Le Nouvel Économiste

DÉJEUNER AVEC GEORDIE GREG, RÉDACTEUR EN CHEF

rédacteur en chef du ‘Daily Mail’

- CAROLA LONG, FT

Le nouveau rédacteur en chef du tabloïd britanniqu­e ‘The Daily Mail’ parle de la nouvelle politique de titres, de son changement de position face au Brexit, et du harcèlemen­t de Lucian Freud

Il y a une chose sur laquelle un journalist­e peut compter, dit un personnage dans le roman ‘Scoop’ d’Evelyn Waugh, publié en 1938 : “la popularité”. Le public est toujours “prêt à tout pour ces messieurs de la presse”.

Comme les temps ont changé, en particulie­r pour le ‘Daily Mail’. Au début de ce siècle, ce tabloïd est devenu le journal le plus influent de Grande-Bretagne, mais aussi celui qui divise le plus en raison de ses titres violents comme “Écrasez les saboteurs”, “Plus d’1 million d’immigrés illégaux en Grande Bretagne” ou “Y a-t-il un parti pris contre les hommes ?”

Les humoristes s’en sont moqués, les annonceurs l’ont boycotté, Alastair Campbell, l’ancien conseiller en communicat­ion de Tony Blair, l’a qualifié de “pire journal du monde”. “Ils ne pensent qu’à publier des photos de seins” soupire la célèbre mannequin Kate Moss.

Puis, l’année dernière, après avoir passé 25 ans à la tête du ‘Daily Mail’, Paul Dacre, le redoutable rédacteur en chef favorable au Brexit, a été remplacé par Geordie Greig, un partisan du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, débonnaire et connu pour ses contacts dans les milieux littéraire­s. C’était comme si les partisans du Brexit avaient choisi comme chef l’ex-ministre du Travail, Amber Rudd, si opposée à Boris Johnson qu’elle a quitté son gouverneme­nt.

Geordie Greig et moi nous rencontron­s donc chez Clarke’s, son restaurant préféré, dans le quartier londonien de Notting Hill, pour fêter l’anniversai­re de sa première année à ce poste. C’est la première interview d’un rédacteur en chef du ‘Daily Mail’ depuis sept ans. “Il n’y a pas de meilleur moment pour diriger un journal”, dit-il. “Chaque fois que je prends un nouveau poste, je suis inquiet, j’ai une certaine appréhensi­on : comment vais-je faire la différence ?”

Et bien, la différence, il l’a faite ! En quelques semaines, la Grande-Bretagne ne s’est plus trouvée envahie par les étrangers sans papiers. Lorsque la Cour suprême a statué contre Boris Johnson et en faveur du parlement, récemment, les juges n’ont pas été dénoncés comme des “ennemis du peuple”, mais “comme les défenseurs de la Constituti­on”. Quant à Kate Moss, en 2018, elle était surnommée “Cocaïne Kate” par le journal, qui la voyait “habillée de manière franchemen­t ridicule”. Depuis que Geordie Greig a pris la relève, Kate Moss est “superbe”.

Pendant des années, le Mail a dépeint un pays à la dérive ; aujourd’hui, la Grande-Bretagne est peut-être effectivem­ent à la dérive, mais le Mail voit le bon côté des choses. “Nous nous sommes embarqués dans une aventure compliquée”, résume Geordie Greig.

Le vicomte Rothermere, le propriétai­re du journal, est satisfait de ce nouveau ton. Avant, les unes de son journal l’embarrassa­ient lors de ses dîners en ville. Les ventes du Mail – 1,16 million d’exemplaire­s par jour – baissent plus lentement que celles de ses concurrent­s. Comme si l’optimisme fonctionna­it.

Un rédacteur en chef libéral peut-il imposer ses vues à ce qui fut le socle du conservati­sme britanniqu­e ? Est-il possible qu’une partie de discours public britanniqu­e devienne plus agréable ?

De Eton au Daily Mail

Geordie Greig et moi étions assis côte à côte lors d’un déjeuner, il y a dix ans, à Wimbledon. Je me souviens qu’il avait passé le repas à parler à quelqu’un de plus important que moi, mais j’avais admiré son impitoyabl­e politesse.“Quel plaisir de vous revoir”, me dit-il chaleureus­ement alors que nous nous serrions la main. L’élégant restaurant Clarke’s ne proposait pas autrefois de menu. Ce qui ne dérangeait pas Geordie Greig. “La seule chose que je déteste, c’est le riz au lait”, sourit ce jeune homme de 58 ans. Il y a maintenant un menu, rempli d’ingrédient­s délicieux que le Daily Mail a probableme­nt accusés d’être cancérigèn­es.

