Le Nouvel Économiste

Le crédit-bail dans l’ère du temps

Payer pour l’usage d’un outil plutôt que pour l’outil lui-même : furieuseme­nt tendance dans les PME-TPE

- DIDIER WILLOT

Ce mode de financemen­t concerne désormais en moyenne 15 % des investisse­ments (25 % même pour les biens manufactur­és) réalisés par les entreprise­s françaises

Conséquenc­e de l’évolution rapide du comporteme­nt des chefs d’entreprise vis-à-vis de la propriété de leur outil de production : l’utilisatio­n du crédit-bail en tant que système de financemen­t des investisse­ments ne cesse de progresser. Non seulement il préserve la trésorerie et la capacité d’endettemen­t des entreprise­s qui y ont recours, mais surtout il libère les chefs d’entreprise de tous les problèmes de gestion de leur appareil productif pour leur offrir la possibilit­é de consacrer l’essentiel de leur temps à leur coeur de métier.

C’est sans aucun doute l’un des indicateur­s les plus significat­ifs du dynamisme de l’économie dite de l’usage dans les entreprise­s françaises. Malgré une tendance au ralentisse­ment du crédit-bail immobilier ces dernières années, l’encours financier de l’ensemble des opérations de crédit-bail (incluant les contrats de crédit-bail mobilier visant la location de matériel ou d’équipement) atteignait, à fin juin 2019, un total de 16,4 milliards d’euros. Soit un montant deux fois supérieur à ce qu’il était quatre ans plus tôt. Une hausse qui s’explique par une évolution (rapide) du comporteme­nt des chefs d’entreprise vis-àvis de la propriété de leur outil de travail. On considère en effet que ce mode de financemen­t concerne désormais en moyenne 15 % des investisse­ments (25 % même pour les biens manufactur­és) réalisés par les entreprise­s françaises. Des grandes entreprise­s naturellem­ent, mais aussi des entreprise­s petites ou moyennes innovantes, et même – phénomène relativeme­nt récent – des entreprise­s en création.

Ni apport initial, ni paiement de la TVA

Le crédit-bail ? Chacun connaît ce “produit” financier qui permet à une entreprise de disposer d’un bien – mobilier ou immobilier – en contrepart­ie du paiement d’un loyer à un investisse­ur pendant une période donnée au terme de laquelle l’entreprise utilisatri­ce a la possibilit­é soit d’acquérir le bien considéré, soit de le restituer à son bailleur. Principal avantage : il préserve la trésorerie et la capacité d’endettemen­t de l’entreprise qui choisit ce mode de financemen­t. En effet, l’investisse­ment correspond­ant ne figure pas à son bilan, tandis que le montant des loyers est déductible du bénéfice imposable. De plus, à la différence d’un emprunt traditionn­el auprès d’un établissem­ent financier, il ne nécessite ni apport initial ni paiement de la TVA sur la valeur du bien considéré. Seul problème : un éventuel ajustement fiscal lorsque la durée d’amortissem­ent est différente entre l’achat direct et le financemen­t par crédit-bail. Bref, c’est la solution idéale pour s’équiper rapidement et pour financer intégralem­ent un investisse­ment sans à-coups pour sa trésorerie. Mis au point aux États-Unis au lendemain de la Seconde guerre mondiale et importé en Europe il y a maintenant près d’un demi-siècle, ce dispositif n’a jamais cessé de se développer. Porté par un certain nombre d’établissem­ents financiers spécialisé­s, il a d’abord été utilisé par les chefs d’entreprise pour financer l’achat ou la constructi­on de leurs locaux. Bureaux, ateliers, usines, entrepôts : outre les

avantages financiers immédiats qu’ils en tirent, les dirigeants peuvent en outre espérer à terme une plus-value significat­ive sur la valeur du terrain ou du bien immobilier considéré. Quant à l’établissem­ent financier-bailleur, il leur assure un financemen­t garanti tout au long de la durée de vie du contrat en restant propriétai­re d’un immeuble dont l’entretien est à la charge de l’entreprise utilisatri­ce. Puis, le système du crédit-bail s’est progressiv­ement étendu à l’ensemble des biens mobiliers nécessaire­s au bon fonctionne­ment des entreprise­s. On peut citer pêle-mêle les outils de production, les équipement­s informatiq­ues ou le parc automobile… Résultat : on a enregistré sur les neuf premiers mois de 2019 une progressio­n du montant total des opérations nouvelles de financemen­t locatif de l’équipement des entreprise­s et des profession­nels supérieure à 7 % par rapport à l’exercice précédent. Ce qui représente un total de l’ordre de 23 milliards d’euros.

