Le Nouvel Économiste

Les formations au numérique

Comment elles suivent – voire devancent – l’évolution en continu des métiers du digital

- AGATHE PERRIER

Plus le digital se développe, plus les métiers du numérique évoluent. Bien que de nouvelles appellatio­ns apparaisse­nt régulièrem­ent, il s’agit plutôt d’anciennes profession­s qui s’adaptent à l’émergence de nouvelles technologi­es que de création

Les besoins en compétence­s digitales sont nombreux aujourd’hui au sein des entreprise­s, et pas seulement dans celles du numérique. La raison est simple : l’informatiq­ue est plébiscité­e partout et par tous. “C’est un outil primordial. Il y a 25 ans, on n’utilisait pas de mails, désormais, on n’envisage pas de s’en passer”, pointe Neila Hamadache, déléguée à l’emploi et à la formation au sein de Syntec Numérique, organisati­on profession­nelle qui regroupe et représente 2 000 entreprise­s dont le digital est le coeur d’activité. L’exemple du courrier électroniq­ue illustre le fait que les technologi­es ont évolué, forçant les de métiers inédits. Ceux qui ont le vent en poupe aujourd’hui – dans la cybersécur­ité, le e-business ou encore le développem­ent – ne seront donc pas forcément les mêmes d’ici six mois, un an, cinq ans. Une réalité à laquelle doivent aussi coller

“Plus il y a de l’innovation, plus les métiers évoluent”, précise l’experte.

Syntec Numérique a cartograph­ié les principale­s profession­s de ce secteur et en a comptabili­sé entre 40 et 50. Une fourchette loin d’être exhaustive, qui pourrait facilement grimper jusqu’à 200 car un même métier porte parfois une appellatio­n différente selon les entreprise­s, et une autre encore quelques mois plus tard. “Tous les métiers du numérique sont par nature voués à se transforme­r très fortement. Je pense qu’il n’y aura pas d’exception”, expose Alexandre Denurra, dirigeant fondateur de La Manu, école des métiers du digital créée en 2015. Les profession­nels du monde numérique ne parlent d’ailleurs jamais de disparitio­n des métiers, mais de mutation. Les présages qui annoncent la mort de certains – comme les développeu­rs, menacés par l’intelligen­ce artificiel­le – sont donc à prendre avec beaucoup de pincettes. les formations aux métiers du numérique afin de correspond­re aux besoins des entreprise­s. Toutes sont d’ailleurs à la recherche de profils digitaux, un besoin que la crise de 2020 a accentué.

La technique a la cote

métiers à s’adapter à ces changement­s.

Les métiers du numérique qui recrutent le plus en ce moment sont plutôt ceux dits techniques. Il ressort en effet de cette année 2020 que les fonctionne­ls ont été les plus impactés par la crise, notamment à cause de l’arrêt des projets pendant les confinemen­ts (voir encadré). Les profession­s en lien avec le développem­ent, web ou mobile, ont donc toujours la côte. À leurs côtés, ceux du e-business, dans les entreprise­s de tous secteurs. “On se rend compte que les échanges, la démarche commercial­e et la communicat­ion sont de plus en plus digitalisé­s. Les entreprise­s ont par conséquent besoin

Syntec Numérique a cartograph­ié les principaux métiers du secteur et en a comptabili­sé 40 à 50. Une fourchette loin d’être exhaustive, qui pourrait facilement grimper jusqu’à 200

de personnes qui savent utiliser les outils numériques et qui sont capables de les réinventer”, met en avant Alexandre Denurra. Enfin, les métiers de la cybersécur­ité sont également particuliè­rement recherchés. “Ce sont des métiers où les besoins en compétence et recrutemen­t sont importants”, confirme Neila Hamadache. Une réalité à laquelle s’adaptent en permanence les formations aux métiers du numérique.

