Le Nouvel Économiste

Reprendre une franchise sans se tromper

Moins risquée qu’une création, l’opération impose toutefois plusieurs points de vigilance pour garantir son succès

- SOPHIE SEBIROT

Les candidats à la franchise n’y pensent pas d’emblée, mais la reprise d’une activité peut être une bonne manière de débuter. Les avantages sont nombreux : installati­on

Devenir franchisé peut passer par la création d’une entreprise ou par la reprise d’un établissem­ent, notamment si l’on souhaite rejoindre un réseau qui arrive à maturité. Les candidats à la franchise n’y pensent pourtant pas de prime abord. Certains préfèrent installer une nouvelle enseigne ou tenter l’aventure d’un nouveau réseau ; d’autres, ayant une fibre plus entreprene­uriale, souhaitent impérative­ment ouvrir leur commerce. “Certains franchisés préfèrent reprendre d’abord une affaire, quitte à se lancer dans une création par la suite pour devenir multifranc­hisé ; d’autres préfèrent créer d’emblée leur propre entreprise”, commente Benoît Banchereau, responsabl­e des reventes magasins du réseau La Mie Câline, ayant 36 ans d’existence et 242 magasins au compteur. Les profession­nels de la franchise estiment que la reprise d’un point de vente est plus sécurisant­e, car le repreneur s’appuie sur un chiffre d’affaires (CA) déjà existant, dispose d’un local, d’une équipe et d’une clientèle.

plus rapide, personnel déjà formé et notoriété déjà existante. Par ailleurs, l’obtention d’un prêt bancaire est plus aisée. L’opération est donc moins risquée qu’une

Un démarrage rapide et sécurisé

De fait, la reprise d’une franchise présente de nombreux avantages : le repreneur peut commencer son activité plus rapidement et la prise de risque est moindre, l’enseigne et le magasin ayant déjà pignon sur rue.

Le chiffre d’affaires est connu, ce qui offre une sécurité. “Il n’existe pas de période de lancement et la clientèle est relativeme­nt acquise. Le délai de création est diminué, ce qui peut constituer un attrait”, confirme Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF). “La reprise est intéressan­te et très sécurisée, notamment pour des candidats en reconversi­on profession­nelle”, commente Marie Roger, chargée de développem­ent de L’Onglerie, réseau qui dispose de 113 franchises et célébrera en 2023 ses 40 ans. Certains réseaux parvenus à maturité ont mis au point une méthodolog­ie pour aider les franchisés qui souhaitent revendre leurs magasins. La Mie Câline a par exemple mis en place un “dossier de revente”. “Ce dossier est aussi un dossier de présentati­on de la région et de la ville où le repreneur souhaite s’implanter. Nous lui présentero­ns un audit du magasin, les leviers de progressio­n du magasin, la possibilit­é de le réaménager le cas échéant selon le nouveau concept, ainsi que les coûts des travaux à effectuer ou du matériel à racheter, car ces derniers peuvent faire varier le prix de vente du commerce”, commente Benoît Banchereau. Autre atout : l’obtention d’un prêt bancaire est plus aisée que pour une création si les résultats sont bons. Les banques s’appuieront sur les trois derniers bilans et les comptes de résultat de l’entreprise. “Toutefois, le candidat ne pourra pas bénéficier de création pure, même si elle peut s’avérer plus onéreuse. Mais d’autres éléments sont à étudier attentivem­ent afin de faire de la reprise d’une franchise un succès. certaines aides et subvention­s”, tient à préciser Michel Kahn, fondateur du cabinet Michel Kahn Consultant­s et président de l’Iref, la Fédération des réseaux Européens de franchise et de partenaria­t.

L’étude des comptes de l’activité à reprendre

En regard de tous ces avantages, reprendre une franchise nécessite un minimum de réflexion et de vigilance sur certains points. Selon Marie Roger, “l’anticipati­on tant personnell­e que financière est essentiell­e”. Outre l’apport personnel, il convient effectivem­ent de s’assurer de bien posséder les compétence­s techniques, commercial­es et de gestion nécessaire à une activité commercial­e. “La reprise d’une franchise varie selon l’enseigne. En général, il n’y a pas de problème pour reprendre un Mc Donald’s. Cela peut être plus complexe dans le cas d’une franchise plus technique ou lorsque le sens du commerce ou l’amabilité s’impose”, estime Michel Kahn.

L’étude des comptes du commerce s’impose pour s’assurer de sa bonne santé financière. Pour ce faire, les experts du secteur recommande­nt de s’entourer d’un avocat et d’un expert-comptable spécialisé­s dans la franchise. Le point clef d’une

La reprise d’une franchise a de nombreux avantages : une création plus rapide et une prise de risque moindre, l’enseigne et le magasin ayant déjà pignon sur rue

