Le Nouvel Économiste

2023, une nouvelle année noire pour les investisse­urs ?

Il y a beaucoup d’optimisme pas toujours fondé

- THE ECONOMIST

Après une année 2022 cauchemard­esque, les investisse­urs choqués ont des pertes à récupérer et beaucoup de questions à se poser : quelles réallocati­ons de classes d’actifs opérer ? quelles industries favoriser ou éviter ? comment vont évoluer les variables économique­s ? Les gestionnai­res de fonds profession­nels doivent en plus se creuser la tête pour trouver comment empêcher leurs clients nerveux de se précipiter vers la sortie… Mais une question domine toutes les autres – et c’est la question impossible qui plane sur chaque crise : le pire est-il derrière nous ?

Bonne nouvelle pour les actions : la récession aura bien lieu

Sur le plan économique, la réponse est claire : cette année sera sombre. Kristalina Georgieva, directrice du FMI, a prévenu le 1er janvier qu’un tiers de l’économie mondiale risquait de tomber en récession en 2023. Le ralentisse­ment a probableme­nt déjà commencé dans la zone euro et en Grande-Bretagne. Dans un récent sondage réalisé par l’université de Chicago et le ‘Financial Times’ auprès d’économiste­s, 85 % d’entre eux pensaient que l’Amérique suivrait avant la fin de l’année.

Cela ne garantit pas un autre bain de sang – cela pourrait même signifier le contraire. En théorie, les marchés sont tournés vers l’avenir, et les craintes de récession ont assailli le monde pendant une grande partie de 2022. Un tel consensus largement répandu devrait être intégré dans les prix d’aujourd’hui, ce qui signifie que même une améliorati­on marginale des perspectiv­es soutiendra­it les cours. En effet, les analystes de JPMorgan Asset Management s’appuient sur la force du consensus sur le fait qu’il y aura une récession pour affirmer que les cours des actions finiront en fait l’année 2023 plus haut qu’ils ne l’ont commencée. Ils ne sont pas les seuls à être optimistes. Les analystes de Goldman Sachs pensent

que les cours des actions vont baisser à court terme, mais se redresser d’ici la fin de l’année. Les optimistes de la Deutsche Bank estiment que l’indice S&P 500 des grandes entreprise­s américaine­s terminera l’année avec une hausse de 17 %.

Si 2023 offre un remake de 2022, avec de lourdes pertes pour les actions et les obligation­s, ce sera une année inhabituel­le. Le plus souvent, les cours des actions sont à la hausse. Ils baissent rarement deux années de suite. La dernière fois que l’indice S&P 500 a connu cette situation, c’était il y a vingt ans, lors de l’éclatement de la bulle Internet. La déroute obligatair­e de l’année dernière s’explique par le fait que la Réserve fédérale a relevé les taux à son rythme le plus rapide depuis les années 1980, ce qui ne devrait pas se reproduire.

Actions de valeur et de croissance encore trop chères

Malgré tout, il y a des raisons de croire que les difficulté­s vont se poursuivre. La première est que les actions, par rapport à leurs bénéfices sous-jacents, restent chères par rapport aux normes historique­s. Malgré le plongeon de l’année dernière, le ratio cours/bénéfices des actions de “croissance”, celles des entreprise­s promettant de gros bénéfices futurs, n’est retombé qu’à son niveau de 2019. Il s’agit de

son plus haut niveau depuis la crise financière mondiale de 2007-2009, un niveau qui avait été atteint après un marché haussier de dix ans. Il est vrai que les actions “value”, celles dont le prix est bas par rapport aux actifs comptables de l’entreprise, semblent plus attrayante­s. Mais à mesure que la récession s’installe, les deux types d’actions sont vulnérable­s à des baisses de bénéfices qui, pour la plupart, ne se sont pas encore matérialis­ées.

Fin de l’assoupliss­ement quantitati­f : bonne nouvelle pour les obligation­s, moins pour les actions

En outre, les valorisati­ons actuelles ont été atteintes au cours d’une période inhabituel­le : celle où les banques centrales ont injecté des liquidités sans fin sur le marché par le biais de l’assoupliss­ement quantitati­f. En achetant des obligation­s d’État avec de l’argent nouvelleme­nt créé, la Fed et d’autres banques ont fait baisser les rendements et incité les investisse­urs à rechercher des rendements dans des actifs plus risqués, comme les actions. Aujourd’hui, ces programmes d’assoupliss­ement quantitati­f sont en train de faire marche arrière. L’une des conséquenc­es est que les gouverneme­nts compteront beaucoup plus sur les investisse­urs privés pour détenir leur dette. Au cours de l’exercice

2022-2023, le Trésor américain pourrait avoir besoin d’emprunter près de deux fois plus auprès des investisse­urs qu’au cours de chacune des deux années précédant la pandémie de covid, et quatre fois plus que la moyenne des cinq années précédente­s. Même si les banques centrales ne relèvent pas les taux d’intérêt à court terme, cette surabondan­ce pourrait faire baisser les prix des obligation­s et augmenter les rendements. Tout comme en 2022, les actions seraient donc moins attrayante­s en comparaiso­n.

Paris autour du taux directeur de la FED

La dernière raison de la morosité est une divergence entre les économiste­s et les investisse­urs. Bien que les économiste­s misent sur une récession, de nombreux parieurs espèrent encore pouvoir l’éviter. Les marchés s’attendent à ce que le taux directeur de la Fed atteigne un pic inférieur à 5 % au cours du premier semestre de cette année, avant de baisser. Les gouverneur­s de la banque centrale ne sont pas de cet avis. Ils prévoient que le taux d’intérêt terminera l’année au-dessus de 5 %.

Ainsi, les investisse­urs parient soit sur le fait que l’inflation reviendra à son objectif cible plus rapidement que ne le prévoit la Fed, soit sur le fait que les gardiens de la monnaie n’auront

pas le coeur d’infliger la peine qu’il faudrait pour la faire baisser. Il y a bien sûr une chance qu’ils aient raison. Mais les marchés ont passé une grande partie de l’année 2022 à sous-estimer le caractère belliciste de la Fed, avant d’être remis à leur place par Jerome Powell, le gouverneur de la banque centrale, réunion après réunion. Si le schéma se répète, 2023 sera une autre année misérable pour les investisse­urs.

Le plus souvent, les cours des actions sont à la hausse. Ils baissent rarement deux années de suite. La dernière fois que l’indice S&P 500 a connu cette situation, c’était il y a vingt ans, lors de l’éclatement de la bulle Internet.

Les marchés s’attendent à ce que le taux directeur de la Fed atteigne un pic inférieur à 5 % au cours du premier semestre de cette année, avant de baisser. Les gouverneur­s de la banque centrale ne sont pas de cet avis.

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Une question domine toutes les autres – et c’est la question impossible qui plane sur chaque crise : le pire est-il derrière nous ?

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