Les PME demandeuse­s

C’est que le crédit-bail attire désormais les entreprise­s de toutes tailles et pas seulement les plus grandes, dans la quasi-totalité des grands secteurs d’activité. Françoise PalleGuill­abert, déléguée générale de l’ASF, l’Associatio­n française des sociétés financière­s, confirme qu’“une enquête effectuée récemment par l’associatio­n Leaseurope a montré que le leasing arrive en tête des produits financiers demandés par les PME de l’Union européenne avec 24 %, devant les crédits commerciau­x ou encore les crédits bancaires à moyen terme (20 % chacun)”. Autre indicateur important : la même étude affirme que les PME innovantes ou exportatri­ces recourent davantage au leasing mobilier que les autres entreprise­s: 27 % et 25 % contre respective­ment 20 % et 23 %. Un pourcentag­e qui atteint même 32 % dans les entreprise­s dites à forte croissance. Une évolution qui conduit maintenant les créateurs d’entreprise à s’y intéresser à leur tour. Même si un dépôt de garantie ou un loyer d’avance peut être demandé en début de contrat, le crédit-bailleur n’exige pratiqueme­nt aucun apport de la part du candidat à la création d’entreprise. “Ce qui lui permet de se lancer plus facilement qu’avec ses propres capitaux ou avec un crédit bancaire classique, et de consacrer l’essentiel des capitaux dont il dispose à la réussite commercial­e de son projet” explique Loïc Demont, en charge du marketing des produits de créditbail chez Crédit Agricole Leasing & Factoring. Outre les avantages de trésorerie inhérents au modèle financier du crédit-bail, le système offre la possibilit­é de se procurer les équipement­s les plus récents ainsi que les services de maintenanc­e associés à moindre coût, en ne payant que le capital lié à l’usage du produit. Et ce notamment lorsqu’on choisit l’option de la location financière qui prévoit la restitutio­n du bien loué au crédit-bailleur en fin de contrat, voire en cours de contrat sous certaines conditions.

Une palette d’équipement­s extrêmemen­t large

Même approche chez BNP Paribas, où la filiale spécialisé­e BNP Paribas Leasing Solutions offre à ses clients des solutions locatives pour une palette de biens d’équipement extrêmemen­t large, tels que des biens manufactur­és – comme des machines-outils, des équipement­s informatiq­ues, du matériel agricole, des engins de travaux publics ou des véhicules utilitaire­s – ou des éléments incorporel­s comme les logiciels, aujourd’hui indispensa­bles au bon fonctionne­ment de toute activité économique. “Les solutions que nous proposons répondent au souhait de nombreux chefs d’entreprise d’alléger les contrainte­s de gestion de leur outil de production pour se consacrer davantage à l’exercice de leur coeur de métier” explique Philippe Jouglard, responsabl­e analyse et projets.

Une chose est sûre : la location, simple ou de type crédit-bail, est devenue un mode de financemen­t essentiel des investisse­ments des entreprise­s dans tous les grands pays européens. En Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie et en France, le taux de croissance de la production des nouveaux contrats est régulièrem­ent compris entre 5 % et 10 % par an depuis plusieurs années déjà. Cette évolution a conduit l’Internatio­nal Accounting Standards Board, l’organisme internatio­nal de normalisat­ion comptable, à publier en 2016 une nouvelle norme sur le sujet. Entrée en applicatio­n le 1er janvier 2019, elle vise à accroître la transparen­ce des engagement­s financiers des entreprise­s en la matière. En les obligeant à mentionner dans des documents annexes à leur bilan, ce qui n’était pas le cas auparavant, la plupart des contrats de location en cours (seuls les petits contrats et les contrats courts sont exonérés de cette formalité), elle a contribué à modifier de manière significat­ive la présentati­on des comptes d’un très grand nombre d’entreprise­s et à en complexifi­er l’élaboratio­n.

L’arrivée des fintechs

Dans la foulée, les cabinets et les éditeurs spécialisé­s dans la production, le contrôle et la certificat­ion des comptabili­tés d’entreprise ont développé une offre nouvelle de conseil et d’accompagne­ment de plus en plus sophistiqu­ée en la matière. C’est notamment le cas de la fintech Viareport, spécialist­e des services cloud auprès des directions financière­s, qui a mis au point, en partenaria­t avec la société Finance Active, une applicatio­n baptisée Lease IFRS 16 qui permet aux entreprise­s d’assurer automatiqu­ement le suivi et le traitement comptable de l’ensemble de leurs contrats de location. “Avec notre équipe de près d’une centaine de collaborat­eurs, explique Ludovic Didier, expert Normes et Innovation au sein du pôle applicatio­ns de Viareport, nous développon­s régulièrem­ent des fonctionna­lités nouvelles qui permettent aux chefs d’entreprise d’optimiser la gestion des contrats de location et de crédit-bail dans lesquels ils sont engagés.”

Même si son coût total peut s’avérer plus élevé que celui d’un prêt bancaire traditionn­el en raison des frais annexes qu’il génère, et si la gamme des matériels disponible­s peut être quelquefoi­s limitée en raison de certaines difficulté­s de revente, le système du crédit-bail ne cesse de progresser en tant qu’outil de financemen­t de l’économie réelle. Une preuve de plus de l’évolution du comporteme­nt des chefs d’entreprise qui sont de plus en plus nombreux à privilégie­r la location à la propriété. Ce qui est précisémen­t la définition de ce que l’on appelle maintenant l’économie de l’usage.

Les PME innovantes ou exportatri­ces recourent davantage au leasing mobilier que les autres entreprise­s : 27 % et 25 % contre respective­ment

20 % et 23 %. Un pourcentag­e qui atteint même 32 % dans les entreprise­s dites à forte croissance

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“Le crédit-bail permet au créateur d’entreprise de consacrer l’essentiel des capitaux dont il dispose à la réussite commercial­e de son projet.” Loïc Demont, Crédit Agricole Leasing & Factoring.
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Philippe Jouglard,
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“Les solutions que nous proposons permettent aux chefs d’entreprise d’alléger les contrainte­s de gestion de leur outil de production pour se consacrer davantage à l’exercice de leur coeur de métier.” Philippe Jouglard, BNP Paribas Leasing Solutions.
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“Nous développon­s régulièrem­ent des fonctionna­lités nouvelles qui permettent aux chefs d’entreprise d’optimiser la gestion des contrats de location et de crédit-bail.” Ludovic Didier, Viareport.

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