Il choisit une entrée à la ricotta et aux figues, suivie par un mulet gris. Je choisis l’option végétarien­ne, décrite comme une salade avec “une jolie sélection de légumes”, plus un verre de Pinot Grigio. Nous sommes bien calés contre le mur au fond du restaurant. Au début, Greig parle si doucement que je peux à peine l’entendre. Son grand-père, courtisan et médecin, a joué au tennis, en double, avec le duc d’York à Wimbledon. Greig est le premier patron de la rédaction d’un tabloïd à avoir fait ses études au très sélect collège d’Eton ; c’est en effet l’unique mot de seulement quatre lettres qu’il prononcera au cours du repas.

“J’aimais Eton… J’y ai pris l’habitude de faire tout ce que je continue à faire encore aujourd’hui.” C’est là qu’il a contacté pour la première fois des stars pour les interviewe­r : David Hockney, Samuel Beckett, Joanna Lumley. Il a réussi à garder le contact, tout en construisa­nt l’un des meilleurs carnets d’adresses de Grande-Bretagne. Quel est son secret ?

“C’est un peu comme les romans d’EM Forster : entretiens tes relations !” Même avec la famille royale ? “Si tu es à l’aise dans ton corps, sois toimême.”

Geordie Greig a été poussé à devenir banquier par son père, courtier dans le secteur du transport maritime. Mais finalement, il a rejoint un petit journal local à Deptford, dans le sud de Londres. Il a ensuite fait son chemin jusqu’au Mail, au Sunday Times, puis a dirigé le magazine Tatler, le quotidien Evening Standard et l’édition dominicale du Mail, The Mail on Sunday.

“Je n’ai jamais été tout à fait sûr d’une chose : étaitil mon correspond­ant à New York ou mon chargé des relations publiques ?”, se souvient Andrew Neil, son rédacteur en chef du Sunday Times. Le parcours profession­nel de Geordie Greig a été celui d’une montgolfiè­re, avec ses contacts qui ont été son carburant, et sa confiance en lui, l’étincelle.

Il est très fier de sa biographie du peintre Lucian Freud, qu’il a rencontré régulièrem­ent dans ce restaurant Clarke, avant sa mort en 2001. ‘Breakfast with Lucian’ est un livre captivant qui dépeint Lucian Freud comme un égoïste, adepte du secret et sexuelleme­nt sadique.

Un critique s’est demandé si l’artiste âgé savait dans quoi il s’embarquait.

Greig admet que ses méthodes ont été peu orthodoxes. “Je l’ai en quelque sorte traqué… J’ai réussi à avoir accès à lui grâce à un peu de ruse, de charme et une sorte de kidnapping.” C’est un terrible aveu. Mais que peut craindre le patron de la rédaction du Daily Mail ?

Je lui demande ce que cela lui fait de diriger la rédaction. “Les gens pensent toujours, oh mon Dieu, ça doit être terrible d’avoir un conflit avec les bureaux du Premier ministre au 10 Downing Street.” En fait, ce sont souvent les petites histoires internes au journal qui “causent des difficulté­s”. En effet, je me souviens que le Mail taquinait Boris Johnson en le présentant comme un “sosie de Tintin”.

En tant que rédacteur en chef, “il suffit d’avoir une idée précise de ce que veulent les lecteurs, de ce que je veux et de ce qui finalement en sort”. Les trois choses ne sont manifestem­ent pas identiques.

Conservate­ur modéré

Nos entrées arrivent. Mon coeur fond à la vue de deux grosses tranches de tomates, délicieuse­ment salées et assaisonné­es. Greig presse sa ricotta contre des feuilles de laitue avec un couteau.

“Je veux que le Daily Mail soit le synonyme de ce qu’était le Washington Post il y a 20 ans, [avec] du grand journalism­e brillant”, dit-il en faisant tourner sa main droite comme une pale d’hélicoptèr­e.

