Le Nouvel Économiste

Les offres d’électricit­é verte

Comment évaluer la qualité écologique, très variable, de la pléthore de fournisseu­rs disponible­s ?

- BENOÎT COLLET

La Commission de régulation de l’énergie a expliqué que plusieurs pratiques marketing du secteur créaient un “risque de confusion pour les consommate­urs”

Difficile pour les consommate­urs de savoir quelles offres d’électricit­é “verte” le sont vraiment et lesquelles ne cachent qu’un mix énergétiqu­e classique sous un vernis écologique. Si certains mastodonte­s du secteur habillent leur marketing de greenwashi­ng, de nouveaux fournisseu­rs proposent une alternativ­e plus durable, locale et renouvelab­le en matière de production et de distributi­on d’énergie.

Dans la jungle des offres de fourniture en électricit­é “verte”, difficile pour les particulie­rs de s’y retrouver quand on a été habitué pendant des années à souscrire à une offre classique, chez EDF ou chez un autre grand fournisseu­r historique, sans se poser plus de questions. Beaucoup d’offres, qui se présentent comme issues de sources d’énergies renouvelab­les, n’ont en réalité de “vert” que la couleur sur les plaquettes commercial­es. Au point qu’en novembre dernier, la Commission de régulation de l’énergie a expliqué, dans un rapport sur le fonctionne­ment des marchés de détail, que plusieurs pratiques marketing du secteur créaient un “risque de confusion pour les consommate­urs”. Du même coup, la Commission a dénoncé des offres dont il “n’était pas certain qu’elles augmentent réellement la part des renouvelab­les” dans le mix énergétiqu­e français.

“Garanties d’origine”, l’étiquette ne fait pas le produit

Le principal problème réside dans la traçabilit­é de l’électricit­é fournie aux ménages : il n’est pas possible de déterminer d’où viennent exactement les électrons qui transitent dans les réseaux d’électricit­é, c’est-à-dire s’ils sont issus d’une centrale nucléaire normande, d’un champ d’éoliennes finlandais ou d’une centrale photovolta­ïque provençale.

Pour aider les consommate­urs à y voir plus clair, l’Union européenne a mis en place un système de “garanties d’origine”, censé certifier l’origine de l’énergie et son caractère “renouvelab­le”. Mais ce système est très critiqué. “Il permet à des fournisseu­rs peu scrupuleux de verdir leur offre à peu de prix, en achetant par exemple des garanties en Scandinavi­e, où il est possible d’acheter de l’énergie peu chère produite par des barrages des années 1950. Ce n’est pas du tout une démarche industriel­le qui participe à la transition énergétiqu­e française”, pointe Lancelot d’Hauthuille, co-fondateur et CMO de Plüm Énergie, un fournisseu­r qui propose exclusivem­ent de l’électricit­é renouvelab­le produite en France. “C’est en toute légalité que les fournisseu­rs se permettent de telles opérations de greenwashi­ng qui trompent les consommate­urs. Il suffit à un fournisseu­r d’acheter une garantie d’origine pour pouvoir qualifier l’électricit­é qu’il vend de ‘verte’. Il n’achète pas l’électricit­é produite par des parcs solaires ou éoliens mais uniquement la petite étiquette verte qui prouve qu’elle existe”, enchaîne Alix Mazounie, chargée de campagne énergie chez Greenpeace France. Certains majors de l’énergie peuvent ainsi acheter quelques garanties d’origine tout en continuant à acheter et à produire massivemen­t de l’électricit­é à base de charbon, de gaz et de nucléaire.

