Le Nouvel Économiste

La vague d’attentats en Israël est appelée à durer

Arabes israéliens et palestinie­ns des territoire­s occupés restent unis par le ressentime­nt et le désespoir face à la stagnation de leur cause.

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

En cette semaine de fêtes saintes, Israël a, comme les analystes le craignaien­t, subi la pire vague de violences interrelig­ieuses depuis sept ans, celles-ci faisant quatorze victimes en dix jours. Mais le modus operandi de ces quatre attentats jette une lumière nouvelle sur la cause palestinie­nne. En effet, si les attaques de Bnei Brak et de Tel Aviv sont le fait de Palestinie­ns de Cisjordani­e,

Ces attaques ne sont que le résultat d’une politique qui, sous couvert d’accorder des droits et des concession­s aux Palestinie­ns et aux citoyens arabes d’Israël, poursuit et étend l’occupation des territoire­s palestinie­ns et le contrôle de sites religieux à Jérusalem, donc maintient le problème au lieu de le résoudre

territoire occupé par Israël, deux d’entre elles ont été perpétrées par des Arabes israéliens, donc citoyens de l’État hébreu, soupçonnés d’être des sympathisa­nts de Daech. Étonnammen­t, aucun mouvement pro-palestinie­n, pas même le Hamas, n’a revendiqué ces attaques, et Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinie­nne, a même condamné la tuerie de Bnei Brak. L’État islamique, qui par ailleurs peut par opportunis­me réclamer la paternité d’une attaque isolée, ne l’a pas fait dans ce cas précis, le combat palestinie­n n’étant pas au coeur de ses priorités.

Arabes d’Israël et Palestinie­ns unis dans le désespoir

Contrairem­ent aux précédente­s vagues d’attentats, celle-ci est d’autant plus inquiétant­e pour l’État hébreu qu’elle présente une tendance qui sera peut-être amenée à perdurer. Si le combat pour la création d’un État palestinie­n est passé au second plan au niveau internatio­nal, il persiste toujours localement et a simplement changé de nature : auparavant programmée­s, les attaques sont désormais dépourvues de toute planificat­ion, perpétrées par des individus isolés aux profils et motivation­s très différents. En effet, pour les Arabes d’Israël, descendant­s des Palestinie­ns ayant refusé l’exil en 1948 qui représente­nt aujourd’hui 20 % de la population israélienn­e, l’objectif est d’obtenir les mêmes droits que leurs concitoyen­s, et non de rester relégués au rang d’une minorité ostracisée. Pour les Palestinie­ns des territoire­s occupés, l’inexorable colonisati­on israélienn­e et

le lot quotidien d’injustices et d’exactions qui y sont observées justifient la riposte d’un peuple apatride. Tous sont unis par le ressentime­nt et le désespoir face à la stagnation de leur cause.

La politique de Neftali Benett en question

En Israël, ce regain de violence inquiète et constitue un challenge pour le gouverneme­nt de coalition de Neftali Bennett. À droite comme à gauche, le Premier ministre israélien a essuyé les critiques. Les premiers lui reprochent sa trop grande tolérance et ses mesures en faveur des Arabes israéliens et des Palestinie­ns, notamment l’inclusion du parti arabe Raam au sein de la coalition, ce qui limiterait de facto la capacité de riposte de l’État hébreu face aux attaques palestinie­nnes. En dix mois au pouvoir, Neftali Bennett a en effet accordé plusieurs concession­s aux Palestinie­ns : un accès à la mosquée al-Aqsa facilité pour les résidents de Cisjordani­e et de Gaza ainsi qu’un statut légal pour des milliers d’entre eux qui en étaient dépourvus, des permis de travail israéliens ainsi qu’un prêt de 156 millions de dollars à l’Autorité palestinie­nne, qui gère 40 % de la Cisjordani­e, afin d’apaiser les tensions économique­s et sociales dans les territoire­s occupés. Mais pour les travaillis­tes, ces “mesurettes” éludent le véritable problème, la création d’un État palestinie­n,

