Gestion pilotée et profilée de l’assurance-vie
Les fonds euros sont en berne. Alors comment dynamiser son épargne avec un risque calculé ?
Un objectif : dynamiser son épargne de manière automatique, selon un profil de risque et un budget prédéfini, mais aussi des objectifs de rendement, de protection face à l’inflation, ainsi qu’un horizon de temps imparti
À mi-chemin entre la gestion conseillée et la gestion sous-mandat, deux nouveaux modes de gestion — pilotée et profilée — sont de plus en plus pratiqués par les assureurs en accompagnement de la commercialisation de leurs produits d’assurance-vie. Avec une ambition
affichée : permettre aux épargnants de dynamiser leur épargne, en allant jusqu’à faire appel au support de robots advisors.
L’année 2019 s’annonce encore d’un très bon cru pour les assureurs, qui enregistrent cette année encore des encours de collecte en hausse en assurance-vie. “Malgré l’entrée en vigueur de la flat tax il y a un an [qui vise à appliquer un taux unique de 30 % à tous les revenus du capital, ndlr], les Français ne se sont pas détournés de l’assurance-vie comme on aurait pu le craindre”, résume Youmna Hamze, responsable adjointe de la direction épargne et prévoyance chez Axa France.
“En ce début d’année, la collecte demeure cependant déséquilibrée en faveur des fonds en euros”, reprend Arthur Chabrol, directeur général délégué et directeur de l’expertise technique vie d’Aviva, qui rappelle que le faible niveau de risque de ces derniers en a fait l’un des placements privilégiés des Français. Mais la plupart de ces fonds n’offriraient plus des performances suffisantes aux yeux de tous les épargnants… “La position simple, qui était de rester sur des fonds en euros pour gagner 3 à 4 % de rendements sans trop de risques, n’existe plus. Il faut donc se tourner vers des produits de moyen-long terme que sont les actions, voire un peu d’immobilier, mais cela nécessite des compétences que tous nos adhérents n’ont pas car ces produits demeurent risqués”, résume Jean Berthon, président du Groupement associatif interprofessionnel pour l’amélioration de la retraite et de l’épargne (Gaipare).
“Les Français souhaitent pouvoir au moins compenser l’inflation tout en maintenant un niveau de risque faible : ils ont alors tendance à aller chercher des rendements faciles, de type immobilier, mais cela manque de raisonnement global car le patrimoine des ménages est déjà essentiellement composé d’immobilier”, complète Jean-François Bay, managing director de la société de notation et d’analyse financière Quantalys. Le marché s’est donc progressivement tourné vers une diversification des supports d’investissements, en visant les unités de comptes qui pourront être investis en actions, en obligations ou encore en supports monétaires. Une grande diversité des contrats multisupports qui ne facilite cependant pas la donne aux épargnants, et les appelle au contraire à développer une plus grande connaissance financière.
La gestion pilotée, déléguer pour s’adapter
En conséquence, le marché s’est progressivement orienté de la gestion libre, qui demeure le mode de gestion n°1 des Français, vers une “gestion pilotée”, dans laquelle l’épargnant choisit de déléguer ses choix à un tiers spécialisé, ou à une société de gestion le plus souvent mandatée par l’assureur. Avec un objectif : dynamiser son épargne de manière automatique, selon un profil de risque et un budget prédéfini, mais aussi des objectifs de rendement, de protection face à l’inflation, ainsi qu’un horizon de temps imparti. “Les Américains ont tendance à dire : fais-le toi-même ou délègue. Or, on voit bien qu’investir par soi-même nécessite du temps ainsi qu’une bonne connaissance des marchés financiers. La gestion pilotée permet d’avoir une sorte de clé en main, comme lorsqu’on réserve un voyage”, illustre Jean-François Bay.
Une formule qui prend plusieurs dénominations en fonction des assureurs, et qui se rapproche parfois, en fonction des contrats, de la gestion sous mandat. “On délègue son contrat à un spécialiste
qui va le gérer en fonction du profil de risque établi et qui fournit régulièrement un reporting détaillé”, explique Antoine Delon, président du courtier d’épargne en ligne Linxea.
