L’affacturage export, mode d’emploi
Le pas à pas du factoring à l’international pour les PME, TPE et jeunes pousses
L’affacturage consiste en quelque sorte à transformer rapidement ses factures en liquidités. Comment ? En cédant ses factures à un affactureur, ou factor, qui se chargera ensuite de les encaisser auprès du débiteur. Coût de la prestation : une commission de 0,7 à 2 % environ
Se lancer dans l’aventure de l’export présente souvent des risques pour les petites entreprises. Mais si elle est bien conçue, la prestation de l’affacturage permet de les limiter, grâce à trois piliers sécurisants : l’assurance-crédit, l’apport de financement en échange de factures, et l’assistance au recouvrement de créances. Encore faut-il calculer au plus près ses besoins de financement, et être accompagné par des professionnels à la fois bien présents à l’international et rompus aux arcanes du commerce globalisé.
“L’export sera indéniablement la clé de la reprise pour les entreprises françaises. De belles opportunités existent pour combler les manques à gagner de 2020, avec 47 milliards d’euros de débouchés additionnels à capter en 2022”, affirme Clarisse Kopff, CEO et présidente du directoire du groupe d’assurance-crédit Euler Hermes.
Autant dire que pour beaucoup de PME et de jeunes entreprises en création, l’exportation peut constituer un vecteur de développement utile, voire indispensable, pour compenser la crise de 2020 et bénéficier de la reprise. Ainsi, selon une étude d’Euler Hermes, “huit entreprises sur dix envisageaient d’accroître leur chiffre d’affaires à l’export en 2021. Les secteurs les plus volontaristes sont les biens d’équipement, l’agriculture, l’énergie et le bâtiment. 70 % des exportateurs favorisent l’export depuis la France à l’implantation locale, et 77 % comptent utiliser leur trésorerie pour financer leur développement export.”
Reste que l’internationalisation d’une activité est complexe et peut comporter des risques. Utiliser sa trésorerie pour financer le développement à l’export est possible, mais recourir à l’affacturage permet à la fois de la mobiliser et de la sécuriser. Une opération qui consiste en quelque sorte à transformer rapidement ses factures en liquidités. Comment ? En cédant ses factures à un affactureur, ou factor, qui se chargera ensuite de les encaisser auprès du débiteur. Coût de la prestation : une commission de 0,7 à 2 % environ prélevée sur l’ensemble des factures. “L’affacturage repose en fait sur un triptyque, explique Philippe Bricault, directeur général délégué au commerce de BNP Paribas Factor. D’abord, fournir des liquidités à l’exportateur, puis apporter une garantie contre le risque d’impayé, et enfin assurer la prestation de relance et de recouvrement.” Une triple prestation qui vise à sécuriser au maximum les entreprises candidates à l’export.
94 % des clients de l’affacturage sont des TPE-PME
Selon l’Association française des sociétés financières (ASF), l’affacturage “s’adresse à toutes les entreprises, de tous secteurs d’activité, qu’elles travaillent avec des entreprises ou des organismes publics”. Et 94 % des clients de l’affacturage étaient des TPE-PME en 2020. Avant d’explorer l’ensemble des solutions proposées par l’affacturage, un exportateur ou futur exportateur doit connaître les composantes et les tendances du marché pour savoir dans quelle conjoncture évolue un futur partenaire.
Selon l’institut d’études privé Xerfi, et son rapport intitulé ‘Les acteurs de l’affacturage et de l’assurance-crédit face à la montée du risque - Horizon 2022’ basé notamment sur les derniers chiffres de l’ASF, “l’affacturage n’avait fait que 39 000 adeptes en 2019, soit un taux de pénétration très modeste. À l’inverse, la conquête de nouveaux grands comptes devient très compliquée : en 2018, par exemple, aucun nouveau groupe du CAC 40 n’était venu à l’affacturage”. Autrement dit, puisque le marché des très grandes entreprises est saturé, les TPE, PME et jeunes entreprises vont être courtisées par les professionnels de l’affacturage et pourront bénéficier d’opportunités commerciales. Celles-ci risquent d’être d’autant plus nombreuses que les factors ont tiré la langue du fait de la crise : selon l’ASF, l’année 2020 a été particulièrement sombre puisque les sociétés d’affacturage en France ont pris en charge 323,6 milliards d’euros de créances, soit une baisse de -7,5 % par rapport à 2019.
Un financement indépendant du bilan
Les petites entreprises candidates à l’export pourraient bien trouver dans ce marché de l’affacturage plutôt atone une solution de sécurisation financière intéressante. “L’avantage majeur de l’affacturage pour des sociétés qui exportent est qu’il leur permet de recevoir immédiatement le paiement de leurs factures sans devoir attendre la date d’échéance”, explique David Van der Looven, cofondateur d’Edebex. Pour Guillaume de Drouas, créateur d’Altassura, “l’affacturage permet de raccourcir les cycles d’encaissement. C’est important car les délais de paiement à l’export sont plus longs (90 jours)”.
L’outil est également avantageux face aux prêts bancaires ou aux lignes de crédit. “ autres prestations de financement, l’affacturage permet de ne pas plafonner le montant financé”, soutient Sophie Susterac, directrice commerciale régionale de Factofrance.
En effet, en fonction du bilan de l’entreprise, une banque va proposer un découvert ou une ligne de financement export plafonnés. Mais avec l’affacturage, le factor achète la facture et la finance, et ce sans plafond.
