Pourquoi les hommes sont-ils plus seuls en Amérique ?
Se marier plus tard, travailler plus dur et être de meilleurs parents ont restreint leurs amitiés
Les hommes seuls font-ils les femmes américaines ?
fuir Un récent sketch de l’émission de télé
‘Saturday Night Live’, qui fait référence à des études concluant que les hommes en Amérique ont de moins en moins d’amis, suggère que c’est le cas. Une jeune femme, frustrée par l’incapacité de son petit ami à s’ouvrir à quelqu’un d’autre, le prend par la main et l’emmène dans un “parc pour hommes” (comme dans la version pour chiens) où, après un début timide, il trouve d’autres hommes avec qui se lier d’amitié. Certains téléspectateurs n’ont pas apprécié l’assimilation des hommes à des chiens, mais le sketch, qui est devenu viral, illustre de nouvelles préoccupations concernant une inquiétude qui ne date pas d’hier : la solitude des hommes américains.
Plus de réseaux, moins d’amis
Alors que les habitants des pays riches travaillent plus longtemps, se marient plus tard et passent plus de temps avec leurs enfants qu’avec leurs amis, les recherches suggèrent que la solitude augmente. Une étude de l’université de Pennsylvanie a établi un lien direct entre l’utilisation des médias sociaux et la solitude. Plus de temps passé en ligne signifie moins de temps passé à nouer des amitiés.
Le problème pourrait être particulièrement grave en Amérique. Une vaste étude internationale menée par des universitaires britanniques a révélé que les habitants des pays individualistes (l’Amérique étant en tête dans ce domaine) se sentent plus seuls. L’Amérique a également l’un des taux de divorce les plus élevés ; les hommes peuvent être plus susceptibles de perdre des amis communs après une séparation. Une forte conscience professionnelle et la mobilité géographique (ce qui signifie que les amitiés sont susceptibles d’être perdues ou affaiblies lorsque les gens déménagent) sont susceptibles d’exacerber le problème.
Une enquête publiée en 2021 par le Survey Centre on American Life, qui fait partie de l’American Enterprise Institute, un groupe de réflexion, a révélé que les groupes d’amis se sont réduits au cours des trois dernières décennies. Le déclin a été particulièrement marqué chez les hommes. En 1990, 55 % des hommes américains déclaraient avoir au moins six amis proches ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 27 %. L’enquête a révélé que 15 % des hommes n’ont pas du tout d’amis proches, soit cinq fois plus qu’en 1990.
La masculinité à l’américaine
Ceux qui étudient la solitude des hommes pensent qu’une version particulièrement américaine de la masculinité en est en partie responsable. Depuis 1990, Robert Garfield, psychothérapeute et auteur de ‘ Breaking the Male Code’ [Casser le code masculin, ndt], dirige des “friendship labs” (labo de l’amitié), des groupes thérapeutiques pour hommes, qui lui ont montré que les hommes ont besoin de liens affectifs. Mais, selon le Dr Garfield, qui a également dirigé de tels groupes en Europe, on inculque souvent aux garçons américains que les hommes qui réussissent présentent des traits de caractère particuliers – retenue, indépendance, compétitivité – au détriment des autres.
Avec l’évolution des droits des femmes et des LGBT au cours des dernières décennies, ainsi que des moyens plus émotionnels d’entrer en contact avec les autres, “on demande aux hommes
de se dépasser”, explique le Dr Garfi eld. Avec le temps, cela devrait avoir un effet positif sur les relations entre hommes, mais pour l’instant, “les hommes sont dans une phase de combat”.
Marc Schapiro, un professeur d’anglais de 24 ans originaire du Maryland, partage cet avis. Il dit qu’on lui a appris que l’amitié masculine était “stoïque et sans marque d’affection extérieure”. Mais aujourd’hui, il voit une représentation différente de l’amitié sur les médias sociaux, en particulier en ce qui concerne les femmes et les personnes LGBT. Il aimerait, dit- il, pouvoir “montrer plus d’affection et laisser tomber les commentaires sarcastiques et les moqueries constantes”, mais il trouve troublant le décalage entre ce qu’il a cru dans son enfance au sujet de l’amitié et la façon dont il voit les autres personnes se comporter les unes envers les autres. La “quasi- socialisation” que lui et ses amis pratiquent en ligne, par le biais de jeux et de divers forums, ne répond à aucun besoin réel, ajoute- t- il.
Le coût social de l’incompétence émotionnelle
Tout cela a un coût élevé. Le suicide est plus fréquent chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes. Niobe Way, psychologue à l’université de New York, étudie l’amitié masculine chez les adolescents et est l’auteur de ‘ Deep Secrets : Boys’Friendships and the Crisis of Connection’ [ Secrets profonds : l’amitié des garçons et la crise de la connexion]. Elle affi rme que ce n’est pas une coïncidence si cette divergence commence à se produire à l’âge où de nombreux garçons s’éloignent des amitiés proches. Dans l’enfance, dit- elle, les garçons ont tendance à être aussi ouverts que les fi lles quant à leur besoin d’amis. En grandissant, ils “sentent qu’ils doivent entrer dans un carcan de genre” et défi nissent leur masculinité principalement par le fait qu’ils ne sont pas féminins. À l’âge de 15 ans, de nombreux garçons commencent à dire qu’ils n’ont pas besoin d’amis et s’inquiètent de ce que des amitiés étroites les font paraître “féminins”. Ce “choc de la culture et de la nature”, selon le Dr Way, est beaucoup plus marqué chez les garçons blancs que chez les garçons noirs.
Les effets sont considérables. Des recherches ont établi un lien entre la solitude et une mauvaise santé. Elle peut rendre les hommes colériques et violents. La solitude masculine affecte également les femmes. Le Dr Garfi eld observe que deux tiers des divorces sont initiés par des femmes, dont beaucoup se plaignent de l’incompétence émotionnelle de leur mari. “Il n’y a rien de nouveau à ce sujet, mais les femmes sont de moins en moins
susceptibles de le supporter”, dit- il.
THE ECONOMIST
© 2022 The Economist Newspaper Limited. All rights reserved. Source The Economist, traduction Le nouvel Economiste, publié sous licence. L’article en version originale : www.economist.com.
Deux tiers des divorces sont initiés par des femmes, dont beaucoup se plaignent de l’incompétence émotionnelle de leur mari.