Chez ING Direct, entre 35 et 40 % des ouvertures de comptes initiées par les clients se font sur des mandats de gestion : “si l’on exclut les profils de clients sécuritaires, cela signifie que la plupart des gens souhaitent de la diversification en matière d’épargne”, illustre Julien Schahl, responsable assurancevie. Un segment sur lequel la demande ne ferait que croître : “nous observons depuis 3 à 4 ans un fort appétit des clients, qui se retrouvent un peu perdus dans la gestion libre et préfèrent opter pour une gestion sous mandat, principalement par manque de temps”, résume Arthur Chabrol, qui propose ainsi un premier mode de gestion pilotée assuré par Rothschild, ainsi qu’une seconde offre gérée par Aviva Investors France, sur le terrain des fonds labellisés ISR. Même tendance chez Axa, qui a lui aussi décidé, il y a quelques années, de proposer des gestions pilotées. “Le client peut ainsi diversifier son épargne sur un horizon assez long, et ne pas rester coincé sur le même support”, résume Youmna Hamze. Avec cependant une difficulté : “il n’existe pas de norme en matière de dénomination, ce qui fait qu’une gestion sous mandat chez un assureur peut s’appeler gestion pilotée ou profilée chez un autre”, avance Julien Schahl. “La notion de frais associée aux différents profils de risque proposés peut être très différente en fonction des compagnies”, reprend Jean-François Bay dont la firme, Quantalys, se prépare justement à mettre sur pied un “observatoire national de la gestion pilotée”, en vue de produire une base de données unifiée.
Une gestion par profils de risque
Une autre évolution, amorcée sous le nom de “gestion profilée”, va elle aussi dans cette direction, “en permettant aux assureurs de vendre des unités de compte tout en encadrant la volatilité pour les épargnants”, résume Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures. Les assureurs iront ainsi déterminer la tolérance aux risques ainsi que les ambitions de leurs épargnants, via un questionnaire qui leur sera soumis avant la signature d’un contrat. “Le principe est de définir le profil du client parmi cinq grandes orientations et de lui proposer un profil de gestion avec un portefeuille composé d’unités de compte et de fonds en euros”, souligne Jean Berthon. Une formalisation des besoins rendue nécessaire dans le cadre de la Directive européenne sur la distribution d’assurances (DDA), qui a institutionnalisé le recueil de l’expression de ces besoins en vue d’éviter la vente de produits inadaptés aux consommateurs. “Il s’agit d’une manière de mieux connaître chaque épargnant, en l’associant à un type de profil en vue de lui faire des recommandations plus personnalisées”, note Arthur Chabrol. Mais ce ne serait pas son seul intérêt : “la gestion pilotée permet également d’amener le client à diversifier son épargne dans des domaines où il ne serait pas forcément allé seul, en développant par exemple une approche internationale, ou de nouvelles classes d’actifs”, résume JeanFrançois Bay. Une stratégie qui va selon lui de pair avec une vision de planification financière, inspirée des investisseurs canadiens : “l’idée est que chaque épargnant puisse planifier ses propres objectifs en matière d’investissement, régulièrement les contrôler, mesurer les efforts financiers à fournir et retirer des points d’incertitude”.
Gestion robotisée ?
La plupart des assureurs se sont désormais dotés de robots advisors en vue d’automatiser une partie de cette analyse, même s’ils demeurent prudents sur la possibilité que ces robots puissent remplir un jour le rôle des conseillers…
“Le monde est devenu complexe et nécessite de prendre en compte une multitude de facteurs, comme dans la protection du patrimoine du client, où la compréhension de sa structure familiale peut s’avérer déterminante”, estime Youmna Hamze. “D’autant plus que l’on ne sait pas aujourd’hui de quoi sont composés les modèles sousjacents utilisés par ces robots advisors”, rappelle Jean Berthon, qui appelle de ses voeux la création d’un label ou d’une certification indépendante en vue de prévenir les risques financiers associés. C’est pourquoi plusieurs acteurs du secteur estiment que la principale évolution ne viendra probablement pas d’un robot, “mais de la capacité des acteurs du marché à rendre leurs conseils plus clairs, transparents et à simplifier la gestion de leur contrat”, comme le souligne Julien Schahl.
Une formalisation des besoins rendue nécessaire dans le cadre de la Directive européenne sur la distribution d’assurances (DDA), en vue d’éviter la vente de produits inadaptés aux consommateurs