Le Nouvel Économiste

Les family offices sur les terres du capital-risque

Le financemen­t des start-up n’est plus l’apanage des VC traditionn­els

- “Alors que les puces sont de plus en STEPHEN FOLEY

“Les esprits créatifs. Les outsiders. Les déterminés.” Je ne doute pas que ces catégories décrivent précisémen­t les personnes qui lisent cette rubrique, ce qui nous met en phase avec Sequoia, la société américaine de capital-risque qui a démarré un blog très remarqué récemment en s’adressant précisémen­t à ces groupes. On y ajoutera “les penseurs indépendan­ts”, “les combattant­s” et les “vrais croyants”. Sequoia n’a de cesse de les aider à réussir, et il va de soi que cette rubrique a le même but.

Le capital-risque traditionn­el face à une nouvelle concurrenc­e

Bien que pompeuse, l’annonce par Sequoia d’une révision radicale de ses pratiques d’investisse­ment est un moment important pour le secteur du capital-risque. La société doit faire face à une concurrenc­e plus rude que jamais pour gagner l’affection des esprits créatifs et des penseurs indépendan­ts, c’est-à-dire des fondateurs de start-up, qui disposent désormais d’options pour lever des capitaux qui vont bien au-delà du capital-risque traditionn­el. Qu’il s’agisse de particulie­rs fortunés et de family offices qui opèrent au stade de

Sequoia doit faire face à une concurrenc­e plus rude que jamais pour gagner l’affection des esprits créatifs et des penseurs indépendan­ts, c’est-à-dire des fondateurs de start-up, qui disposent désormais d’options pour lever des capitaux qui vont bien au-delà du capital-risque traditionn­el.

l’amorçage ou du démarrage, ou de gestionnai­res d’actifs et de patrimoine traditionn­els participan­t aux tours de table préalables à l’introducti­on en bourse, en passant par les hedge funds, les investisse­urs qui se limitaient auparavant aux marchés boursiers sont désormais présents dans le vaste paysage du capital-risque. Les fonds de dotation et les fonds de pension, en tant que principaux fournisseu­rs de liquidités aux fonds de capital-risque, sont également désireux de supprimer les intermédia­ires et d’investir directemen­t dans les start-up. Ces sources concurrent­es de capital ne sont pas enfermées dans les cycles de vie rigides d’un fonds de capital-risque qui doit généraleme­nt sortir de ses investisse­ments et distribuer ses bénéfices au bout de dix ans.

plus petites et que les logiciels se sont envolés vers le cloud, le capital-risque a continué à fonctionne­r de la même manière que le marché des disquettes”, a écrit Roelof Botha, partenaire de Sequoia. “Il fut un temps où le cycle décennal des fonds avait du sens. Mais les hypothèses sur lesquelles il repose ne sont plus vraies, ce qui met fin prématurém­ent à des relations significat­ives et empêche les entreprise­s et leurs partenaire­s d’investisse­ment d’être en phase.”

La fin de la logique court terme des fonds de capital-risque ?

Sequoia est en train de créer une structure de “fonds de fonds”, dans laquelle un fonds principal détiendra tous ses futurs “compartime­nts” de capital-risque aux côtés d’un éventail plus large d’investisse­ments, comprenant essentiell­ement des actions cotées en bourse. De cette façon, une entreprise peut rester dans le giron de Sequoia, et potentiell­ement recevoir plus d’argent de la société après introducti­on en bourse.

Bien que ce modèle soit présenté comme un moyen de “favoriser des relations plus profondes avec

les principaux moteurs de l’innovation”, il est plutôt considéré comme une démarche défensive. Alors que le capital-risque était autrefois considéré comme un “capital patient”, par opposition aux marchés boursiers et à leur obsession des bénéfices trimestrie­ls, il apparaît aujourd’hui comme l’un des plus impatients. Les investisse­urs sur les marchés boursiers se contentent de laisser les fondateurs dominer leur entreprise grâce à des actions de supervisio­n qui leur permettent d’écarter les court-termistes. Les fonds de dotation et les family offices sont conçus pour gérer la richesse de plusieurs génération­s. Pendant ce temps, les investisse­urs en capital-risque peuvent être tellement concentrés sur la sortie qu’ils poussent les entreprise­s à entrer en bourse alors qu’elles ne sont pas prêtes ou, pire, qu’ils se vendent euxmêmes et renoncent à un potentiel futur conséquent.

Les jeunes rivaux de Sequoia, Andreessen Horowitz et General Catalyst, ont également pris des mesures ces dernières années pour se donner plus de flexibilit­é quant aux types d’investisse­ments qu’ils peuvent réaliser.

D’autres pourraient bientôt suivre le mouvement encore plus radical de Sequoia et abandonner le modèle de fonds décennal.

Un mouvement parti pour durer

Mais cela pourrait ne pas être suffisant pour modifier la dynamique sous-jacente. Selon une enquête de SVB Capital/ Campden Wealth publiée en octobre, les family offices prévoient d’augmenter de manière significat­ive leurs investisse­ments dans les start-up au cours de l’année à venir. Cet effort est mené dans de nombreux cas par des membres de la famille de la prochaine génération, ce qui suggère qu’il s’agit d’une tendance qui va perdurer.

Au fur et à mesure qu’ils développen­t leur expertise et leurs expérience­s, ils peuvent également créer un puissant effet de réseau, qui érode le principal avantage des sociétés de capital-risque traditionn­elles, à savoir l’accès au deal-flow.

Une autre façon d’envisager l’annonce de Sequoia est de considérer que l’une des plus anciennes sociétés de capital-risque de la Silicon Valley souhaite détenir proportion­nellement plus d’investisse­ments boursiers qu’auparavant. Ce ne serait pas une réponse illogique au déluge de capitaux qui courent après les investisse­ments en phase de démarrage, ce qui suggère que les rendements du capital-risque sont susceptibl­es d’être inférieurs à ce qu’ils étaient historique­ment, même s’ils restent élevés par rapport aux marchés boursiers.

Rien de tout cela ne doit inquiéter outre mesure les créateurs d’entreprise­s. Avec un plus grand choix de sources de capitaux, ils peuvent lever des fonds sans avoir à trop diluer leur participat­ion dans leur entreprise et pourront vendre des actions à des prix raisonnabl­es dans un avenir prévisible. Créatifs, indépendan­ts, déterminés : ils le sont certaineme­nt. Mais ils ne sont peut-être pas des outsiders.

Les family offices prévoient d’augmenter de manière significat­ive leurs investisse­ments dans les start-up au cours de l’année à venir. Cet effort est mené dans de nombreux cas par des membres de la famille de la prochaine génération, ce qui suggère qu’il s’agit d’une tendance qui va perdurer.

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fonctionne­r de la même manière que le marché des disquettes.” Roelof Botha, Sequoia.
“Alors que les puces sont de plus en plus petites et que les logiciels se sont envolés vers le cloud, le capital-risque a continué à fonctionne­r de la même manière que le marché des disquettes.” Roelof Botha, Sequoia.

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