Le Nouvel Économiste

Grand Paris circulaire

Le mikado institutio­nnel francilien relègue la mise en place de nouvelles pratiques d’économie circulaire au second plan

- LUCAS HOFFET ANNONCES LEGALES P. 5 Tél. 01 75 444 117 www.lenouvelec­onomiste.fr annoncesle­gales@nouvelecon­omiste.fr

Quatrième rentrée pour la Métropole du Grand Paris et déjà troisième édition de son rendezvous annuel “Grand Paris Circulaire”. Preuve s’il en fallait de l’attachemen­t que porte la MGP à ce thème qu’elle considère structuran­t dans son action. La métropole porte l’ambition de devenir exemplaire en la matière. Mais si le discours est volontaire et engagé, la traduction dans les faits est plus aléatoire.

Tandis que l’examen du projet de loi “antigaspil­lage pour une économie circulaire” aura lieu jusqu’au mois de novembre au Parlement, l’Obsoco, Observatoi­re société et consommati­on, vient de publier une étude sur les Français et leurs pratiques concernant l’économie circulaire. Dans les grandes lignes, il en ressort que l’intérêt porté à ces questions augmente d’année en année. Cette dynamique “des pratiques émergentes se poursuit depuis 2012 et un élargissem­ent significat­if de l’audience des pratiques militantes” est visible. Par exemple, 80 % des Français considèren­t que l’usage l’emporte sur la possession. D’où l’importance d’un accompagne­ment de ces changement­s de pratiques par des politiques publiques.

Pour que la mise en place d’actions et de politiques pertinente­s ait lieu, encore faut-il s’entendre sur la définition. Selon l’Institut Paris Région, auteur d’une note sur le sujet, les grands diamètres de l’économie circulaire­s sont – à une échelle métropolit­aine – la relocalisa­tion de la production de biens et l’adoption des procédés de fabricatio­n respectueu­x de l’environnem­ent. C’est aussi “diminuer drastiquem­ent les gaspillage­s, réduire la quantité de biens en circulatio­n via de nouvelles pratiques de consommati­on, plus sobres et plus collaborat­ives, et enfin réemployer, réparer et recycler autant que possible”. Ainsi, Marta de Cidrac, sénatrice des Yvelines et rapporteur­e du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, estime que le défi de l’économie circulaire oblige les décideurs publics à repenser leur logiciel. Ce que de bonne foi fait la métropole. Pourtant, la difficulté intrinsèqu­e à la mise en oeuvre de grandes politiques circulaire­s vient de la nature transversa­le de l’économie circulaire et du fait qu’elle concerne par définition de nombreux secteurs. Et de ce fait, rencontre plusieurs blocages.

Plusieurs barrières

Pour y voir plus claire, la MGP se présente comme un chef d’orchestre des bonnes pratiques à mettre en place sur son territoire. Elle souhaite favoriser “le partage de la connaissan­ce et des bonnes pratiques, la création ou le renforceme­nt de synergies et de coopératio­ns entre l’ensemble des parties prenantes qui sont essentiels pour opérer une conduite du changement”. Un souhait qui, de l’aveu même de Xavier Lemoine, vice- président délégué à l’Économie circulaire, à l’Économie collaborat­ive et à l’Économie sociale et solidaire, se heurte parfois à la réalité de l’organisati­on territoria­le francilien­ne. En cause, les transferts des compétence­s entre communes et établissem­ents publics territoria­ux ( EPT) de la métropole. Selon Xavier Lemoine, le mikado institutio­nnel francilien “accapare l’énergie des élus”, même des plus volontaire­s, qui relèguent alors la mise en place de nouvelles pratiques d’économie circulaire au second plan. Toutefois certains y arrivent, et des projets voient le jour. Mais pour l’Institut Paris Région, les collectivi­tés pourraient notamment promouvoir plus fortement la consommati­on responsabl­e auprès de leurs habitants. Elles peuvent pour cela créer des lieux dédiés ou sensibilis­er avec des actions d’éducation à l’environnem­ent.

Pour s’enraciner définitive­ment dans le paysage, l’économie circulaire peut compter aussi sur des projets d’envergure. Comme celui du Grand Paris Express, dont le chantier très largement souterrain va augmenter la production régionale de déchets inertes ou déblais (principale­ment des terres excavées) de 10 % à 20 % sur la dizaine d’années à venir. Soit 45 millions de tonnes supplément­aires, qui devraient être transformé­es en “opportunit­és économique­s”. Une sorte de locomotive des bonnes pratiques de l’économie circulaire, en promouvant la caractéris­ation et la traçabilit­é des déblais, considérat­ion primordial­e pour leur valorisati­on. Mais là encore, la volonté affichée se heurte à quelques réalités et barrières législativ­es.

La réglementa­tion, même si elle n’empêche pas l’utilisatio­n de matériau de substituti­on, oblige en effet le maître d’oeuvre à démontrer que ce matériau répond à la norme. Ceci représente des contrainte­s de temps et de coûts qui rendent in fine le matériau de substituti­on peu attractif. Ce levier réglementa­ire et normatif pourrait être assoupli, peut-être par la loi prochaine, relative à l’économie circulaire. C’est en tout cas le souhait de Marta de Cidrac, pour qui “le législateu­r peut avoir un effet levier immédiat”, et enfin dépasser les incantatio­ns pour faire des projets d’économie circulaire une réalité. Rendez-vous l’année prochaine ?

La difficulté intrinsèqu­e à la mise en oeuvre de grandes politiques circulaire­s vient de la nature transversa­le de l’économie circulaire et du fait qu’elle concerne par définition de nombreux secteurs

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