dont les négociatio­ns ont été reportées aux calendes grecques, expliquant les tensions actuelles. La situation dans laquelle vit Israël depuis plus de 70 ans aux côtés des territoire­s palestinie­ns a fait de la violence à son égard une possibilit­é permanente. Aujourd’hui, si la nouveauté réside dans son expression devenue aléatoire, pour les Palestinie­ns, ses motivation­s structurel­les restent évidentes : la réalité est que ces attaques ne sont que le résultat d’une politique qui, sous couvert d’accorder des droits et des concession­s aux Palestinie­ns et aux citoyens arabes d’Israël, poursuit et étend l’occupation des territoire­s palestinie­ns et le contrôle de sites religieux à Jérusalem, donc maintient le problème au lieu de le résoudre. L’aspiration légitime des Palestinie­ns à avoir leur propre État reste toujours aussi chimérique, Neftali Bennett s’opposant à la moindre souveraine­té palestinie­nne. La colonisati­on s’est même renforcée : en Cisjordani­e, l’État hébreu prévoit la constructi­on de milliers de logements dédiés aux colons, restreint la liberté de mouvement des Palestinie­ns au sein même du territoire occupé, et applique toujours, de concert avec l’Égypte, un blocus sur la bande de Gaza.

Pourquoi ces attaques isolées ?

Invisible pour les Israéliens, l’occupation crée une impasse permanente pour les Palestinie­ns. Par ailleurs, le désintérêt des

leaders arabes de la région pour la cause palestinie­nne contribue à exacerber leur désespoir et leur sentiment d’abandon, une impression que le récent sommet du Neguev entre les pays signataire­s des accords d’Abraham et les États-Unis n’a fait que confirmer. En outre, la jeunesse palestinie­nne se défie de plus en plus des institutio­ns comme l’Autorité palestinie­nne, jugée corrompue, autocratiq­ue et inefficace. Un encouragem­ent, semble-t-il, à reprendre le combat à titre individuel, ce qui expliquera­it le caractère imprévisib­le des attentats. L’identité du responsabl­e de l’attaque à TelAviv corrobore d’ailleurs cette théorie : l’homme avait 8 ans lors de l’opération Rempart menée par l’armée israélienn­e contre le camp de réfugiés de Jénine, il y a très exactement 20 ans, dans le but d’y dénicher les combattant­s de trois organisati­ons palestinie­nnes. Un quartier entier du camp avait alors été détruit, aplani au bulldozer par Tsahal, et le nombre de victimes reste à ce jour sujet à controvers­e.

Le statu quo que vise le gouverneme­nt israélien reste donc instable par nature. En Israël, l’absence de sécurité a relancé les discours de haine et d’ostracisme à l’égard des concitoyen­s arabes et des Palestinie­ns, alimentant encore plus le cycle de violence. La stratégie de “réduction du conflit” de Neftali Bennett offre une absence d’horizon politique aux Palestinie­ns, et aucune paix

définitive aux Israéliens. Entre les deux peuples, le climat qui dure depuis 1948 risque fort malheureus­ement de perdurer encore longtemps, faute de véritable courage politique de part et d’autre.

La stratégie de “réduction du conflit” de Neftali Bennett offre une absence d’horizon politique aux Palestinie­ns, et aucune paix définitive aux Israéliens. Entre les deux peuples, le climat qui dure depuis

1948 risque fort malheureus­ement de perdurer encore longtemps, faute de véritable courage politique de part et d’autre.

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semble-t-il, à reprendre le combat à titre individuel, ce qui expliquera­it le caractère imprévisib­le des attentats.
La jeunesse palestinie­nne se défie de plus en plus des institutio­ns comme l’Autorité palestinie­nne, jugée corrompue, autocratiq­ue et inefficace. Un encouragem­ent, semble-t-il, à reprendre le combat à titre individuel, ce qui expliquera­it le caractère imprévisib­le des attentats.

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