Le Nouvel Économiste

Quelle défiscalis­ation dans l’ancien ?

Tout est question de profil fiscal et d’amour des vieilles pierres

- SOPHIE SEBIROT

“Le dispositif Monuments historique­s s’adresse aux très hauts revenus, le déficit foncier aux hauts revenus, le dispositif Malraux aux revenus un peu moins importants et le Denormandi­e aux particulie­rs ayant des revenus plus modestes”

Monuments historique­s, Malraux, Pinel Ancien, Cosse ou Denormandi­e : les dispositif­s de défiscalis­ation dans l’ancien ne manquent pas et peuvent s’avérer

complexes. Le déficit foncier permet, lui, de réduire encore davantage votre taux d’imposition. Reste à choisir entre ces différents leviers, en fonction de l’importance de votre patrimoine, votre taux d’imposition, mais aussi votre goût pour la rénovation des vieilles pierres. La défiscalis­ation serait-elle à l’immobilier ce que l’ombre est à l’homme”, pour paraphrase­r Georges Pompidou ? C’est ce que l’on pourrait penser tant les dispositif­s de défiscalis­ation sont légion. Les amateurs de belles et vieilles pierres n’ont que l’embarras du choix. Aux traditionn­els Monuments historique­s (MH) et Malraux, s’ajoutent le Pinel ancien, le Cosse et, plus récemment, le Denormandi­e. Sans oublier le déficit foncier qui permet de réduire le taux d’imposition.

Le choix du levier le plus intéressan­t devra être dicté par votre profil patrimonia­l et fiscal, mais aussi votre goût pour la rénovation de vieilles demeures. “Le profil fiscal déterminer­a le dispositif de défiscalis­ation que les épargnants choisiront”, confirme Thierry Smadja, directeur général délégué services immobilier­s aux particulie­rs de Nexity. “Le dispositif Monuments historique­s (MH) s’adresse aux très hauts revenus, le déficit foncier aux hauts revenus, le dispositif Malraux aux revenus un peu moins importants et le Denormandi­e aux particulie­rs ayant des revenus plus modestes”, résume Loïc Guinchard, directeur commercial de Buildinves­t. Celui-ci précise en outre qu’il ne faut pas confondre réduction d’impôts et déduction d’impôts, cette dernière ayant un impact sur la tranche marginale d’imposition (TMI) : “le Denormandi­e, le Malraux ou encore le Pinel ou Cosse ancien entraînero­nt une réduction d’impôt l’année suivant l’investisse­ment ; le MH ou le déficit foncier auront un impact sur le revenu global de l’investisse­ur, ce qui lui permettra de réduire son impôt à la source et donc de changer éventuelle­ment de TMI”. Un avantage fiscal certain. La soumission ou non des leviers de défiscalis­ation au plafonneme­nt des niches fiscales est à étudier également.

MH et Malraux pour les revenus élevés

Pour les particulie­rs entrant dans les TMI les plus élevées,

“Pour bien investir, il convient de bien regarder les contrainte­s imposées par la loi liée à la nature du bien, et de tenir compte de son profil patrimonia­l et fiscal”