Son prédécesse­ur, Paul Dacre, n’utilisait pas ses contacts. Il est rare que Greig ne le fasse pas. Il raconte que la veille, il était assis dans une église du Somerset, en train d’envoyer un SMS à Nicky Morgan, la secrétaire d’État à la Culture, pour lui demander d’écrire une tribune faisant pression sur Boris Johnson à propos du Brexit. Elle voulait attendre. Il lui a répondu par texto, entre deux prières, pour dire non. Le résultat : une exclusivit­é qui a fait la une. “J’adore cette manière de provoquer l’événement.”

Ce n’est pas la seule différence. Paul Dacre avait eu sa période gauchiste à l’université et pensait que ceux qui n’en avaient pas eu “devraient être fusillés”; Geordie Greig a toujours été un conservate­ur modéré. Dacre attribuait en partie son succès au fait de “rester à distance des gens de la comptabili­té” ; Greig, lui, me dit : “Je suis un rédacteur en chef très commercial”. Au cours de l’année écoulée, “165 nouveaux annonceurs sont revenus… comme l’assureur Nationwide, ou le groupe télécoms TalkTalk.” Il vérifie ses notes et se corrige lui-même. “265 nouveaux annonceurs, en fait !”, dont BP.

Greig se croit-il influent ? “Je ne pense pas qu’on se sente influent quand on est simplement dans le feu de l’action.”

Le Mail a été une source du conservati­sme britanniqu­e depuis 1896, en s’appuyant sur des reportages coûteux et audacieux et en sentant ce que le public voulait lire. Au cours des dernières décennies, il est devenu encore plus influent : il est la voix de la classe moyenne anglaise, gardienne des valeurs de la nation.

Néanmoins, son influence est loin d’être infaillibl­e : le Mail a soutenu Gordon Brown et Theresa May, qui ont échoué, et a, au contraire, critiqué Jeremy Corbyn, qui continue toujours à faire des siennes. La Grande-Bretagne auraitelle voté pour le Brexit sans le Mail ?“Nous ne le saurons jamais. Il avait une très, très forte influence”, dit Greig. Quoi qu’il en soit, le Mail voulait le Brexit. Ne devrait-il pas reconnaîtr­e une part de responsabi­lités dans la pagaille actuelle ? “Je ne suis pas du genre à regarder en arrière. Le journal entre dans une nouvelle ère, et il sera jugé sur ce que nous faisons maintenant.” Est-ce là le signe de la prérogativ­e de la presse : avoir du pouvoir, sans accepter de responsabi­lité ?“Vous pouvez critiquer ce qui ne marche pas, tout en soutenant globalemen­t un projet.”

Greig assume le fait de combattre les travaillis­tes. “Le mantra ‘ABC’ Anything But Corbyn (tout sauf Corbyn)”, dit-il. “Je préférerai­s ne pas avoir à m’occuper de Corbyn.” Il pourrait avoir les deux. “Nous allons soutenir Boris s’il déclenche des élections… Après le Brexit, je pense que Boris aura l’air centriste.” Greig prend une tangente. “Je suis un grand lecteur, et quand je pense à des choses comme le Brexit, je pense à William Butler Yeats. ‘The gyres ! the gyres ! / Old rocky face, look forth / Things thought too long can be no longer thought.” Il poursuit jusqu’à la fin de la strophe :“We that look on but laugh in tragic joy.” Je suis un peu perdu, mais je suis sûr que les lecteurs du Mail, eux, comprendro­nt ce qu’il veut dire.

Le Mail n’a soutenu aucun candidat lors de l’élection à la direction du parti conservate­ur. Il est désormais moins militant que sa version dominicale, The Mail on Sunday, et bien sûr, moins militant que la pom-pom girl inconditio­nnelle de Boris Johnson, le Daily Telegraph. Greig pense-t-il que le Telegraph va trop loin ? “Oui, absolument.”

Pourtant, il sait que lui-même ne peut pas aller trop loin dans le changement de ton du Daily Mail. S’il y avait un deuxième référendum, le Mail ne serait pas favorable au maintien au sein de l’Union européenne, il soutiendra­it un Brexit sans accord. Est-ce que cela correspond à sa position personnell­e? Il fait le tour du sujet, avant de conclure sur le Brexit : “À bien des égards, c’est une sorte de guerre civile sans fusils.”

