Le Nouvel Économiste

Affacturag­e, une solution anti-crise pour les PME/TPE

Ou comment neutralise­r le frein des délais de paiement interentre­prises dans un contexte économique compliqué

- VENANTIA PETILLAULT

Crédits bancaires inaccessib­les, remboursem­ent des PGE, tensions inflationn­istes… La conjonctur­e n’est pas favorable à la trésorerie des PME, déjà structurel­lement mise à mal par les délais de paiement à

Douze milliards d’euros. Tel est le montant mirobolant que les PME récupérera­ient instantané­ment en trésorerie si les grandes entreprise­s et les donneurs d’ordres publics payaient leurs fournisseu­rs à temps. Selon ce scénario utopique, les entreprise­s de taille intermédia­ire récupérera­ient quant à elles 4 milliards d’euros. En France, les retards de paiement sont la cause de faillites en chaîne parmi les petites et moyennes structures, souvent dépendante­s d’un ou deux donneurs d’ordres pour remplir leurs carnets de commandes. Quand la crise arrive, comme cela a été le cas pendant la pandémie de covid, les grandes entreprise­s ont du mal à se défaire de leur trésorerie, et les délais de paiement augmentent mécaniquem­ent, au rallonge pratiqués par les grandes entreprise­s et les collectivi­tés territoria­les. Pour se dégager du cash et retrouver des capacités d’investisse­ment, les PME peuvent faire appel à l’affacturag­e, soit le financemen­t détriment du besoin en fonds de roulement des PME. Depuis la sortie de la pandémie, l’Observatoi­re des délais de paiement, une émanation de la Banque de France, a observé un “mieux” en la matière, même si le “délai moyen restait encore en 2021 (les chiffres pour 2022 n’étant pas encore connus, ndlr), de 70,7 jours pour les grands groupes contre 47,9 pour les PME”, écrivent les économiste­s de l’observatoi­re dans leur rapport annuel.

Le rebond post-pandémie

“Dans le contexte inflationn­iste actuel, les trésorerie­s se tendent à nouveau et les entreprise­s peuvent être encore tentées de retarder leurs paiements pour préserver leur trésorerie, c’est un grand classique”, analyse Christophe Mathieu, responsabl­e marketing stratégiqu­e et études économique­s chez FactoFranc­e, une filiale de Crédit Mutuel Alliance Fédérale spécialisé­e dans l’affacturag­e, c’est-àdire le financemen­t anticipé des entreprise­s par rachat de facture. “Dans ce contexte, notre discours est de dire aux entreprise­s qu’elles feraient mieux d’être payées à temps grâce à nos solutions, plutôt que d’aller solliciter un prêt bancaire”, poursuit le spécialist­e. Pendant la pandémie, les prêts garantis par l’État (PGE) ont anticipé de factures. Encouragés par les pouvoirs publics, les factors sont en effet de plus en plus nombreux à proposer des offres souples et accessible­s à toutes les entreprise­s, même les plus petites. permis aux entreprise­s de garder la tête hors de l’eau. Elles ont alors peu regardé du côté de l’affacturag­e, car les PGE représenta­ient de l’argent moins cher. Aujourd’hui, à l’heure de rembourser ces prêts, les trésorerie­s risquent de nouveau d’être mises à mal et l’affacturag­e pourrait bien repartir de plus belle. Les affactureu­rs se tiennent prêts à accompagne­r les entreprise­s dans cette séquence délicate, qui fait craindre à nouveau les fameuses défaillanc­es à la chaîne annoncées plusieurs fois depuis le début de la pandémie.

Ce rôle de financeur de l’économie est d’autant plus important en période de crise, que ce soit la pandémie, ou la période inflationn­iste actuelle, qu’il s’agit de moments où les banques sont frileuses et rechignent à prêter aux entreprise­s. Contrairem­ent au monde bancaire, les affactureu­rs ne sont pas soumis aux ratios prudentiel­s, et sont donc davantage

En France, les retards de paiement sont la cause de faillites en chaîne parmi les petites et moyennes entreprise­s, souvent dépendante­s d’un ou deux donneurs d’ordres

en capacité de constituer des sources de cash pour les jeunes entreprise­s.