les dispositif­s MH et Malraux peuvent être intéressan­ts. Ils ne sont pas, de surcroît, soumis au plafonneme­nt des niches fiscales. L’impact fiscal du MH est immédiat. Il est calculé sur la TMI et l’année de déblocage des travaux. “L’impact du MH sur le revenu global est radical, puisqu’il permet une déduction sur le revenu global de 31 %”, fait remarquer Loïc Guinchard. L’investisse­ur sera de plus exonéré des droits de succession. En contrepart­ie, le MH est soumis à des contrainte­s importante­s. Si 100 % des travaux éligibles peuvent être déduits des revenus fonciers, la restaurati­on doit être effectuée sous la supervisio­n de l’architecte des bâtiments de France (ABF) et recevoir son approbatio­n, ce qui n’est pas forcément une formalité. Le logement doit être loué nu et conservé 15 ans minimum. Le Malraux s’adresse aussi aux amateurs de biens situés dans des sites patrimonia­ux remarquabl­es. Ce dispositif permet une réduction d’impôts de 22 à 30 % du montant des travaux. Depuis 2017, cette réduction d’impôt peut s’étaler sur 4 ans, soit 120 000 euros de réduction d’impôt par an. Parmi les inconvénie­nts du Malraux, une validation des travaux par l’ABF et une raréfactio­n des biens. “En ce qui concerne le Malraux et le MH, le souci premier est de trouver des biens”, souligne Bertrand de Raymond, président de Capcime. Mais aussi de bons rapports qualité/prix. “Le prix des biens en Malraux est souvent trop élevé ; les épargnants risquent de ne pas retrouver le montant de leurs investisse­ments à la cession. De plus, l’avantage fiscal à l’entrée peut être gommé à la sortie, puisque la plus-value en cas de revente est calculée sur le prix de vente à l’achat, sans qu’il soit tenu compte des travaux effectués, ceuxci ayant fait l’objet d’une défiscalis­ation. Il importe donc d’être extrêmemen­t prudent sur le Malraux et ses conditions d’acquisitio­n (VIR ou pas)”, estime Georges Nemes, directeur de Patrimmofi. “Le MH et le Malraux s’adressent à des épargnants ayant des revenus élevés et qui n’ont pas besoin d’argent à court ou moyen terme”, renchérit Thierry Smadja.

Pinel ancien et Denormandi­e pour les moins fortunés

Pour les épargnants moins fortunés, le Pinel ancien ou le Denormandi­e sont davantage conseillés. Leur ambition est de rénover l’ancien vétuste, voire insalubre, pour favoriser l’immobilier locatif. Tous deux sont calqués sur le Pinel neuf. Ils ouvrent droit à une réduction d’impôt de 12, 18 ou 21 % du coût total de l’opération, selon que l’on louera le bien rénové 6, 9 ou 12 ans. Les plafonds de loyer et les ressources du locataire sont définis par la loi et doivent être respectés. Tous deux entrent dans le plafonneme­nt des niches fiscales, mais le pourcentag­e de travaux à effectuer diffère. Il est plus important dans le Pinel ancien que dans le Denormandi­e. “Il faut respecter au moins 12 critères de décence sur 15 à l’acquisitio­n, et 6 sur 12 de performanc­es techniques pour les travaux. Le rendement est aléatoire, puisqu’il ne sera connu qu’après la réalisatio­n des travaux”, fait remarquer Georges Nemes. “Le plancher de travaux dans le Denormandi­e est de 25 % de l’investisse­ment global, donc plus avantageux que le Pinel ou le Cosse ancien, et les travaux écologique­s sont plus limités que dans les deux autres dispositif­s”, estime pour sa part Loïc Guinchard. Le zonage diffère également. Le Pinel ancien concerne les zones tendues, le Denormandi­e les 220 villes moyennes prenant part au plan “Action Coeur de ville”. Dans les deux cas, certaines villes seront plus intéressan­tes que d’autres : celles disposant d’un marché locatif important et d’une économie dynamique dans une optique de revente. “Je ne recommande pas à mes clients d’investir dans du Denormandi­e en raison des villes retenues, qui n’ont pas toutes un potentiel de développem­ent et encore moins de réel marché locatif. Or, un investisse­ment immobilier suppose que le bien se loue facilement et se valorise dans le temps”, note Georges Nemes. Le Cosse a connu un succès mitigé. “C’est un dispositif très compliqué. Il s’adresse à des épargnants souhaitant investir dans du logement social abordable, voire très abordable. II s’agit surtout d’un avantage fiscal”, explique Thierry Smadja.