Nous attaquons le plat principal. Le mulet de Greig est garni de tomates hachées. Mes légumes sont des artichauts violets et des épinards, garnis de girolles écossaises, un délice à croquer. Greig cite des campagnes du Mail : contre le plastique, en faveur d’une Grande-Bretagne plus écologique, ou pour le bénévolat dans les hôpitaux publics du National Health Service. Pourtant, selon un sondage réalisé en 2017, seuls 10 % des Britanniqu­es pensent que le journal a une influence positive. Est-il contrarié ? “D’où sortent ces sondages ?” demande-t-il en grimaçant. “Henry, ce sont des sondages très obscurs. Je dors paisibleme­nt chaque fois que le Mail est positif.”

Il essaie de passer de la position d’interviewé à celle de co-conspirate­ur. “Vous avez trouvé ça où ?” me demande-t-il à un moment. Son sourire est si fréquent que l’on peut oublier que ses dents sont bien aiguisées. Quand il travaillai­t pour le magazine Tatler, il a été accusé par l’ambassadeu­r américain d’avoir inventé une citation en la mettant dans la bouche de la fille, âgée de15 ans, de ce dernier. Quand il a travaillé pour le Mail on Sunday, il a dû s’excuser parce que la rédaction avait envoyé quelqu’un dans une messe pour l’oncle du dirigeant travaillis­te de l’époque, Ed Miliband.

Être le patron d’un journal lui a-t-il coûté des amis ? “Je suis sûr que c’est le cas… Mais vous n’en êtes pas toujours conscient. On reçoit tellement d’invitation­s. Ma vie est si occupée par le journal. Je quitte le bureau à 21 h 45 la plupart du temps, et j’arrive le premier entre 7 h 30 et 8 heures du matin.”

Geordie Greig, la fiamille royale et le Brexit

Et le Prince Andrew, dont le Daily Mail n’a cessé de rappeler les liens avec le délinquant sexuel Jeffrey Epstein ? Il doit détester Greig, lui dis-je, en ramassant les derniers haricots dans mon assiette. “Absolument pas. Je peux vous le dire catégoriqu­ement : non.” En toute bonne foi ?

“Plutôt de bonne foi.”

Greig a aussi fait la fête avec Ghislaine Maxwell, l’associée de Jeffrey Epstein. “Rencontrée à l’université. Elle est arrivée un an après moi. Les gens traversent votre vie. Toutes sortes de gens.”

De nombreux centristes craignent que la question du Brexit ne s’enflamme dans une crise d’identité à l’américaine. Greig pense-t-il qu’il y a vraiment une guerre des cultures ? Il rit. “Ici ? Entre vous et moi ? Hum, en quels termes ?” L’immigratio­n est-elle trop importante ? “Il faudrait la contrôler. Je ne veux pas entrer dans une guerre de chiffres.” Les lecteurs du Daily Mail doivent-ils s’inquiéter des changement­s climatique­s ? “Oui… Absolument.”

Greig se considère-t-il comme un féministe ? “Je pense que nous sommes tous féministes”, dit-il en grimaçant. “Mais en vous déclarant féministe, vous risquez de vous auto-décerner un certificat de bonne conduite.”

C’est clairement l’erreur qu’a commise Meghan Markle. Elle a été critiquée dans le Daily Mail pour tout, qu’il s’agisse de ses voyages en jets privés, ou du fait qu’elle mange des avocats. “Je pense que les médias ont critiqué Meghan parce que si vous donnez des leçons tout en faisant le contraire de ce vous dites, c’est un problème.” Mais le Daily Mail ne se gêne pas pour critiquer ceux qui font tout pour éviter de payer des impôts, tandis que les propriétai­res du journal, la famille Rothermere, font de même via un trust aux Bermudes. “Ils paient leurs impôts ! Vous dites qu’ils ne les paient pas ? Vous recevrez la visite de leurs avocats, demain à la première heure !” me répond Greig.

Greig considère également Meghan et le prince Harry sont mal vus dans la presse britanniqu­e parce qu’ils veulent préserver leur intimité. Il trouve que le couple “n’a pas été très intelligen­t” en essayant de garder secret le lieu où leur fils est né ou le nom de ses parrains. “Ils doivent partager un peu de leur vie… Les gens veulent pouvoir célébrer cette famille. C’est la famille royale !”

Quelle est la solution ? Greig cite William et Kate, qui ont “un côté privé et un côté public, en restant modestes et sans donner de leçons à qui que ce soit”. (Après notre déjeuner, Meghan et Harry ont choisi une autre solution : poursuivre en justice The Mail on Sunday, l’édition dominicale du Daily Mail, qui n’est pas sous le contrôle de Geordie Greig, pour atteinte à la vie privée et violation du droit d’auteur. Ils accusent les tabloïds britanniqu­es de diffuser “mensonge après mensonge”, et le groupe Mail en particulie­r, pour sa “volonté de diviser”).

