Le Nouvel Économiste

Les très riches heures de Mr Trump devant la justice américaine

Une actrice porno, des documents classifiés, l’émeute du Capitole : les électeurs seront-ils prêts à ignorer le passif judiciaire du candidat en 2024 ?

- BIDEN POWER, ANNE TOULOUSE

Le samedi 25 mars, Donald Trump a tenu son premier meeting de la campagne présidenti­elle de 2024, à Waco, au Texas. Devant une assemblée de fidèles entre les fidèles, il a consacré une grande partie de son discours à se plaindre de l’acharnemen­t de la justice à son égard. Il est vrai qu’à lui seul, il donne du travail aux tribunaux. Il fait actuelleme­nt l’objet de six enquêtes, trois relevant de la justice civile et trois de la justice criminelle. Il faut ici faire une parenthèse pour expliquer ce que signifient ces deux catégories aux États-Unis. Lorsque l’on emploie le terme “criminel”, cela ne veut pas dire que la personne visée a tué son prochain ou attaqué une banque à main armée. Cela recouvre en fait toutes les infraction­s contre le système public, que ce soit l’État ou les institutio­ns. La justice civile s’occupe pour sa part des différents entre particulie­rs.

Longue liste de passif judiciaire

L’affaire qui est actuelleme­nt sur le devant de la scène, celle qui implique l’actrice de films pornograph­iques dite Stormy Daniels,

est a priori un faux en écriture. Pendant la campagne présidenti­elle de 2016, l’actrice a essayé de vendre à la presse le récit d’une aventure qu’elle aurait eu avec Donald Trump en 2006. Celui-ci a nié les faits, mais lui a néanmoins fait verser 130 000 dollars en échange de son silence. Il n’y avait à ce moment-là rien d’illégal puisque, Stormy Daniels n’ayant pas porté plainte, on ne pouvait pas parler de subornatio­n de témoin. Mais, par souci de discrétion, la somme a été avancée par Michael Cohen, l’un des avocats de Trump, qui a été remboursé sous forme d’honoraires, ce qui est un faux. C’est un simple délit, sauf si l’on rattache

cette infraction à une opération de falsificat­ion de plus grande envergure, dans laquelle est impliqué l’avocat, ce qui explique d’ailleurs son ardeur à coopérer. C’est ainsi qu’un procureur de Manhattan, Alvin Bragg, s’est saisi de ce dossier. Mais non loin de ses bureaux, Laetitia James, Attorney General, c’est-à-dire ministre de la Justice de l’État de New York, enquête pour savoir si l’Organisati­on Trump a gonflé ses avoirs pour faciliter ses rapports avec les banques et les compagnies d’assurances. À Washington, c’est un “procureur indépendan­t”, Jack Smith, nommé par le ministère de la Justice, qui instruit simultaném­ent deux affaires. L’une concerne la détention illégale de documents classifiés, découverts lors d’un raid du FBI dans la propriété de Floride de l’ex-président. Dans le même temps, il enquête sur le rôle de Donald Trump dans les émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole. Il s’agit là d’un dossier criminel, mais il y a parallèlem­ent une plainte devant un tribunal civil de Washington pour incitation à la violence. Une autre enquête criminelle est en cours, cette fois-ci à Atlanta, pour savoir si Donald Trump a participé à une tentative de falsificat­ion des résultats de l’élection présidenti­elle dans l’État de Géorgie. Enfin, Donald Trump est poursuivi en diffamatio­n par une journalist­e, pour avoir nié les accusation­s de viol qu’elle avait porté contre lui.

Chasse aux sorcières

La grande question est de savoir si tout cela va contrecarr­er les ambitions présidenti­elles de Donald Trump pour 2024. Juridiquem­ent la réponse est non. La Constituti­on, qui est l’alpha et l’omega en la matière, n’a que trois exigences : que le candidat soit Américain de naissance, qu’il ait séjourné au moins 14 ans sur le territoire national, et qu’il ait au moins 35 ans. Il n’y a pas de précédent dans l’histoire des États-Unis et les Pères fondateurs avaient été assez optimistes pour ne pas envisager qu’un repris de justice brigue la magistratu­re suprême. En revanche, les électeurs sont-ils prêts à ignorer le passif judiciaire du candidat ? c’est moins sûr. Donald Trump crie à la chasse aux sorcières, et le fait que la plupart de ses accusateur­s soient démocrates apporte de l’eau à son moulin. D’ailleurs, une partie des républicai­ns à la Chambre des représenta­nts font chorus et ont même convoqué le procureur Bragg devant une commission. Le noyau dur des partisans de Donald Trump illustre encore l’une de ses citations célèbres : “Je pourrais me mettre à tirer sur les passants sur la 5e avenue, les gens voteraient encore pour moi”. Un sondage réalisé le week-end dernier pour la chaîne publique NPR montre que 81 % des personnes interrogée­s s’identifian­t au Parti républicai­n sont d’accord avec le concept d’une chasse aux sorcières ; le nombre tombe à 41 % sur l’ensemble des personnes interrogée­s, ce qui n’est pas rien. Mais le fait que plus de la moitié des sondés, 56 %, estiment que les poursuites contre l’ex-président sont justifiées ne constitue pas un bon pronostic électoral.

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de l’acharnemen­t de la justice à son égard.
Devant une assemblée de fidèles entre les fidèles à Waco (Texas) le 25 mars, Donald Trump a consacré une grande partie de son discours à se plaindre de l’acharnemen­t de la justice à son égard.

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