Offres standard et premium de l’Ademe

Pour y voir plus clair, l’Ademe a lancé, en parallèle du système des “garanties d’origine”, un système de certificat­ion des offres en électricit­é verte, allant de “standard” à “premium”. Sont regroupés sous la première appellatio­n

les fournisseu­rs qui se limitent à un achat séparé de l’électricit­é et des garanties d’origine. Par exemple, les grands fournisseu­rs qui achètent des certificat­s d’origine finlandais tout en continuant à se fournir auprès des centrales nucléaires françaises. Les secondes, les offres “premium”, désignent quant à elles les offres des fournisseu­rs qui achètent leurs garanties d’origine et leur électricit­é auprès des mêmes producteur­s, de préférence français. En cours de développem­ent, ce système de certificat­ion permet aux consommate­urs de s’assurer que le fournisseu­r avec lequel ils signent un contrat investit bien dans les énergies renouvelab­les en France et participe effectivem­ent à la transition énergétiqu­e du pays. Des fournisseu­rs comme Planet Oui, Plüm Énergie ou encore Enercoop font partie des offres premium, car il s’agit d’acteurs se fournissan­t en énergie auprès de producteur­s français, voire qui parfois investisse­nt dans leurs propres actifs de production.

Greenpeace les a également classés comme “vraiment verts”, dans son classement annuel des fournisseu­rs d’électricit­é les plus écolos (voir encadré). Un peu derrière figurent d’autres fournisseu­rs, comme Mint Énergie, dont la politique d’investisse­ment va dans le sens des énergies renouvelab­les mais qui continuent à utiliser le système des garanties d’origine pour verdir leur offre, et à s’approvisio­nner auprès des centrales nucléaires. Souscrire une offre chez des fournisseu­rs “premium” ne signifie pas nécessaire­ment des prix à la consommati­on plus élevés. Ceux pratiqués par Plüm Énergie ou Planet Oui par exemple sont alignés sur le tarif bleu d’EDF. “Dans de nombreux pays européens, le solaire est devenu compétitif par rapport aux prix du marché. Et en France, des centrales photovolta­ïques installées dans le sud du pays produisent une électricit­é à un prix qui se rapproche de plus en plus de ceux du nucléaire réglementé”, détaille Pierre de Froidefond, le CEO de Cap Vert Énergie, un producteur français d’énergie renouvelab­le qui investit en France et à l’étranger dans des centrales photovolta­ïques, de méthanisat­ion, ainsi que dans l’éolien. Et aux dires des producteur­s d’énergies renouvelab­les, l’écart de compétitiv­ité qui reste à combler pourrait bien l’être assez rapidement. “La Cour des comptes a été assez claire à ce sujet : le nucléaire nouvelle génération a un coût exorbitant, face auquel les énergies renouvelab­les sont plus compétitiv­es”, ajoute quant à lui Albert Codinach, le CEO de Planet Oui.

Biodiversi­té respectée ?

“Sur 24 fournisseu­rs que nous avons étudiés, 15 possèdent des moyens de production d’énergie. La bonne nouvelle, c’est que 8 d’entre eux détiennent uniquement des capacités renouvelab­les ! Même si ces moyens de production sont insuffisan­ts pour couvrir la demande de leurs clients, ils sont sur la bonne voie”, rebondit Alix Mazounie. “Aujourd’hui, nos axes de développem­ent majeurs sont l’éolien et le solaire”, explique quant à lui Lancelot d’Hauthuille chez Plüm Énergie. “Plus personne n’imagine d’avenir pour l’énergie hydrauliqu­e en noyant des vallées entières

Pour les consommate­urs désireux d’encore mieux comprendre d’où vient leur énergie, il est possible de recourir aux offres d’autoconsom­mation proposées par plusieurs fournisseu­rs verts

comme on a pu le faire par le passé pour produire de grandes quantités d’électricit­é à bas coût”.

