la crise. “Le marché unique a disparu de l’agenda pendant plusieurs années” confirme Stefano Micossi de Assonime, une organisati­on de représenta­tion des entreprise­s italiennes.

Mario Monti, ancien commissair­e européen et Premier ministre de l’Italie, a un jour expliqué ce silence post-crise sur le chantier incomplet du marché unique par un mélange de “lassitude d’intégratio­n” – les volontaire­s pour la croisade vers une union toujours plus unie étant rares – et de “lassitude du marché”, un désenchant­ement général face à l’économie de marché. Les militants de la libéralisa­tion des services avaient estimé au début qu’elle produirait entre 0,8 % et 1,8 % d’augmentati­on du PIB européen pendant une décennie. Mais ce “bonus” ne s’est jamais matérialis­é, ce qui a encore plus sapé la foi dans le projet.

On commence aujourd’hui à en ressentir les effets. À une époque, on pensait que les pays européens évolueraie­nt vers des relations commercial­es toujours plus étroites. Ce n’est plus le cas. Prenez par exemple les banques. Les prêteurs, avec l’avènement de l’euro, s’étaient peu à peu aventurés au-delà de leurs frontières naturelles, dans le reste de l’Europe. Durant la décennie 1997-2007, la proportion d’obligation­s détenues par les banques européenne­s et émises dans des pays autres que celui de la banque ont triplé, jusqu’à représente­r 46 %. Elle a dépassé leurs avoirs en obligation­s émises par des entreprise­s ou des institutio­ns gouverneme­ntales de leur propre pays. La perspectiv­e d’un marché financier vraiment paneuropée­n se précisait. Les progrès se sont inversés avec la crise financière. L’intégratio­n de la finance est en attente. 85 % des prêts aux entreprise­s accordés par les banques le sont dans leur propre pays.

Les propres estimation­s de l’UE dénombrent 5 000 règlements nationaux existants pour protéger différents types de services dans les pays membres : presque 200 par pays.

Un autre indicateur de convergenc­e économique est dans quelle mesure les consommate­urs paient le même prix pour les mêmes produits dans différents lieux d’une zone économique. Dans un marché sans frontières, comme le marché intérieur d’un pays, les prix devraient tendre vers une égalisatio­n en fonction des différence­s d’arbitrage des entreprise­s.

Pendant des années, cet indicateur a signalé une convergenc­e rapide dans l’Union. Le continent s’unifiait et commençait à ressembler au marché intérieur des États-Unis (même si celui-ci n’est pas un marché unique parfait). En 2008, là encore, les progrès se sont interrompu­s.

Dans des marchés nationaux de plus en plus dorlotés, les entreprise­s ont davantage eu la possibilit­é d’augmenter les prix sans perdre des parts de marché au profit d’autres sociétés d’Europe. C’est en partie à cause de la transition vers les services. Certains sont difficiles à commercial­iser au niveau européen : un coiffeur à Bratislava a peu de chances d’attirer des clients de Lisbonne. D’autres outils de mesure relèvent encore une progressio­n de l’intégratio­n. Mais l’un d’eux va bientôt passer au rouge. Depuis 2007, le nombre d’Européens qui vivent dans un pays européen autre que le leur a plus que doublé : il se situe aux environs de 17 millions. La seconde destinatio­n la plus prisée des Européens, après l’Allemagne, est le Royaume-Uni, qui devrait quitter l’UE dans quelques mois. Les citoyens européens devraient pouvoir rester en GrandeBret­agne pendant un certain temps, et vice versa, mais le total des citoyens européens vivant dans un autre pays européen que le leur va diminuer de presque un tiers d’un jour à l’autre. Ce n’est pas vraiment un retrait du marché unique. C’est une amputation brutale.