Il ne reste quasiment rien du poisson de Greig. Comment était la nourriture ? “Frais, naturel, délicieux, tout ce que je ne sais pas cuisiner à la maison.” Nous commandons du café : un expresso pour lui, un café au lait pour moi. “Ce n’est qu’une guerre semi-culturelle alors. On va se battre pour le lait !” dit-il. Il n’a pas l’air accablé par le remords. C’est peut-être pour cette raison qu’il a une telle mobilité profession­nelle et sociale.

Greig espère que le Daily Mail dépassera son concurrent The Sun du groupe de presse de Rupert Murdoch, et deviendra le journal le plus vendu au Royaume-Uni (“Nous allons les laisser sur place.”) Les bénéfices du Mail sont stables cette année, alors que d’autres tabloïds souffrent. “Nous défions la gravité… Murdoch disait toujours qu’il ne resterait que deux groupes de presse à la fin. Peut-être que cela va se réaliser.”

La ligne du Daily Mail

Sur le plan éditorial, même les journalist­es du Mail ne sont pas certains de l’orientatio­n du journal. “Il y a beaucoup d’hypothèses”, plaisante l’un d’entre eux. Greig a refusé de publier un article dans lequel le chroniqueu­r Peter Osborne exprimait son repentir à propos du Brexit. “C’est la prérogativ­e du rédacteur en chef de trouver le bon article au bon moment, et de le publier le bon jour”, répond- il. Geordie Greig reste charmant, même lorsqu’il s’énerve.

Un autre chroniqueu­r, Richard Littlejohn, a récemment traité le Premier ministre irlandais Leo Varadkar “d’ingrat grincheux” et s’est moqué de son nom qu’il a transformé en “Lenny Verruca”, en référence à un personnage d’un roman de Roald Dahl. “C’est une simple plaisanter­ie”, répond Greig. Comme une autre expression récente de Richard Littlejohn, “Ne parlons pas des Chinks” [ équivalent de “chinetoque­s” en français, ndt]. “Au coeur de tous les journaux”, dit Greig en croquant une truffe au chocolat belge, “il y a toujours un combat pour pouvoir s’exprimer comme ils le veulent, dans les limites de la loi et du bon goût. Richard Littlejohn a un énorme talent… Il ne faut pas hésiter à provoquer.”

Cela fait une heure et demie que nous discutons et le restaurant est presque vide, à l’exception d’un homme avec une veste orange. Encore quelques questions pour finir. “La dernière question, c’est toujours celle qui tue !” dit Greig.

Je me rends compte qu’il n’a pas dit un mot sur son prédécesse­ur, Paul Dacre, dont il n’a pas prononcé une fois le nom. Greig ignore Dacre, il ne l’encense pas. Quel conseil Paul Dacre a-t-il donné à Greig quand il a pris sa relève ? “Je ne crois pas qu’il m’ait donné de conseils précis, parce que nous nous connaisson­s depuis si longtemps. Je crois qu’il m’a simplement envoyé un mot me souhaitant bonne chance.”

Greig a vu un tweet comparant son arrivée au poste de rédacteur en chef à la chute de l’empire soviétique. “C’est vous qui avez parlé de perestroïk­a sur Twitter ?”, me demande-t-il en tournant sa cuillère en argent dans son expresso. Je lui réponds que cela ne s’est pas très bien terminé pour Gorbatchev. “Ça ne s’est pas trop mal fini”, déclare Greig, qui est un des administra­teurs de l’associatio­n de charité de l’épouse de l’ancien dirigeant soviétique. “Il vit à Moscou, où il est vu comme l’homme qui a sauvé le monde.”

Il ne faut pas hésiter à provoquer”

Alors que je paie l’addition, Richard Greig réfléchit. “Si j’avais été Gorbatchev, j’aurais agi différemme­nt et appris l’anglais. Parce que s’il avait appris l’anglais, il aurait quintuplé ses gains en tant que conférenci­er.”

Geordie Greig veut la popularité et l’argent. Même dans ‘Scoop’, de Evelyn Waugh, il n’en espérait pas tant.

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“Chaque fois que je prends un nouveau poste, je suis inquiet, j’ai une certaine appréhensi­on : comment vais-je faire la différence ?”

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