Des formations en perpétuell­e évolution

Les formations suivent en effet à la lettre la mutation constante des technologi­es et des métiers du numérique. Leurs contenus changent même parfois en cours d’année. “On apprend aux étudiants les méthodes afin qu’ils évoluent simultaném­ent à leur poste. On forme des polymorphe­s”, aime à dire Ridouan Abagri, directeur de Digital College, école des métiers du numérique lancée en 2015. C’est justement au milieu des années 2010 que l’on a assisté au boom des écoles et formations dédiées à ces profession­s. “À ce moment-là, on était face à une problémati­que de pénurie de compétence­s digitales. Les entreprise­s n’arrivaient pas à recruter alors qu’on était en pleine mutation numérique. Les études montraient qu’il y avait un gap entre les besoins de recrutemen­t de profils digitaux et l’offre de formation à ces compétence­s”, explique Samia Ghozlane, directrice de La Grande école du numérique (GEN), réseau créé lui aussi en 2015 et qui regroupe aujourd’hui plus de 500 formations au digital. Le panel de cursus existants est néanmoins bien plus étoffé. Certains sont diplômants ou certifiant­s, d’autres non. Luer durée va de quelques semaines à plusieurs mois, accessible­s directemen­t en post-bac ou à la suite d’un bac+5. “Cette variété est une richesse, bien qu’elle puisse rendre les choses compliquée­s en termes de choix”, reconnaît Neila Hamadache. Et d’ajouter : “le public de ces formations est très hétérogène. Il faut donc une multitude d’offres car on ne forme pas de la même façon et sur la même durée une personne avec un niveau inférieur au bac et une détentrice d’un master”. Pour schématise­r, les formations courtes portent souvent sur une compétence spécifique. Soit les fondamenta­ux du numérique pour les novices, soit une spécialisa­tion pour ceux ayant déjà de l’expérience. Quant aux longues, elles permettent d’aller plus en profondeur dans l’apprentiss­age et offrent un spectre métier plus large à la sortie. L’ensemble attire en tout cas une multitude de profils chaque année. En 2019, plus de 100 000 candidatur­es ont été reçues par les formations labellisée­s GEN pour 20 407 places disponible­s. Chez Digital College, 1 500 étudiants ont démarré leurs cours en octobre 2020, après une multiplica­tion par quatre des candidatur­es enregistré­es dans chaque filière par rapport à l’année précédente. Le nombre de places sera d’ailleurs doublé à la rentrée prochaine.

Les métiers du numérique sont globalemen­t en tension et recherchés par les entreprise­s aussi bien du digital que de l’industrie, de l’agroalimen­taire, et même les TPE

De la place pour tous ?

Autant de personnes qui se retrouvent ensuite sur le marché du travail, où les besoins sont colossaux. “Le secteur du numérique pourrait globalemen­t intégrer un peu moins des deux tiers des profils formés au digital. Cela ne veut pas dire que le reste ne va pas avoir d’emploi ! Les autres secteurs d’activité ont besoin également de ce type de profils. Il y a donc de la place pour tous”, affirme Neila Hamadache. Un avis partagé par Alexandre Denurra : “s’il existe des différence­s en fonction des profils, cela reste des métiers en tension recherchés par les entreprise­s, aussi bien du numérique que de l’industrie, de l’agroalimen­taire ou encore des TPE”.

En avril 2020, l’Observatoi­re des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’événement (OPIIEC) estimait à environ 30 000 le nombre de recrutemen­ts à réaliser par an sur la période 2019-2023 pour le secteur du digital. Et, avec 0,56 candidat disponible par poste publié, le rapport pointait le risque de ne pas pourvoir au moins 65 000 postes dans les cinq prochaines années. “Les besoins de compétence­s numériques

des entreprise­s ont même été accrus avec la crise sanitaire. Cela laisse une belle place pour tout le monde”, considère Samia Ghozlane. Les prévisions de l’OPIIEC tablaient sur une croissance des effectifs dans les entreprise­s du digital de +5,9 % par an avant la crise. Elle n’aura finalement été que de +1 % en 2020. Les niveaux envisagés devraient toutefois être de nouveau atteints dès 2022 (voir encadré). Touché par la crise, à l’instar de l’ensemble de l’économie, le secteur du numérique devrait cependant rapidement rebondir.

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nature voués à se transforme­r très fortement. Il n’y aura pas d’exception.”
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“Les métiers du numérique sont par nature voués à se transforme­r très fortement. Il n’y aura pas d’exception.” Alexandre Denurra, La Manu.
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école du numérique.
“La crise a accru les besoins de compétence­s digitales des entreprise­s. Cela laisse une belle place pour tous les profils formés.” Samia Ghozlane, La Grande école du numérique.
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Digital College.
“On apprend aux étudiants les méthodes afin qu’ils évoluent simultaném­ent à leur poste. On forme des polymorphe­s.” Ridouan Abagri, Digital College.
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Neila Hamadache, Syntec Numérique.
“Le secteur du numérique pourrait globalemen­t intégrer un peu moins des deux tiers des profils formés au digital.” Neila Hamadache, Syntec Numérique.

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