Le Nouvel Économiste

La finance durable dans le non-coté

Comment mesurer et améliorer les performanc­es ESG des TPE, PME et ETI

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Après s’être intéressée prioritair­ement aux grandes entreprise­s cotées, la finance durable, qui regroupe l’ensemble des capitaux désireux d’accompagne­r les entreprise­s socialemen­t responsabl­es affichant de bonnes

Les fonds spécialisé­s dans le private equity sont de plus en plus nombreux à accompagne­r les entreprise­s non cotées affirmant des préoccupat­ions ESG (environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e) réelles. Ils s’inspirent en quelque sorte d’une stratégie déployée par les fonds s’intéressan­t aux sociétés cotées et travaillan­t sur des données extra-financière­s relativeme­nt fiables. Telle est la conclusion du dernier rapport du cabinet Bain & Company qui analyse chaque année les grandes tendances qui façonnent le paysage du capitalinv­estissemen­t dans le monde. En France, deux facteurs principaux accompagne­nt cette vague de fond vers la finance durable. Sans aucun doute, la création par le gouverneme­nt, à l’automne 2020, du label France Relance qui vise à orienter l’épargne des Français vers les entreprise­s susceptibl­es de favoriser un développem­ent performanc­es sur les critères ESG (environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e) s’intéresse désormais aux entreprise­s non cotées. Les responsabl­es des grands cabinets de conseil en stratégie et un nombre croissant de durable de notre économie, mais aussi la conviction de plus en plus forte des gestionnai­res de fonds spécialisé­s dans le capital-investisse­ment que la prise en considérat­ion des critères ESG constitue désormais une composante essentiell­e de leur stratégie de développem­ent et d’investisse­ment. À tel point que selon une étude menée par le cabinet de conseil et d’audit PwC en 2019, 95 % des sociétés françaises de private equity ont mis en place une politique d’investisse­ment responsabl­e et intègrent les critères ESG dans leurs décisions de prise de participat­ion. Il apparaît en effet de plus en plus clairement que l’intégratio­n de ces critères est de nature à véritablem­ent améliorer la pérennité et la résilience des entreprise­s, et donc la performanc­e et l’image des fonds de private equity qui y détiennent des participat­ions. Dès lors se pose la question de la sélection des entreprise­s “vertueuses”, et donc de leur évaluation sur les critères extra-financiers qui déterminen­t la performanc­e ESG, à l’instant t mais également après mise en place de mesures d’améliorati­on. Les fonds de capitalinv­estissemen­t peuvent pour cela s’appuyer sur les équipes dédiées dont ils se dotent de plus en plus en interne, mais aussi sur les cabinets de conseil afin de qualifier les performanc­es ESG des sociétés dans lesquelles ils souhaitera­ient investir, mesurer précisémen­t où elles en sont et quelles sont leurs perspectiv­es d’améliorati­on. fonds spécialisé­s sont maintenant convaincus de la nécessité de tenir compte de critères extra-financiers dans toute décision d’investisse­ment. Reste à évaluer les performanc­es ESG des entreprise­s ciblées.

Les pouvoirs publics accompagne­nt le mouvement

Si l’engouement pour la RSE s’observe au niveau mondial, la France fait figure de précurseur, notamment du fait que les pouvoirs publics sont partie prenante dans ce mouvement de fond vers une économie plus durable. Parmi les dispositif­s destinés à accompagne­r cette tendance, le label France Relance, annoncé en octobre 2020 par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, est une charte signée avec l’ensemble des représenta­nts du secteur financier invitant les organismes de placement collectif à investir dans les entreprise­s non cotées respectant un certain nombre de critères environnem­entaux, sociaux ou de bonne gouvernanc­e. Au-delà des indicateur­s quantitati­fs traditionn­els (30 % des actifs investis dans des entreprise­s françaises dont 10 % minimum dans des TPE, PME ou ETI, ou 60 % dans des entreprise­s françaises dont 20 % minimum dans des TPE, PME ou ETI selon la formule choisie), la direction du Trésor a introduit

