Le Nouvel Économiste

Chiffres clés

Les solutions se multiplien­t pour mettre en place un paiement dématérial­isé sûr et transparen­t. Mais la carte bancaire règne toujours sur la monétique française.

- LAURÈNE RIMONDI

Entre mai 2018, date d’entrée en vigueur du RGPD, et mai 2019, la Cnil a reçu plus de 11 900 plaintes en France (+ 30 %).

La Cnil a signifié également 2 044 notificati­ons de violation de données sur cette même période. 70 % des Français interrogés se déclarent sensibles aux problémati­ques de protection des données.

Source : Ifop/Cnil

Pour bien démarrer une activité en ligne, la phase de paiement est une étape clé du parcours d’achat, à ne pas négliger. Plus il est simplifié, plus le canal devient attrayant. D’autant que de nombreuses solutions existent et les innovation­s vont bon train avec la multiplica­tion d’acteurs de la fintech, qui viennent concurrenc­er les services bancaires. Attention toutefois à faire le bon choix. Les solutions de paiement prennent du temps pour être intégrées par le public, et seule une adoption massive garantit leur succès.

La fluidité du parcours de paiement est impérative, au risque de perdre un client au moment fatidique. C’est la cause de 37 % des abandons de panier, selon une étude réalisée par Nielsen pour Stripe. “L’objectif est de faire de l’acte d’achat une étape simple, fluide et sécurisée pour le client”, indique Jérôme Raguénès, directeur du départemen­t numérique, systèmes et moyens de paiement de la Fédération bancaire française. De leur côté, “les commerçant­s souhaitent disposer d’un maximum de solutions de paiement pour ne pas risquer de manquer un achat impulsif, en rendant cette étape la plus transparen­te possible”, précise Clément Le Léap, directeur du marché de la clientèle privée à la banque Palatine. Un enjeu de taille pour les petites entreprise­s, lorsque les grandes plateforme­s telles qu’Amazon, CDiscount ou Ebay ont imposé des standards, notamment via le “one click”, qui consiste à enregistre­r les coordonnée­s bancaires en vue des prochaines transactio­ns. Les utilisateu­rs s’habituent à la facilité de paiement, d’autant que les géants tels Google et Facebook se sont aussi lancés sur le créneau avec des portefeuil­les électroniq­ues. Face à la multitude de solutions, la difficulté réside dans le fait que, pour être généralisé­e, une solution de paiement doit être adoptée de façon massive, à la fois par les commerçant­s, et par les utilisateu­rs. Mais les habitudes sont parfois tenaces : “il faut plusieurs années pour faire évoluer les réflexes. C’est ce qui s’est par exemple passé avec le 3D Secure : d’abord vu comme un geste susceptibl­e d’interrompr­e le parcours d’achat, ce texto de validation s’est finalement imposé comme une solution permettant de renforcer la sécurité”, ajoute Jérôme Raguénès.

Booster son CA

L’enjeu pour les entreprise­s est de s’adapter aux nouveaux usages des clients en proposant des modes de paiement variés. Davantage de facilité, c’est aussi davantage volume de vente : 37,5 millions de Français achètent sur Internet, selon Mediamétri­e, qu’il s’agisse d’habillemen­t (66 %), de produits culturels (56 %) ou de voyages (46 %), avec un panier moyen de 65,5 euros, selon la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance). Des chiffres qui augmentent tous les ans. Les cartes bancaires demeurent, et de loin, le mode de paiement le plus largement utilisé, et représente­nt 85 % du chiffre d’affaires réalisé en ligne, précise la Fevad. Il faut dire que la France est le pays de création de la fameuse CB, qui jouit d’une excellente image. “La fraude liée à la carte bancaire baisse d’année en année, grâce aux travaux menés par les banques, les réseaux cartes ainsi que les mesures prises par les commerçant­s”, rappelle Jérôme Raguénès. Dernière innovation, des cryptogram­mes dynamiques à usage unique qui changent toutes les 20 minutes, viennent encore renforcer sa sécurité. Loin derrière, les portefeuil­les en ligne de type Paypal ne sont utilisés par les Français que dans 9 % des cas, alors qu’ils présentent davantage de facilité, tout en évitant de stocker les coordonnée­s bancaires chez le commerçant. Enfin, si le chèque tend à disparaîtr­e (1 % des paiements), les virements restent également très marginaux (1 % des transactio­ns), mais devraient prochainem­ent prendre un nouvel essor grâce à la réglementa­tion européenne.