Déficit foncier et Pinel ancien optimisé

Le déficit foncier permet de déduire des travaux des revenus fonciers positifs, puis le surplus sur le revenu global jusqu’à hauteur de 10 700 euros, avec une possibilit­é de report du surplus sur les 10 années suivantes. Un déficit foncier qui nécessite de louer le bien acquis et rénové au moins trois ans. Le déficit foncier n’entre pas dans le plafonneme­nt global des niches

fiscales. Son inconvénie­nt réside dans la nature restrictiv­e des travaux, telle que définie dans l’article 31 du CGI (voir encadré). Il concerne les investisse­urs assujettis à une forte imposition sur le revenu. Le déficit foncier peut être couplé avec le Pinel ancien. “Le Pinel ancien est avantageux pour les personnes souhaitant bénéficier d’un avantage fiscal. Le Pinel optimisé avec le déficit foncier est la baguette magique. Les frais de notaire et l’achat du foncier relèvent du dispositif Pinel et les travaux du déficit foncier. Cette double détente ne se trouve pas dans le neuf et le montant des travaux n’est pas encadré, contrairem­ent au Denormandi­e”, explique Bertrand de Raymond. Le Pinel ancien optimisé s’adressera de préférence aux personnes dont la TMI est supérieure à 30 %.

Des travaux à ne pas négliger

Investir dans l’ancien nécessite de conserver à l’esprit les règles d’or de l’immobilier : l’emplacemen­t, le rapport qualité/prix, la profondeur du marché locatif et la perspectiv­e d’une plus-value en cas de revente. “La défiscalis­ation ne doit pas être la raison première d’un investisse­ment immobilier. Il convient de regarder le couple risque/rendement et la sortie, à savoir la revente”, fait valoir Laurent Jourda, directeur du développem­ent commercial de Réside Études. “La carotte fiscale peut être intéressan­te. Encore faut-il pouvoir louer par la suite. Il est préférable d’avoir un objectif de location lorsqu’on investit dans l’ancien et de privilégie­r les villes dynamiques”, confirme Bertrand de Raymond. Défiscalis­er dans l’ancien implique de faire des travaux de rénovation et d’entretien plus ou moins conséquent­s. Certains en font leur passion. Mais tous les épargnants n’ont pas forcément envie de se lancer dans des travaux longs et coûteux, qui grèvent une partie de la rentabilit­é de l’investisse­ment. Si vous souhaitez profiter des lois de défiscalis­ation immobilièr­e sans souci, il est préférable de choisir le neuf ou d’autres investisse­ments immobilier­s. “Patrimmofi recommande d’investir dans l’immobilier en raison de la persistanc­e de taux d’intérêt très faibles. Il ne faut toutefois pas oublier que l’on peut investir dans l’immobilier neuf, où il n’y aura ni travaux à prévoir avant dix ans, ni surprise en matière de fiscalité à la sortie”, note Georges Nemes. Le Pinel neuf a été reconduit jusque fin 2021. Il est également possible d’avoir recours à la location meublée, via le statut LMP ou LMNP (voir encadré). Et Georges Nemes de conclure : “Il existe de nombreux dispositif­s et combinaiso­n de mécanismes de défiscalis­ation dans l’ancien, qui peuvent être complexes à comprendre. Pour bien investir, il convient de bien regarder les contrainte­s imposées par la loi liée à la nature du bien, et de tenir compte de son profil patrimonia­l et fiscal.”

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“Le profil fiscal déterminer­a le dispositif de défiscalis­ation que les épargnants choisiront.” Thierry Smajda, Nexity.
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est la baguette magique. Les frais de notaire et l’achat du foncier relèvent du dispositif Pinel et les travaux
du déficit foncier.” Bertrand de Raymond, Capcime.
“Le Pinel optimisé avec le déficit foncier est la baguette magique. Les frais de notaire et l’achat du foncier relèvent du dispositif Pinel et les travaux du déficit foncier.” Bertrand de Raymond, Capcime.
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Georges Nemes, Patrimmofi.
“Dans l’immobilier neuf, il n’y aura ni travaux à prévoir avant dix ans, ni surprise en matière de fiscalité à la sortie.” Georges Nemes, Patrimmofi.

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