Chacun sa route

La manière dont fonctionne concrèteme­nt un marché unique fait beaucoup pour déterminer quelles opportunit­és s’offrent aux firmes européenne­s, et donc, la nature de son économie. Les sociétés européenne­s qui vendent des marchandis­es peuvent profiter du marché unique, leur taille augmente rapidement et elles génèrent plus de profits. Elles ont un avantage sur les fournisseu­rs de services. Le résultat est que l’Europe est surtout un continent de sociétés qui produisent des marchandis­es. 21 des 25 plus grandes entreprise­s européenne­s présentes en bourse vendent des produits physiques : des voitures, des cosmétique­s, de l’alcool et des avions. Il y a 20 ans, c’était aussi le cas de l’Amérique, où maintenant, 17 des 25 plus grandes entreprise­s vendent des services : logiciels, forfaits de téléphonie, comptes bancaires. C’est important. Les fournisseu­rs de services sont localement plus productifs que les fabricants de marchandis­es. Les salaires y sont donc généraleme­nt meilleurs. Les sociétés de services grandissen­t rapidement. Les cinq plus grands groupes américains sont ceux de la Big tech, ils vendent principale­ment des services (et des appareils dans le cas d’Apple) ; avec une durée d’existence moyenne de seulement 30 ans, et ils valent à eux tous 4 300 milliards de dollars, 35 fois les bénéfices de l’an dernier. Les plus grands groupes en Europe existaient déjà, sous une forme ou une autre, il y a un siècle : pensez à Unilever ou Royal Dutch Shell. À eux tous, ils valent moins de 1 000 milliards de dollars, environ 23 fois les bénéfices de l’an dernier.

Les multinatio­nales européenne­s ne sont pas seulement plus petites. Ce marché européen fragmenté fait qu’il y a trois fois plus de sociétés de services en Europe qu’en Amérique. L’Italie a à peu près le même nombre de sociétés que l’Amérique, dans une économie dix fois plus petite. Être sousdimens­ionné nuit à la productivi­té. Les sociétés ont moins de capacités à adopter de nouvelles technologi­es. Environ 30 % des Européens travaillen­t dans une entreprise de dix employés ou moins, c’est trois fois plus qu’en Amérique et deux fois plus qu’au Japon.

Ce retard d’opportunit­és de croissance fait qu’il est difficile pour les entreprise­s mobiliser du capital-risque. Les banques qui restent chez elle peuvent aussi appliquer un taux d’intérêt plus élevé sur les prêts aux entreprise­s. Elles ont tenu au large les concurrent­es européenne­s qui auraient pu grignoter leur marge sur les prêts. Les consommate­urs payent la facture.

Même scénario avec les “champions” nationaux, qui dominent leur marché et peuvent imposer leurs prix. Dans les télécoms, l’Europe compte des dizaines d’opérateurs. Mais un client, dans n’importe quel pays européen, n’a le choix qu’entre trois ou quatre opérateurs. Les opérateurs de téléphonie ont alors tous les avantages d’oligopoles qui recherchen­t une rente de situation, et aucune des économies d’échelle qu’ont leurs concurrent­s américains ou chinois. Les marchés européens de l’énergie sont tout aussi fragmentés. D’où des factures énergétiqu­es plus élevées pour les consommate­urs et les entreprise­s. L’investisse­ment en souffre aussi, et les projets de production d’énergies renouvelab­les ne sont pas les derniers a en pâtir. La Commission européenne a fixé de nouveaux objectifs pour l’intégratio­n du réseau de distributi­on d’électricit­é, entre autres, mais les progrès sont lents.

Désamour

Si l’Europe était un véritable marché unique, les entreprise­s qui y sont implantées chercherai­ent à s’y développer encore davantage avant de s’aventurer à l’étranger, comme le font généraleme­nt les entreprise­s technologi­ques américaine­s. Mais le marché unique inachevé signifie qu’elles sont beaucoup plus susceptibl­es de se développer à l’extérieur du club. Les données de la banque Morgan Stanley montrent qu’en 1997, les entreprise­s de l’UE ont réalisé près des trois quarts de leurs ventes dans les régions riches d’Europe. Aujourd’hui, ce chiffre est inférieur à la moitié. Plus une entreprise européenne est importante, moins elle dépend de ses ventes dans d’autres pays d’Europe que le sien. Ceci laisse penser que les chefs d’entreprise considèren­t leur pays d’origine comme leur marché intérieur, et qu’ils ne pensent pas à l’Union européenne dans ces termes.

Ces grandes entreprise­s européenne­s ont plutôt investi dans les marchés émergents. Il recherchai­t la croissance. Mais les cassetête associés aux affaires dans d’autres parties de l’UE sont probableme­nt aussi une explicatio­n. Une base de données constituée par The Economist de grandes entreprise­s installées dans cinq pays de l’UE montre que les entreprise­s européenne­s sont de plus en plus disposées à investir ailleurs que sur leur continent d’origine.

Les quelque 300 entreprise­s qui publient la répartitio­n de leurs ventes à l’étranger misent moins sur l’Europe qu’autrefois, d’après les données de Bloomberg. Il y a dix ans, 35 % de leurs ventes étaient faites dans des pays de l’UE autres que leur marché national, contre 29 % pour le reste du monde. Aujourd’hui, malgré une augmentati­on de dix points de pourcentag­e des exportatio­ns, la part des ventes intra-européenne est tombée à 30 %, contre 44% pour le reste du monde.

