Le Nouvel Économiste

Vivre avec la covid qui rôde autour

C’est comme l’opinion de Woody Allen sur la mort : si je n’en ai plus vraiment peur, je ne veux tout simplement pas être là quand elle arrivera

-

J’ai une fenêtre de tir dans mon agenda pour attraper la Covid-19.

Le seul problème est que Mme Covid a elle aussi une fenêtre dans son agenda pour m’attraper, et le deux pourraient ne pas être alignées. Mi-avril me conviendra­it. Fin avril, c’est encore mieux. Ma progénitur­e sera de retour à l’université. Il n’y a aucun événement qu’il serait grave de manquer. Il y a en même certains dont je pourrais supporter la déception d’avoir à les annuler.

Y a-t-il une réglementa­tion gouverneme­ntale que j’ai manquée ? Vous n’êtes plus légalement obligé de vous mettre en quarantain­e ou de porter un masque, mais vous devez tweeter une photo de votre test antigéniqu­e positif ?

Malheureus­ement, Mme Covid est plutôt exigeante. Son assistant me pousse à trouver une date. Apparemmen­t, elle est dans les environs et aimerait vraiment se débarrasse­r des résistants tant qu’elle est là. Elle est presque aussi insistante qu’EDF essayant de me faire signer pour un compteur intelligen­t. J’attends les appels téléphoniq­ues (vers le téléphone fixe, évidemment) : “Bonjour, ici Steve du service clientèle de la Covid. D’après nos dossiers, nous n’avons pas encore pu vous équiper avec un test positif et une toux grasse. Nous nous

demandions s’il y avait un bon jour pour vous rendre visite cette semaine ?”

Le dire ou ne pas le dire ?

Je n’ai pas entièremen­t esquivé le virus, l’ayant attrapé dès le début, avant qu’il ne soit à la mode. Mais je l’ai contracté si légèrement que je ne l’ai su que lorsque j’ai fait un test d’anticorps, après quoi j’ai fait le fier jusqu’à la deuxième vague. Mais le service clientèle me pousse à passer à la variante BA.2 (ou Omicron Plus), qui offre de nombreuses nouvelles fonctionna­lités intéressan­tes.

Quoi qu’il en soit, je ne peux pas prétendre que je suis sûr d’esquiver cette balle pendant encore trois semaines, jusqu’à ce que soient passés les grands événements que je préférerai­s ne pas manquer. Les gens tombent comme des mouches autour de moi. Les chances que j’attrape la covid au moment où vous lisez ces lignes sont à peine plus élevées que celles que j’ai déjà au moment où j’écris ces lignes. Il se peut que je doive conduire un convoi de vêtements en Ukraine, juste pour rester hors de danger. L’omniprésen­ce de la vague actuelle s’est fait sentir il y a environ six semaines, avec un pic significat­if du nombre de collègues, de parents et d’amis qui ont soudaineme­nt envoyé des e-mails ou tweeté leur statut Covid. D’ailleurs, depuis quand rendre publique ses maladies

est-il devenu un phénomène courant ? S’agit-il uniquement de la covid ou existe-t-il des lésions de la peau dont l’étiquette exige qu’elles soient également rendues publiques sur les réseaux sociaux ? Y a-t-il une réglementa­tion gouverneme­ntale que j’ai manquée ? Vous n’êtes plus légalement obligé de vous mettre en quarantain­e ou de porter un masque, mais vous devez tweeter une photo de votre test antigéniqu­e positif ? Par ailleurs, quelles sont les nouvelles règles ? Si votre test est positif, êtes-vous toujours autorisé à assister aux fêtes de Downing Street ?

Test et cas contacts

La semaine dernière, deux collègues proches m’ont envoyé un courriel pour m’annoncer qu’ils avaient été testés positifs un jour après m’avoir parlé, et dans aucun des cas je n’étais le patient zéro. Des amis qui s’étaient donné beaucoup de mal pour éviter l’infection, notamment ceux qui se protégeaie­nt pour des raisons médicales, ont été victimes de cette vague.

Jusqu’à présent, la bonne nouvelle est qu’une combinaiso­n de vaccins et d’antiviraux leur a permis de s’en sortir et qu’ils sont maintenant plutôt soulagés d’en avoir fini avec cette maladie. J’aimerais bien en finir aussi, mais c’est comme la conception de Woody Allen sur la mort : si je n’en ai plus vraiment peur, je ne veux tout simplement pas être là

quand elle arrivera.

Une partie du problème réside dans le fait que les tests antigéniqu­es semblent maintenant être en retard sur les symptômes plutôt qu’en avance sur eux. Les experts disent que cela est dû au fait que la vaccinatio­n déclenche une réponse immunitair­e avant même que vous ne deveniez contagieux, mais cela change la dynamique des tests si le but premier d’un antigéniqu­e n’est plus de vous avertir que vous avez la Covid mais de confirmer que oui, en fin de compte vous l’avez eu il y a trois jours.

Vivre avec la covid

Alors, que signifie vivre avec la Covid maintenant ? Eh bien, fondamenta­lement, cela signifie accepter que vous allez l’attraper, vous assurer que vous êtes vacciné, espérer le meilleur et essayer de gérer le désagrémen­t. C’est évidemment un énorme progrès par rapport à avant. Dans la hiérarchie des pandémies, le désagrémen­t est définitive­ment préférable à la mort.

Mais dans la pratique, cela signifie qu’il faut établir une hiérarchie claire des priorités et des risques. Un événement familial important, une réunion de travail cruciale ou les semaines précédant des vacances peuvent nécessiter un retrait régulier des activités non essentiell­es. Nous allons devoir nous habituer à expliquer à nos amis – et à ce que nos amis nous expliquent – que

même si nous étions impatients de les voir, il y a quelque chose qui nous importe davantage.

Il est clair que tout cela doit se décider au niveau du foyer. Il n’y a rien de bon à se ficher de la santé d’un beau-parent si votre moitié est contre. Nous travaillon­s actuelleme­nt sur un diagramme pyramidal, une sorte de hiérarchie de Maslow des besoins de socialisat­ion. Le défi est de savoir comment le garder secret tout en incitant les gens à en faire la promotion.

Je m’excuse donc par avance auprès des amis mécontents. Et Mme Covid, si vous pouviez m’inscrire pour la fin avril, je viendrai en paix.

ROBERT SHRIMSLEY

Que signifie vivre avec la covid maintenant ? Eh bien, fondamenta­lement, cela signifie accepter que vous allez l’attraper, vous assurer que vous êtes vacciné, espérer le meilleur et essayer de gérer le désagrémen­t.

 ?? ?? Dans la hiérarchie des pandémies, le désagrémen­t est définitive­ment préférable à la mort. Mais dans la pratique, cela signifie qu’il faut établir une hiérarchie claire des priorités et des risques.
Dans la hiérarchie des pandémies, le désagrémen­t est définitive­ment préférable à la mort. Mais dans la pratique, cela signifie qu’il faut établir une hiérarchie claire des priorités et des risques.

Newspapers in French

Newspapers from France