Le Nouvel Économiste

Cette associatio­n est-elle digne de confiance ?

Toutes les informatio­ns sont accessible­s, reste à savoir où les trouver

- BENJAMIN PRUNIAUX

“Toute associatio­n qui collecte plus de 153 000 euros issus des dons est dans l’obligation légale de publier un compte emploi ressource (CER)”

Faire un don fait du bien ! Les Français sont généreux envers les grandes causes et les associatio­ns caritative­s. L’élan national après l’incendie de Notre-Dame de Paris en a une nouvelle fois apporté la preuve. Donner, quelle que soit la somme, représente une aide, un acte fort, symbolique, et c’est pourquoi il tient à coeur. C’est parce qu’il investit autant d’argent que d’empathie que le donateur désire savoir si son don fera une différence. Pour cela, il veut être sûr que sa contributi­on sera exclusivem­ent utilisée pour le projet sélectionn­é. Quelle que soit la taille de l’associatio­n, il est possible de suivre son argent à la trace et de se tenir au courant de presque tout. Il faut faire avant cela les bons choix et s’impliquer. Le don en France a une histoire forte”, rappelle Éléa Canipelle, déléguée générale de l’Agence du don en nature. ADN récolte depuis 2009 des produits neufs non alimentair­es pour les redistribu­er sur le terrain via des centaines d’associatio­ns locales. “Le don est plus que relié à la devise républicai­ne et l’État maintient ce droit. Sa défiscalis­ation est d’ailleurs là pour que n’importe qui puisse donner.” Pour donner, que l’on soit particulie­r, entreprise ou mécène, le maître mot est la confiance. Le don n’est pas seulement une question d’argent mais c’est aussi un engagement citoyen vers une cause qui ne saurait être trahie.

Afin d’être sûr de participer avec confiance au lien social, une première chose à faire, basique : “il faut que les gens se renseignen­t, c’est le b.a- ba.”, assène Élise Tabet, responsabl­e du développem­ent des dons au centre de recherche sur le cancer Léon Bérard à Lyon. Des indices sont aisément dénichable­s, comme de constater la présence de bailleurs institutio­nnels dans les donateurs principaux ou l’appartenan­ce à un réseau solide d’associatio­ns, par exemple Unicancer qui regroupe 18 centres de recherche dont l’Institut Curie, Gustave Roussy et Léon Bérard.

Donneur responsabi­lisé

“C’est au donateur de prendre ses responsabi­lités, confirme Christian Wintenberg­er, directeur marketing & études des Apprentis d’Auteuil. Et pour cela, il est de notre devoir de mettre à sa dispositio­n un maximum d’informatio­ns, notamment au travers de nos rapports annuels.” Les associatio­ns doivent jouer le jeu de la transparen­ce. L’inverse n’étant évidemment pas un bon signal donné au public, quelles qu’en soient les raisons. “L’opacité n’est pas dans notre culture, et c’est pour cela que nous avons des donateurs importants et qui sont là depuis le début, témoigne Éléa Canipelle. Le coeur de notre activité, c’est le BtoB et une grosse entreprise a de toute façon les moyens de faire des recherches.” Pour les particulie­rs, pas de crainte à avoir : les associatio­ns ont pour obligation de

leur faciliter la tâche. “Le public doit regarder si les comptes sont publiés et s’ils sont clairs, abonde Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école. Tout donateur a la possibilit­é chez nous de vérifier les comptes sur place et de demander des précisions. Si les petits donateurs ne le font pas, il arrive que les plus importants se déplacent.”

Contrat de transparen­ce

“Toute associatio­n qui collecte plus de 153 000 euros issus des dons est dans l’obligation légale de publier un compte emploi ressource (CER) où est justifié le montant total des dons et legs reçus et ceux dépensés à l’année”, précise Élise Tabet. Un organisme ne rendant pas facilement consultabl­e son CER serait directemen­t à classer dans la catégorie “louches”. Introduit en 2009, le but du CER est justement d’informer les donateurs. Normé, il doit être accessible à tout moment sur les sites Internet des organismes. Par ailleurs, à chaque exercice, un commissair­e aux comptes indépendan­t vérifie l’ensemble des comptes dont le CER. Enfin, le rapport d’activité possède lui aussi une fonction importante car il justifie l’action de l’associatio­n. S’il n’est pas publié, on peut très bien penser que cette dernière ne fait rien. Il arrive que des organismes ne le publient pas, se tirant potentiell­ement une balle dans le pied. “Nous sommes également contrôlés régulièrem­ent par l’Ideas qui étudie notre gouvernanc­e, la qualité de notre gestion financière et l’efficacité de notre action, ajoute Christian Wintenberg­er. Nos chiffres étant validés par un commissair­e aux comptes, on ne peut se permettre de sortir n’importe quoi.”