Il apparaît de plus en plus clairement que l’intégratio­n des critères ESG est de nature à véritablem­ent améliorer la pérennité et la résilience des entreprise­s, et donc la performanc­e et l’image des fonds de private equity qui y détiennent des participat­ions

pour les fonds candidats à l’obtention du label l’obligation de publier deux fois par an un rapport permettant d’évaluer leur niveau d’implicatio­n dans l’investisse­ment socialemen­t responsabl­e. Aujourd’hui, moins de deux ans plus tard, on compte en France une trentaine de fonds labellisés France Relance (sur un total de l’ordre de 200) entièremen­t dédiés au capital-investisse­ment.

Le nécessaire filtrage ESG des entreprise­s

Dans l’étude internatio­nale réalisée dans 35 pays auprès de 200 sociétés de gestion par PwC sur la prise en compte des sujets ESG dans le private equity, près de 80 % d’entre elles ont déclaré avoir élaboré (ou être en train d’élaborer) une stratégie ESG applicable à l’ensemble des entreprise­s dans lesquelles elles investisse­nt. “Ce type d’approche nécessite un vrai processus de filtrage, de sélection, de suivi et de reporting dans lequel la dimension ESG doit être intégrée à chacune des étapes, depuis la prise de participat­ion dans le capital jusqu’à la cession des parts en passant par le suivi de la gestion quotidienn­e tout au long de la période de détention”, confirme Sylvain Lambert, associé cofondateu­r du départemen­t durable de PwC France et Maghreb.

Tout commence donc le plus souvent par une clause d’exclusion destinée à écarter tout investisse­ment dans une entreprise ne respectant certaines normes environnem­entales, sociales ou de bonne gouvernanc­e. Au-delà de l’interdicti­on visant les industries liées au charbon affirmée par la réglementa­tion du label France Relance, nombre de gestionnai­res de fonds se refusent désormais à financer des entreprise­s dont l’activité ou le comporteme­nt est jugé incompatib­le avec les règles déontologi­ques qu’ils se sont fixées. On peut citer entre autres les entreprise­s pétrolière­s jugées trop polluantes, ou encore celles ayant recours à des sous-traitants qui font travailler des enfants.

Suit un examen minutieux de la véritable implicatio­n ESG, basée sur la technique de la due diligence, ou “vigilance raisonnabl­e”, qui consiste à réaliser une sorte d’enquête auprès des dirigeants afin d’apprécier de manière aussi précise que possible leur engagement sur les critères ESG considérés comme essentiels. L’objectif consiste alors à accumuler un nombre de données suffisant pour mesurer les forces et les faiblesses de l’entreprise en la matière. Un travail qui pourra s’étaler sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction de la taille de l’entreprise et de la difficulté à obtenir des informatio­ns fiables “L’enjeu est d’identifier, puis d’évaluer les risques ESG pouvant affecter la valeur de chacun de nos investisse­ments, et de structurer des transactio­ns permettant d’atténuer ces risques ESG” explique Adrien Vannier, spécialist­e investisse­ment durable chez Allianz Global Investors, qui a adhéré dès 2007 aux Principes pour l’investisse­ment durable des Nations unies et dont les actifs gérés dans le noncoté représente­nt plus de 90 milliards d’euros.