Ce financement est dit “autoliquidatif”, car ce n’est pas l’entreprise exportatrice qui paie, mais son client. Dès lors, l’affacturage s’adresse à tout type d’entreprise, même celles qui débutent leur activité. “Les créateurs d’entreprise n’ont pas besoin de nous remettre un premier bilan pour se financer. Ce qui nous intéresse, c’est la qualité et la solidité de leurs clients”, poursuit Sophie Susterac. Souplesse et adaptabilité font également partie des atouts de l’affacturage, un point d’autant plus important quand il s’agit d’activité à l’international. “L’affacturage est un instrument beaucoup plus flexible que le crédit classique, il s’adapte constamment à la réalité du chiffre d’affaires réalisé à l’export. La mise en place de l’affacturage dépend plus de la solvabilité des débiteurs que de celle de la PME qui y a recours. Or, dans un crédit classique, c’est le contraire !” rappelle David Van der Looven.
Enfin, l’impact sur le bilan est un point fort de l’affacturage, même s’il reste souvent méconnu des dirigeants de PME et des créateurs d’entreprise. Ainsi, Guillaume de Drouas souligne que “l’affacturage n’imprime pas d’impact négatif sur le bilan: comme il ne s’agit pas de dettes, mais de conversion d’une créance en liquidité, les ratios financiers ne sont pas dégradés”.
Un accompagnement au-delà du financement
Pour une PME ou une jeune entreprise exportatrice, l’affacturage repose donc sur trois solides piliers qui lui permettent de sécuriser son activité à l’international : garantie de paiement, recouvrement, financement de son BFR (besoin en fonds de roulement). “Certains factors vont jusqu’à financer le cycle de commande. Dans ce cas, l’affacturage débute dès la présentation du bon de commande, et permet de financer le process de production” affirme Guillaume de Drouas. Parallèlement à ces services purement financiers, certaines sociétés de factoring proposent des prestations d’accompagnement. “Si un entrepreneur veut se lancer dans l’exportation, il lui faudra réaliser des études de marché, rechercher des partenaires, ou être accompagné pour installer une structure localement. Dans ce cas, BNP Paribas pourra solliciter son réseau d’experts internationaux Trade Development”, commente Philippe Bricault.
Pièges et chausse-trapes de l’affacturage
Si l’affacturage offre une panoplie de prestations ciblant les entreprises exportatrices, il convient cependant de ne pas le confondre avec l’assurance-crédit. En général, l’assurance-crédit est incluse dans une prestation globale que l’on appelle le “full factoring”. Mais il est possible de renoncer à ce volet pour aller négocier une assurance-crédit spécifique et sur mesure, afin d’obtenir un tarif plus avantageux ou une couverture plus importante (lire encadré).
Deuxième erreur à éviter : ouvrir une ligne affacturage sous-dimensionnée. “Cela risque de bloquer les financements de l’exportateur, de coûter trop cher par rapport au service apporté, et de ne pas accompagner de façon pertinente le développement de l’activité”, précise Stéphanie Coursange, directrice de Delubac Factor. L’inverse est aussi à proscrire : ouvrir une ligne d’affacturage surdimensionnée risque de coûter cher en frais fixes, frais récurrents ou de gestion. “Le problème, c’est que si le prévisionnel est trop important, il faut malgré tout payer un minimum de coût de prime”, souligne Guillaume de Drouas chez Altassura. Concernant spécifiquement le volet export, des outils proposés par certains affactureurs permettent d’aiguiller l’entreprise dans ses démarches. “BNP Paribas Factor s’est associée au Moci [revue française spécialisée dans le commerce international, ndlr] pour réaliser un livre blanc et éclairer les exportateurs”, souligne Philippe Bricault. En effet, lorsqu’une entreprise se lance à l’export, elle possède peu d’informations sur ses clients étrangers, notamment sur leur solvabilité. “Concrètement, l’entreprise nous soumet la liste de ses clients étrangers, avec l’estimation de chaque chiffre d’affaires, explique Sophie Susterac de Factofrance. Nous indiquons ceux pour lesquels nous pouvons couvrir le risque contre les impayés. Cela permet à un primo-exportateur de sélectionner ses clients dès le démarrage de l’export.” C’est également lors de cette étape que le factor peut apporter de précieux conseils quant aux divers modes de règlement – ainsi, en Italie, la “riba” est très courante quand le “pagaré bancario” a la cote en Espagne. Vient ensuite la relance des clients à l’étranger. Une démarche cruciale du fait des barrières linguistiques et des techniques de relance diverses selon les régions : les pays latins, comme l’Espagne ou l’Italie, sont plus sensibles aux relances à l’oral ou par téléphone. À l’inverse, les pays nordiques sont plus réceptifs aux courriels et aux courriers papier.
La gestion des devises mérite également une attention particulière. “Nous aidons les exportateurs au niveau du financement en devises si leurs clients veulent payer autrement qu’en euros, souligne Sophie Susterac. Par exemple, si une entreprise vend aux États-Unis et que son client paye en dollars, il peut être intéressant pour l’exportateur d’avoir un sous-compte d’affacturage en dollars, ce qui lui évitera d’avoir à supporter un risque de change.”
Dernière question : comment choisir son factor ? Sans surprise, Guillaume de Drouas, d’Altassura, recommande de “passer par un courtier pour sélectionner la société d’affacturage”. Outre Altassura, d’autres courtiers existent comme Chateaudun Crédit ou Affacturageportail.fr, qui proposent en général un simulateur en ligne pour estimer les coûts. L’exportateur peut aussi contacter sa banque pour savoir si celle-ci propose une prestation d’affacturage.
C’est généralement le cas dans les grands groupes : BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et même la Banque Postale (qui reste peu implantée à l’international). Une banque peut également être membre du FCI (Factors Chain International) ou disposer d’un solide réseau de correspondants à l’étranger. Le tout est de bien définir ses besoins pour être accompagné avec soin.