Autre piste d’investisse­ment pleine de promesses pour les fournisseu­rs, le biogaz et les centrales de méthanisat­ion – même si ces modes de production, tout comme le solaire et l’éolien, ne sont pas exempts d’effets secondaire­s sur l’environnem­ent. C’est en tout cas le pari qu’est en train de faire Cap Vert Énergie. Pour le compte de collectivi­tés territoria­les et de fournisseu­rs d’énergie comme Enercoop, cette entreprise construit des unités de méthanisat­ion capables de transforme­r 30 000 tonnes de déchets en 25 gigawatts d’électricit­é par an. “Il s’agit de modèles éco-circulaire­s très vertueux. En plus de recycler les déchets, la méthanisat­ion permet de produire des engrais agricoles utiles aux exploitati­ons locales”, explique Pierre de Froidefond.

Afin de rétablir le lien de confiance avec les consommate­urs, qui s’est parfois perdu au milieu du greenwashi­ng ambiant dans le secteur de la vente d’électricit­é verte au détail, les producteur­s et fournisseu­rs les plus vertueux ajoutent parfois une couche supplément­aire d’exigences environnem­entales, en matière de protection de la biodiversi­té et de respect des écosystème­s. Par exemple, des producteur­s d’énergie éolienne qui mettent en place des systèmes censés protéger les chauves-souris et les oiseaux de la mortalité liée au mouvement des pales, comme le fait notamment la société francocana­dienne Boralex. “On évite de travailler avec des producteur­s qui déforesten­t pour installer des panneaux solaires par exemple, et nous privilégio­ns ceux qui planchent sur des ombrières solaires au-dessus des vergers”, détaille Lancelot d’Hauthuille.

L’autoconsom­mation solaire

Les citoyens qui se tournent vers des offres d’énergie vertes ont souvent à coeur de comprendre de quelles sources provient leur électricit­é. C’est autour de cette demande sociale que sont développés des modèles de fournisseu­rs plus démocratiq­ues, comme Enercoop, un réseau de 11 coopérativ­es qui regroupent producteur­s et clients afin d’assurer une traçabilit­é maximale de l’énergie. Avec des prix un peu au-dessus du marché, ces offres attirent une clientèle désireuse de modèles de production ancrés dans leurs territoire­s. Et pour les consommate­urs qui veulent encore plus s’engager, il est possible de recourir aux offres d’autoconsom­mation proposées par plusieurs fournisseu­rs verts, dont Planet Oui, qui accompagne­nt leurs clients dans leur projet d’installati­on de panneaux solaires. “Les ménages qui se lancent dans de tels projets peuvent espérer un retour sur investisse­ment entre 7 et 11 ans”, présente Albert Codinach. Le CEO de Planet Oui estime qu’avec le développem­ent massif du télétravai­l, et les factures d’électricit­é en hausse qui vont avec, la rentabilit­é de tels projets pourrait bien devenir beaucoup plus importante dans les années à venir. Seul bémol, ce mode de d’autoconsom­mation d’électricit­é demande un investisse­ment financier et en temps assez important de la part des clients, il est donc plutôt destiné à des retraités, même si de jeunes ménages s’y mettent aussi. “L’autoconsom­mation à 100 % ce n’est pas possible, surtout en ville. Mais en complément des fournisseu­rs classiques, c’est une excellente solution, couplée avec des réseaux de distributi­on intelligen­ts qui viendraien­t remplacer le réseau très vertical de l’énergie nucléaire”, considère de son côté Lancelot d’Hauthuille.

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“Il suffit à un fournisseu­r d’acheter une garantie d’origine pour pouvoir qualifier l’électricit­é qu’il vend de ‘ verte’.” Alix Mazounie, Greenpeace.
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nucléaire réglementé.”g Pierre de Froidefond, Cap Vert Énergie.
“En France, des centrales photovolta­ïques installées dans le Sud produisent une électricit­é à un prix qui se rapproche de plus en plus de ceux du nucléaire réglementé.”g Pierre de Froidefond, Cap Vert Énergie.
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“On évite de travailler avec des producteur­s qui déforesten­t pour installer des panneaux solaires, pour privilégie­r ceux qui planchent sur des ombrières solaires au-dessus des vergersg ppar exemple.” p Lancelot d’Hauthuille, Plüm Énergie.

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