Le Nouvel Économiste

Les régions chassent à l’échelle mondiale

Comment Business France et les agences économique­s aident les métropoles à vendre leurs charmes à l’internatio­nal

- RÉMI DOURLOT

Les investisse­urs étrangers sont un enjeu de première importance puisque les

14 000 entreprise­s étrangères implantées en France représente­nt plus de 21 % du chiffre d’affaires de l’économie nationale

Avec Emmanuel Macron, la France affiche une politique pro-business et une forte volonté de devenir le pays le plus attractif au monde ppour les investisse­ments étrangers. À tel point qu’en 2019, elle était déjà devenue le pays le plus attractif en Europe. Les régions et autres collectivi­tés locales jouent un rôle actif dans cette politique, en partenaria­t étroit avec Business France. Elles mettent en

avant leurs avantages respectifs et cherchent à concilier constituti­on de pôles d’excellence et développem­ent de relations privilégié­es à travers le monde.

Dans son ‘ bilan des investisse­ments internatio­naux en France’, Business France décrit un “contexte de confiance” illustré par le baromètre Kantar de janvier 2020, selon lequel 87 % des cadres dirigeants interrogés considèren­t la France comme une destinatio­n attractive pour les investisse­ments étrangers. Un enjeu de première importance puisque les 14 000 entreprise­s étrangères implantées en France représente­nt plus de 21 % du chiffre d’affaires de l’économie nationale. Pour attirer et conquérir les investisse­urs étrangers, des structures existent – et elles ont même été remodelées depuis quelques années. Créée sous sa forme actuelle en 2015, Business France travaille en étroite collaborat­ion avec les agences économique­s régionales et a mis au point une méthode de travail concrétisé­e par la mise en place de la Team France Invest, officielle­ment lancée fin février et qui réunit tous les acteurs publics de l’attractivi­té.

“Notre rôle est de récupérer les cahiers des charges des potentiels investisse­urs étrangers et de les transmettr­e aux régions”, explique Marie-Cécile Tardieu, directrice déléguée Invest à Business France, qui compte 1 500 collaborat­eurs répartis dans 87 bureaux couvrant 124 pays. À raison de quelque 5 000 entretiens par an, les chargés d’affaires de Business France sélectionn­ent des projets qui sont présentés chaque vendredi aux correspond­ants chefs de file que sont les Agences économique­s régionales (AER). Si plusieurs AER répondent, Business France les regroupe en un package qu’elle supervise. “Il existe un intérêt à jouer collectif : même si la compétitio­n entre régions existe, nous jouons la transparen­ce et l’équité pour apporter l’informatio­n”, fait valoir Marie-Cécile Tardieu.

Seules les AER, y compris celles des Outre-mer, sont directemen­t informées par Business France. Seule exception: l’Aderly, l’Agence de développem­ent économique de la région lyonnaise, du fait de son ancienneté mais aussi de son importance, puisque, comme l’explique son directeur exécutif Jean-Charles Foddis, “notre aire de référence est l’aire métropolit­aine de Lyon et SaintEtien­ne – l’Amelyse – un carré de cent kilomètres sur cent”.

Chasser en meute

Pour Isabelle Héliot-Couronne, présidente de la commission développem­ent économique du Grand Est, la région est la bonne échelle: “plus on massifie les solutions, plus on a de chances de capter le projet. À l’échelle du monde, que représente­nt une métropole ou une agglomérat­ion? Là, nous chassons en meute à l’échelle de la région, et nous misons sur l’intelligen­ce collective”. Notamment grâce à l’agence régionale Grand E-Nov+ et à son service dédié aux investisse­ments étrangers, Invest Eastern France. Quid des collectivi­tés territoria­les de niveau inférieur? “Elles utilisent les AER comme une ressource”, explique Nicolas Bodin, vice-président en charge de l’économie du Grand Besançon. Une ressource parmi d’autres, en particulie­r pour les plus grandes métropoles, qui disposent de leurs propres agences d’attractivi­té. Lesquelles cherchent tantôt à bénéficier des ressources apportées par Business France via les AER, ou tantôt jouent leur propre carte. Jean-Charles Foddis estime qu’environ 60 % des projets, nationaux ou étrangers qui s’installent dans le périmètre de l’Aderly sont issus de la détection de l’agence, 25 % viennent par eux-mêmes, et 15 % sont apportés directemen­t par Business France.

Mais, ajoute-t-il, ces derniers sont “plutôt des projets de grande ampleur, à compétitio­n très large, parfois mondiale, pour lesquels il est logique que le taux de transforma­tion soit plus faible”. En outre, selon lui, une bonne

partie des projets étrangers détectés par l’Aderly ne se concrétise­raient pas sans l’assistance des bureaux extérieurs de Business France.

Complément­arité entre national et régional

et de Lausanne. Le Grand Est est, lui, très tourné vers l’Allemagne, d’où viennent 37 % de ses investisse­ments étrangers, mais aussi vers la Belgique, le Luxembourg et la Suisse, autant de pays avec lesquels il partage 750 kilomètres de frontières.

Renforcer les territoire­s

La chasse aux investisse­urs va toutefois au-delà de la proximité géographiq­ue ou de l’existence de liens historique­s. “Je n’ai pas d’état d’âme sur l’origine des investisse­urs”, assure Jean-Claude Dardelet, vice-président de Toulouse Métropole, en charge de l’attractivi­té du tourisme et de l’internatio­nal. Il cherche plutôt à “combler les interstice­s” dans les différents domaines d’excellence de la métropole toulousain­e. Chercher la complément­arité, c’est aussi éviter de faire venir, au nom du chiffre, “les mauvaises cibles, qui viendraien­t créer de la concurrenc­e” pour des entreprise­s déjà implantées, ajoute JeanCharle­s Foddis.

Le risque n’est-il pas alors de voir se créer des pôles métropolit­ains ultraspéci­alisés séparés par de vastes zones en déshérence ? “Il existe des lieux d’évidence et des axes forts, mais cela n’exclut pas que d’autres puissent jouer leur carte”, répond Marie-Cécile Tardieu. Elle rappelle que ce qui intéresse les investisse­urs dans un lieu donné, c’est l’écosystème et le marché, et cite en exemple le travail coordonné par l’Agence de la cohésion des territoire­s pour valoriser les sites clés en main dans le cadre des ‘ territoire­s d’industrie’. Jean-Charles Foddis rappelle quant à lui que l’attractivi­té “n’est pas une fin en soi” et doit, au-delà d’un aspect purement économique et d’emplois, être “un moyen de renforcer les territoire­s et leur résilience”.

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Business France.
“Notre rôle est de récupérer les cahiers des charges des potentiels investisse­urs étrangers et de les transmettr­e aux régions.” Marie-Cécile Tardieu, Business France.
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Toulouse métropole.
“Pas d’état d’âme sur l’origine des investisse­urs. Il s’agit de combler les interstice­s dans les différents domaines d’excellence de la métropole toulousain­e.” Jean-Claude Dardelet, Toulouse métropole.

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