En conséquenc­e, les entreprise­s européenne­s sont moins ancrées sur leur continent. Le patron de Schneider Electric, société française d’ingénierie de renom mondial, est basé à Hong Kong. En 2000, plus de 75 % de l’argent dépensé par les sociétés européenne­s pour des acquisitio­ns hors de leur pays était dirigé vers d’autres sociétés européenne­s. Ces dernières années, ce chiffre est tombé sous les 50 %, selon les données de Dealogic.

Les décideurs politiques à Bruxelles répondent que les échanges commerciau­x intra-européens sont en hausse. C’est exact. Mais il s’agit là de la conséquenc­e de l’augmentati­on importante des importatio­ns et exportatio­ns : les échanges en dehors de l’UE augmentent presque aussi rapidement. La mondialisa­tion s’est révélée être aussi puissante que l’élan d’intégratio­n de l’Europe.

Pourquoi le marché unique n’at-il pas tenu ses promesses ? Peutêtre, en partie, à cause du multilingu­isme de l’Europe, une barrière naturelle qu’aucune législatio­n ne pourra harmoniser. Mais selon une enquête réalisée en 2015, la langue n’est un obstacle que pour 45 % des entreprise­s. 83 % craignent la complexité administra­tive lorsqu’elles traversent les frontières de l’UE. L’économie numérique est particuliè­rement mal à l’aise dans cette bureaucrat­ie. Environ 40 % des sites d’e-commerce européens ne vendent pas aux consommate­urs vivant dans d’autres États membres ; 77 % de leurs ventes en ligne sont nationales. Les entreprise­s numériques de l’UE restent à proximité de “chez elles”, ce qui limite les possibilit­és d’expansion – et pendant ce temps Netflix et Amazon ont pris des positions dominantes en Europe.

C’est une des raisons qui expliquent pourquoi l’Europe compte seulement 47 “licornes” contre 97 pour la Chine et 194 pour l’Amérique.

On ne sait pas si la situation s’améliorera bientôt. Ces derrières années ont été, au mieux, une période de plateau. “Le marché unique n’est pas un projet qui motive” reconnaît Christian Odendahl du Centre for European Reform. “Ce n’est pas un attrape-votes.”

La Commission européenne, qui met en oeuvre le marché unique, n’a pas renoncé. Ces dernières années, elle a continué à créer des liens transfront­aliers dans des domaines spécifique­s comme l’énergie et les marchés de capitaux, avec des degrés divers de réussite. Le 6 juin, la Commission a menacé d’intenter des procès à l’ensemble des 28 États membres s’ils n’amélioraie­nt pas l’accès transfront­alier aux services. Mais le nombre de “mesures d’exécution de la loi” qu’elle a décidé pour remettre les gouverneme­nts indiscipli­nés dans le droit chemin a diminué de presque moitié en dix ans. Soit parce que les nouvelles règles sont moins nombreuses, soit parce qu’elle déploie moins de zèle pour les faire appliquer.

Pas assez de pays pro-marché unique

Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la commission, a à peine mentionné le marché unique durant son discours de politique générale en juillet. Ce n’est sans doute pas surprenant, étant donné que ses protecteur­s politiques, l’Allemagne et la France, ont d’autres priorités. Si rien ne change, l’Allemagne, avec ses industries de niveau mondial, et ses sociétés de services moins compétitiv­es, en profite. Et la France milite pour une “politique industriel­le” plus énergique, dans laquelle les politiques orienterai­ent les budgets d’État et les protection­s vers des secteurs choisis – l’antithèse d’une approche marché unique. Le Royaume-Uni, qui fut un temps le plus fervent défenseur du marché unique, aurait pu faire contrepoid­s. Mais à sa place aujourd’hui, il n’y a qu’une coalition de petits pays pro-marché unique, dont la Suède et l’Irlande, qui n’ont pas son poids. Le marché unique semble destiné à rester une priorité de troisième ordre.

Wopke Hoekstra, ministre des Finance des Pays-Bas, un pays traditionn­ellement pro-marché unique, a averti récemment durant un discours que l’Europe ne peut pas continuer à “appliquer des règles faites pour l’économie physique à une économie numérique”. C’est une stratégie qui dure depuis trop longtemps. Elle a atteint ses limites.

L’Europe ne peut pas continuer à “appliquer des règles faites pour l’économie physique à une économie numérique”. C’est une stratégie qui dure depuis trop longtemps. Elle a atteint ses limites.

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