reprise de franchise est son CA, qui définira le prix de vente du commerce. Si le CA est moyen, le repreneur pourra obtenir une franchise à un prix raisonnabl­e ; s’il est élevé, la reprise pourra être plus onéreuse qu’une création. Le président de l’Iref invite d’ailleurs les candidats à la reprise à bien y réfléchir : “une reprise de franchise est similaire à une reprise d’entreprise. Elle peut s’avérer très onéreuse, voire davantage qu’une création, si la franchise obtient de très bons résultats. Dans ce cas, le candidat repreneur doit se demander si une création ne serait pas préférable”. Par ailleurs, Véronique DiscoursBu­hot souligne qu’“en cas de reprise d’une franchise qui fonctionne bien, il existe un risque d’érosion du CA au départ”. De son côté, Benoît Banchereau tempère : “la progressio­n du CA pourra être certes plus limitée que lors d’une création. Mais nous avons parfois de bonnes surprises, avec des progressio­ns de 20 % du CA après une reprise”. D’autres points de vigilance sont primordiau­x, selon Michel Kahn : “le candidat à la reprise d’une franchise doit savoir pour quelles raisons le franchisé souhaite céder son affaire. De même, il doit s’interroger sur la qualité de l’affaire à reprendre, son emplacemen­t, sur la manière dont il sera accompagné par la tête de réseau pour parvenir au même niveau que le cédant”. Des conseils que partage Véronique Discours-Buhot : “il est essentiel d’analyser l’activité de la franchise que l’on souhaite reprendre, vérifier que le concept a bien été respecté, si le franchisé cédant a été performant et en cas de sous-performanc­e, en comprendre les raisons”. Et d’ajouter : “le candidat repreneur doit veiller à la mise à niveau du concept de l’enseigne et vérifier si de nouveaux investisse­ments seront imposés par le franchiseu­r à la reprise ou dans le futur. Il est également crucial, comme dans toute reprise d’entreprise, de bien auditer la franchise cédée, comme, par exemple, regarder la situation du bail commercial”. Comme dans le cas d’une création, il s’agira d’échanger avec le franchiseu­r, mais aussi avec d’autres franchisés de l’enseigne s’impose.

Personnel, royalties et accompagne­ment

D’autres points sont à prendre en compte. Certes, le repreneur d’une franchise bénéficier­a d’un personnel formé et d’une clientèle potentiell­ement acquise. Toutefois, les clients comme le personnel ont leurs habitudes. “Un changement de propriétai­re peut entraîner une perte de clients ou du départ de personnel”, estime Michel Kahn. L’inverse est également vrai. Tout dépendra de la personnali­té du cédant comme du repreneur. Le repreneur ne bénéficier­a pas non plus de certains avantages réservés au créateur d’une enseigne. Ainsi, le système de royalties progressiv­es accordé dans le cadre d’une création chez La Mie Câline ne le sera pas dans le cadre d’une reprise.

Le franchisé repreneur doit également étudier l’accompagne­ment qu’on lui proposera. “Lorsque le franchisé vendeur et le repreneur se sont mis d’accord sur un prix de revente, La Mie Câline accompagne­ra au mieux le repreneur tant sur le plan financier qu’en matière d’exploitati­on du magasin”, indique Benoît Banchereau. Pour sa part, Marie Roger fait valoir que “L’Onglerie propose un accompagne­ment important avec une formation initiale technique pour les candidat(e)s repreneurs qui ne sont pas prothésist­es ongulaires. Elle accompagne aussi les candidats tant sur le plan financier que juridique”. De son côté, Michel Kahn, dont le cabinet propose une procédure d’accompagne­ment pour les créations comme pour les reprises, annonce que “l’Iref est en train de mettre en place un fonds dédié pour la reprise de franchises. Ce fonds d’investisse­ment aidera les repreneurs sur les points de vigilance à contrôler. Il pourra aussi intervenir sur la qualité d’un dossier ou d’un repreneur”.

Une opération soumise à l’accord du franchiseu­r

Contrairem­ent à la création, la reprise d’une franchise n’est pas un pas de deux. Si le vendeur et le repreneur peuvent discuter et se mettre d’accord sur le prix de vente, le franchiseu­r a le dernier mot sur le choix du repreneur. “Il s’agit d’un dialogue à trois entre le franchisé cédant, le candidat franchisé repreneur et le franchiseu­r qui doit valider le repreneur”, fait valoir Véronique

Discours-Buhot. Le franchiseu­r doit agréer le candidat car un contrat de franchise est un contrat intuitu personae. Autrement dit, le contrat engage une personne et non une entreprise. Ce contrat n’est donc pas cessible. “Il arrive qu’une franchisée nous apporte des candidates. Cependant, en tant que franchiseu­r, nous disposons d’un droit de regard et devons valider le repreneur”, confirme Marie Roger. Ce droit de regard peut aller loin. “Le franchiseu­r a parfaiteme­nt le droit de ne pas agréer un candidat et peut demander un changement d’enseigne”, fait remarquer Michel Kahn, qui ajoute : “il existe en outre souvent une clause de préemption : le franchiseu­r est prioritair­e dans le rachat de la franchise, avant quiconque”. Les franchises sont souvent reprises par un collaborat­eur. Une solution rassurante pour le franchiseu­r, “car le repreneur connaîtra le secteur, le concept et les valeurs de la marque”, admet la déléguée générale de la FFF.

Pour ceux qui estiment avoir la bosse du commerce mais n’ont pas l’apport financier nécessaire pour reprendre une franchise, la locationgé­rance est également une possibilit­é (voir encadré). Elle demande un apport personnel moins important et est également sécurisant­e. À chacun d’étudier et de choisir la formule la plus adaptée.

 ?? ??
 ?? ?? “Certains franchisés préfèrent reprendre d’abord une affaire, quitte à se lancer
dans une création par la suite.” Benoît Banchereau, La Mie Câline.
“Certains franchisés préfèrent reprendre d’abord une affaire, quitte à se lancer dans une création par la suite.” Benoît Banchereau, La Mie Câline.
 ?? ?? “Il est crucial, comme dans toute reprise d’entreprise, de bien auditer la franchise cédée.” Véronique Discours-Buhot, Fédération française de la franchise.
“Il est crucial, comme dans toute reprise d’entreprise, de bien auditer la franchise cédée.” Véronique Discours-Buhot, Fédération française de la franchise.
 ?? ?? “L’Iref est en train de mettre en place un fonds dédié pour la reprise de franchises.” Michel Kahn, Iref.
“L’Iref est en train de mettre en place un fonds dédié pour la reprise de franchises.” Michel Kahn, Iref.

Newspapers in French

Newspapers from France