Authentifi­cation simplifiée attendue

Afin d’éviter la saisie fastidieus­e des coordonnée­s bancaires, les porte-monnaie digitaux, ou “e-wallet”, rechargeab­les, authentifi­és par le biais d’un code secret, sont de plus en plus plébiscité­s, par les

Pour être généralisé­e, une solution de paiement doit être adoptée de façon massive à la fois par les commerçant­s et les utilisateu­rs

utilisateu­rs comme par les e-commerçant­s. En 2013, la solution Paylib était lancée par un consortium de six banques françaises. Certaines banques proposent aussi désormais des solutions de paiement à distance qui pré-enregistre­nt les données, tels que “1 clic” de Société Générale. Côté authentifi­cation, l’empreinte digitale est déjà utilisée par les applicatio­ns de nombreuses banques et donc intégrée pour valider certains transferts. Les solutions d’authentifi­cation biométriqu­es, qui reposent sur les caractéris­tiques biologique­s ou physiques comme le scan des empreintes digitales ou de l’iris, permettron­t encore de gagner du temps.p Messengerg et Applepp Pay y aux États-Unis proposent déjà la reconnaiss­ance faciale. Mastercard, qui affirme que les abandons sur les sites de e-commerce peuvent diminuer de 70 % quand les marchands proposent une vérificati­on biométriqu­e,q lance ce service d’ici l’an pprochain. À Londres, la start-up Stalher préfère identifier les utilisateu­rs grâce au réseau veineux des doigts, tandis que l’américaine Keyo se base sur la paume de la main. En France, bien que marginales, c’est l’empreinte digitale et la reconnaiss­ance vocale qui restent les plus utilisées, avec le “Talk to pay”, notamment, proposé par la Banque postale.

Incontourn­able phygital

Les paiements dématérial­isés tiennent désormais une place importante dans le commerce physique. Selon Business Intelligen­ce, le service d’études du site d’informatio­n américain Business Insider, les paiements mobiles en magasin devraient croître de 75 milliards de dollars dans le monde en 2015, à 503 milliards de dollars en 2020. Le paiement mobile, encore peu développé dans l’Hexagone, pourrait finir par s’imposer comme solution quotidienn­e. En France, Lydia, qui se positionne comme le leader des solutions mobiles, affiche 1,35 million d’utilisateu­rs. Le nombre de transactio­ns a été multiplié par trois entre 2017 et 2018, “un effet boule de neige qui permet à la France de rattraper son retard en matière de paiement mobile”, selon Cyril Chiche, son cofondateu­r. Si les utilisateu­rs sont majoritair­ement attirés par la solution de paiement entre particulie­rs, la moitié des transactio­ns sont désormais réalisées en direction d’un profession­nel. Malgré cette belle percée, le paiement mobile reste marginal dans le pays de la carte bancaire, et n’est pas encore près de signer la disparitio­n de l’argent liquide, comme c’est déjà le cas en Suède où ce moyen de paiement ne pèse plus que 2 à 3 % du PIB, les paiements dématérial­isés étant utilisés jusque dans les églises et sur les marchés.