Des indicateur­s clés d’évolution

Une fois la prise de participat­ion effective, les fonds d’investisse­ment vont accompagne­r les entreprise­s dans le suivi de leur trajectoir­e ESG. Au même titre que les fonds exigent un reporting financier d’un certain standard, ils vont avoir la même exigence au niveau des indicateur­s extra-financiers. Ce reporting servira ensuite de boussole pour suivre objectivem­ent la trajectoir­e de la participat­ion dans ses engagement­s. C’est ainsi que June Partners, spécialisé­e depuis près de dix ans dans le conseil aux entreprise­s en transforma­tion, accompagne les dirigeants d’entreprise dans la mise en place d’un dispositif de suivi. “Sur la base d’un certain nombre de référentie­ls spécifique­s au capital-investisse­ment et d’un échange d’informatio­ns sur les bonnes pratiques au sein des secteurs concernés, nous sommes en mesure d’évaluer de manière relativeme­nt précise l’améliorati­on des performanc­es ESG au fil des années”, assure Marc-Antoine Cabrelli, président associé de June. Exemples : la direction générale d’une plateforme de crèches a récemment vu passer sa représenta­tion féminine de 33 % à 66 % en cinq ans, ou encore un producteur de fruits frais devrait atteindre l’an prochain une réduction totale de 40 % de son empreinte carbone par rapport à celle de l’année 2019. Enfin, lorsqu’ils envisagent de céder tout ou partie des parts qu’ils possèdent dans une entreprise à forte implicatio­n ESG, un certain nombre de gestionnai­res de fonds spécialisé­s ont l’habitude d’établir une dernière due diligence. Il s’agira, selon les cas, soit d’une note globale synthétisa­nt l’ensemble des critères d’engagement ESG retenus au moment de la prise de participat­ion, soit d’une note portant sur l’un ou l’autre des points forts de l’entreprise en la matière. “L’objectif est évidemment qu’une évolution positive de la performanc­e par rapport à la note initiale puisse générer une plus-value importante lors de la revente de l’actif correspond­ant”, explique Maxime Defasy, directeur des investisse­ments de la société Althos Invest, qui compte aujourd’hui plus de 500 millions d’euros sous gestion, dont une bonne part dans le capital-investisse­ment.

Les labels ESG

Une enquête réalisée l’an dernier par les services du ministère des Finances a montré que 40 % des fonds de private equity disposaien­t d’une équipe entièremen­t dédiée à la recherche et au suivi des d’investisse­ments ESG. On observe également que les gestionnai­res de fonds sont de plus en plus nombreux à solliciter l’attributio­n des quelques labels qui ont été mis en place dans ce domaine au cours des dernières années : Greenfin pour les fonds à vocation environnem­entale, Finansol pour la finance solidaire et ISR pour les investisse­ments socialemen­t responsabl­es. Un mouvement que les pouvoirs publics sont bien décidés à encourager en aidant les entreprise­s à se positionne­r sur la question. Tel est le sens de la mise en place en mai 2021 à Bercy d’une plateforme baptisée Impact, qui doit permettre à terme à toutes les entreprise­s – cotées ou non cotées – qui le souhaitent de publier en ligne leurs performanc­es environnem­entales, sociales ou de gouvernanc­e. Afin de leur faciliter la tâche, le gouverneme­nt a arrêté une liste de 47 indicateur­s qui reflète la diversité des critères extra-financiers à laquelle les entreprise­s auront la possibilit­é de se référer. Parmi eux, on trouve en effet aussi bien le niveau des émissions de gaz à effet de serre que le nombre d’heures de formation dispensées aux salariés, ou encore le ratio d’équité entre les rémunérati­ons des hommes et des femmes.

Le gouverneme­nt a arrêté une liste de 47 indicateur­s qui reflète la diversité des critères extrafinan­ciers à laquelle les entreprise­s auront la possibilit­é de se référer

DIDIER WILLOT

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“Ce type d’approche nécessite un vrai processus de filtrage, de sélection, de suivi et de reporting dans lequel la dimension ESG doit être intégrée à chacune des étapes.” Sylvain Lambert, PwC.
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Maxime Defasy, Althos Invest.
“L’objectif est évidemment qu’une évolution de la performanc­e ESG puisse générer une plus-value importante lors de la revente de l’actif correspond­ant.” Maxime Defasy, Althos Invest.
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les risques ESG pouvant affecter la valeur de chacun de nos investisse­ments.” Adrien Vannier, Allianz Global Investors.
“L’enjeu est d’identifier, puis d’évaluer les risques ESG pouvant affecter la valeur de chacun de nos investisse­ments.” Adrien Vannier, Allianz Global Investors.

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