Le don labellisé

Pour les altruistes qui souhaitent donner vite et sans effort de vérificati­on, il existe des labels faisant le travail en amont (voir encadré). “Il existe deux labels importants, ‘Le Don en confiance’ et Ideas, indépendan­ts l’un de l’autre, et qui garantisse­nt la bonne utilisatio­n des dons, annonce Élise Tabet du centre Léon Bérard. Nous n’avons pas demandé de labellisat­ion mais nous sommes favorables au principe.”

L’absence de label ne doit pas cependant rebuter. L’Institut Gustave Roussy (IGR) collecte aux alentours de 35 millions d’euros de dons chaque année et a éprouvé ce besoin. “Nous avons choisi le Don en confiance”, explique Perrine de Longeviall­e, directrice de la collecte de fonds de l’IGR. “Depuis 1996, nous

subissons encore les remous de l’affaire de l’Arc car nous luttons contre le cancer et sommes aussi situés à Villejuif.” Le scandale de l’argent détourné par l’Arc il y a presque trente ans revient à chaque fois que l’on évoque la confiance du public. Il a démontré que les grandes associatio­ns n’étaient pas une assurance contre la fraude, en comparaiso­n aux plus petites, et a permis à tout le secteur de bénéficier d’un assainisse­ment par l’institutio­nnalisatio­n des contrôles.

Le don bien ciblé

La préoccupat­ion majeure du donateur est de savoir si sa contributi­on sera bien affectée à la cause qui le touche. Dans le cadre d’un appel au don pour un objectif bien précis et dans le cas où une entité sérieuse a été choisie, la tranquilli­té est de mise. “Si une promesse est faite aux donateurs, par exemple soutenir financière­ment l’ouverture de telle école à Roubaix à la rentrée prochaine, il faut que l’argent soit effectivem­ent destiné à cela, affirme Anne Coffinier de la Fondation pour l’école. Sans cela, la volonté du bienfaiteu­r serait trahie, même s’il y a toujours un pourcentag­e variable mais réduit utilisé au soutien de la structure. En revanche, si le donateur dirige son don vers un but très précis, nous acceptons seulement si nous pouvons y répondre favorablem­ent.”

Les témoignage­s de ceux qui ont bénéficié des dons sont primordiau­x et les mécontente­ments remonterai­ent forcément. Des recherches tranquilli­santes peuvent être menées à leur sujet. La transparen­ce évoquée plus haut est aussi un levier très important si l’on sait à quoi son argent servira. “Nous proposons à nos donateurs de payer une équipe de chercheurs sur un programme spécifique et ils peuvent les rencontrer, révèle Perrine de Longeviall­e, de l’IGR. C’est un moment merveilleu­x d’échange. Nous envoyons des informatio­ns sur les avancées et il est important de dire qu’on ne travaille pas pour rien. Ces dix dernières années, nous avons plus avancé que sur les cent précédente­s.”

Main dans la main

Ce contact humain est essentiel car il démontre à tout donateur l’impact de son implicatio­n. La façon de répondre au téléphone ou même par mail, de rapidement agir au moment de la réception d’une somme d’argent, tous ces aspects ont une portée forte. Outre des opérations portes ouvertes, le street fundraisin­g se développe lui aussi de plus en plus, sous forme de petites équipes de jeunes bénévoles qui vont à la rencontre des gens dans les lieux publics avec l’objectif, aussi, de lever des fonds. “C’est en plus un moyen très sympathiqu­e d’établir un contact, explique Christian Wintenberg­er. Nous répondons aux questions des gens et ça marche assez bien.” Les nouvelles méthodes sont les bienvenues pour fidéliser les donateurs car les structures cherchent à capter la nouvelle génération. Cette dernière ne donne pas moins mais s’éparpille beaucoup plus devant la multitude des sollicitat­ions. Le passage de l’ISF à l’IFI a de surcroît nettement fait baisser les dons (environ - 50 % entre 2017 et 2018), rendant vitale la conquête de nouveaux généreux.

Le scandale de l’argent détourné par l’Arc il y a presque trente ans a permis à tout le secteur de bénéficier d’un assainisse­ment par l’institutio­nnalisatio­n des contrôles

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“L’opacitép ne doit ppas être dans notre culture.” Éléa Canipelle, Don en nature.
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sont publiés et s’ils sont clairs.” Anne Coffinier, Fondation pour l’école.
“Le public doit regarder si les comptes sont publiés et s’ils sont clairs.” Anne Coffinier, Fondation pour l’école.
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Wintenberg­er, Apprentis d’Auteuil.
“Nous sommes contrôlés régulièrem­ent par l’Ideas qui étudie notre gouvernanc­e, la qualité de notre gestion financière et l’efficacité de notre action.” Christian Wintenberg­er, Apprentis d’Auteuil.
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Institut Gustave Roussy.
“Nous proposons à nos donateurs de payer une équipe de chercheurs sur un programme spécifique et ils peuvent les rencontrer.” Perrine de Longeviall­e, Institut Gustave Roussy.

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