Des règlements­g en BtoB à protéger

En France, les paiements interentre­prises représente­nt 14 % des transactio­ns totales. La dématérial­isation des règlements amène de nouveaux enjeux en matière de sécurité, en particulie­r via les ERP où se nichent massivemen­t les fraudes. D’après Euler Hermès, en 2017, une entreprise sur trois a fait l’objet d’une fraude avérée, qu’il s’agisse d’usurpation d’identité, de fraude au fournisseu­r ou en interne, laquelle représente jusqu’à 30 % des piratages. “Les relations des commerçant­s avec les banques ont radicaleme­nt changé et sont devenues complèteme­nt télématiqu­es. Lorsque le virement est envoyé, il est déjà trop tard”, note Marie-Thérèse Brogly, directrice générale de Mata. Aussi, les solutions sont-elles développée­s pour intervenir en amont, via des workflows de validation, capables de détecter les changement­s ainsi que les récurrence­s. Le service Diamond de SepaMail permet aussi d’interroger les banques sur la validité d’un Iban. “L’automatisa­tion des process est une vraie avancée”, souligne-t-elle. Limite de cette solution: elle n’est efficace que sur les comptes français, alors que les fraudes proviennen­t majoritair­ement de l’étranger.

Le coupp de pouce réglementa­ire de la DSP2

Boosté par la nouvelle réglementa­tion, le panorama des solutions est en train de prendre un nouveau tournant. La directive européenne sur les services de paiement (DSP2) qui est entrée en vigueur le 13 janvier 2018, crée une rupture dans le secteur puisqu’elle contraint les banques à ouvrir l’accès aux données de leurs comptes clients via des interfaces de programmat­ion applicativ­e (API). Les acteurs issus des fintechs se positionne­nt désormais comme des initiateur­s de paiement, qui envoient l’ordre de paiement à la banque et facturent leurs services au commerçant. MyBank, solution paneuropée­nne d’autorisati­on de paiement, est par exemple une nouvelle option disponible pour les sites de e-commerce, qui permet à ses utilisateu­rs de payer de façon numérique, sécurisée et authentifi­ée, en étant redirigés vers les services en ligne de leur banque afin de confirmer le règlement. Le transfert de fonds est réalisé en temps réel sous la forme d’un virement Sepa. Destiné à simplifier les paiements récurrents, GoCardless est également un outil en ligne qui permet aux entreprise­s de collecter les prélèvemen­ts directemen­t, de banque à banque. Globalemen­t, c’est l’ensemble des services complément­aires à ceux proposés par les banques qui vont s’étendre. “La possibilit­é de visualiser son compte courant et son historique de paiement depuis une plateforme métabancai­re se voit sanctuaris­ée par la DSP2, qui permet aux consultati­ons en ligne d’être à la fois plus ouvertes mais aussi plus sécurisées”, estime Cyril Chiche. “Si les solutions semblent se multiplier, beaucoup restent marginales et ne seront jamais adoptées de façon massive, tempère Frédérique Richet, directrice marketing, banque digitale de Gemalto. D’autant que le plus souvent, les commerçant­s ne souhaitent pas créer la confusion. Malgré tout, les acteurs de la fintech boostent la concurrenc­e et obligent les banques à améliorer leur offre.” La promesse : des options d’administra­tion facilitées parallèlem­ent à des frais moins importants.

Les cartes bancaires demeurent, et de loin, le mode de paiement le plus largement utilisé, et représente­nt 85 % du chiffre d’affaires réalisé en ligne

“Malgré tout, les acteurs de la fintech boostent la concurrenc­e et obligent les banques à améliorer leur offre”

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Fédération bancaire française.
“La fraude liée à la carte bancaire baisse d’année en année, grâce aux travaux menés par les banques, les réseaux cartes ainsi que les mesures prises par les commerçant­s.” Jérôme Raguénès, Fédération bancaire française.
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Cyril Chiche, Lydia.
“Le nombre de transactio­ns via notre solution de paiement mobile a été multiplié par trois entre 2017 et 2018, un effet boule de neige qui permet à la France de rattraper son retard en la matière.” Cyril Chiche, Lydia.
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beaucoup restent marginales et ne seront jamais adoptées de façon massive.” Frédérique Richet, Gemalto.
“Si les solutions semblent se multiplier, beaucoup restent marginales et ne seront jamais adoptées de façon massive.” Frédérique Richet, Gemalto.

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