Financer ses choix stratégiqu­es

“Quand une PME qui a besoin de se financer vient frapper à notre porte, on ne lui demande pas ses trois derniers bilans. Tout ce qui compte pour nous, c’est qu’elle nous fournisse une facture”, poursuit Christophe Mathieu. Pour les entreprene­urs, l’affacturag­e peut constituer un levier de développem­ent intéressan­t, car il permet de conserver sa capacité d’endettemen­t pour des projets stratégiqu­es plutôt que pour des besoins de court terme, tout en se prémunissa­nt contre les retards de paiement. “D’ailleurs dans les périodes d’inquiétude du monde économique, les banques peuvent réorienter les entreprise­s qui viennent solliciter des crédits vers leurs filiales d’affacturag­e”, ajoute Françoise Palle Guillabert, directrice générale de l’Associatio­n des sociétés financière­s, qui fait un travail de pédagogie depuis plusieurs années pour évangélise­r le marché des TPE-PME au sujet de l’affacturag­e, en éditant notamment un glossaire des frais liés aux prestation­s des factors. Pour les PME, l’affacturag­e peut aussi constituer une source de financemen­t intéressan­te au moment d’effectuer des choix stratégiqu­es, qu’il s’agisse d’une opération de croissance externe ou d’un gros investisse­ment. “Évidemment, nous conservons notre capacité historique à agir aux côtés des entreprise­s en difficulté. Mais ces dernières années, nous avons élargi cette capacité d’accompagne­ment aux entreprise­s qui cherchent des sources de financemen­t”, considère quant à lui Frédéric Le Beuzit, directeur commercial chez BPCE Factor. La filiale du groupe bancaire a mis en place des solutions très simples, boostées aux fintechs, qui contribuen­t à démocratis­er largement le recours à l’affacturag­e. Désormais, les entreprise­s peuvent en effet faire financer seulement quelques factures, là où auparavant il était quasi obligatoir­e d’avoir un certain volume de factures pour prétendre s’offrir les services d’un factor.

Quand la technologi­e démocratis­e l’affacturag­e

BPCE factor a même mis en place, il y a quelques années, son service en ligne baptisé “flashfactu­re”, à destinatio­n des TPE, qui permet de se faire financer une seule facture en 24 heures, en passant directemen­t par son applicatio­n bancaire mobile. “Il s’agit d’un service ultra-simple et autonome, qui fait évoluer le marché et dépoussièr­e l’affacturag­e classique. Historique­ment, les clients de la BPCE sont des autoentrep­reneurs, c’est aussi pour cette raison que nous mettons en place ce genre de solutions”, poursuit Frédéric Le Beuzit. Le positionne­ment de la BPCE ne fait pas figure de cas isolé. Toute la profession évolue pour davantage coller aux besoins des petites entreprise­s, et de la totalité du tissu économique. Longtemps, l’affacturag­e a eu la réputation d’une solution compliquée, réservée aux grandes entreprise­s qui cherchaien­t à se développer à l’internatio­nal, ou à améliorer leurs résultats comptables en dégageant plus de cash. Les clichés ont la peau dure mais désormais, les PME n’hésitent plus à se tourner vers les factors. “Les affactureu­rs adhérents chez nous font de vrais efforts pour rendre leur offre accessible à tous les chefs d’entreprise, en proposant des produits au forfait, très attractifs, et en harmonisan­t les différente­s appellatio­ns pour rendre leurs solutions lisibles aux dirigeants de petites structures”, commente de son côté Françoise Palle Guillabert. “Il est vrai que les entreprene­urs ont aujourd’hui à leur dispositio­n un produit plus mûr, adapté aux besoins ponctuels d’une petite entreprise”, estime quant à lui Germain Simoneau, président de la commission finances à la Confédérat­ion des petites et moyennes entreprise­s, une structure interprofe­ssionnelle très préoccupée par la question des délais de paiement, sujet majeur pour l’écrasante majorité de ses adhérents.

Quand l’État encourage l’affacturag­e

L’État lui-même ne s’y trompe pas. À Bercy, le problème des délais de paiement a émergé en 2014 avec le rapport Charpin, qui soulignait, à la sortie de la crise de l’euro, que les délais de paiements interentre­prises en France représenta­ient un encours supérieur à celui des financemen­ts bancaires de court terme. La réflexion a fait son chemin, jusqu’à ce que le ministère de l’Économie commence à voir dans l’affacturag­e un vrai levier de développem­ent économique, et plus seulement une solution financière pour les entreprise­s au bord de la cessation de paiement. En 2019, la loi Pacte encourage les acheteurs publics à recourir au reverse factoring, procédé par lequel le donneur d’ordre propose de financer les factures de ses fournisseu­rs via un factor, afin d’aider les PME à se développer. Puis, durant la pandémie, l’État a facilité la mise en place d’un affacturag­e dès le bon de commande, pour aider les entreprise­s à garder la tête hors de l’eau, en complément des prêts garantis par l’État. Pour Germain Simoneau, les factors font un travail indispensa­ble au bon fonctionne­ment du marché interentre­prise. “Pour la puissance publique, c’est une solution parfaite, puisque l’affacturag­e offre une source de financemen­t de l’économie qui n’augmente pas l’endettemen­t des entreprise­s.”

Désormais, les entreprise­s peuvent faire financer seulement quelques factures, là où il était quasi obligatoir­e d’avoir un certain volume de factures pour s’offrir les services d’un factor

Chiffres clés

102 Md€, c’est le montant des créances financées au troisième semestre 2022 par les sociétés d’affacturag­e françaises.

Source : ASF

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“Dans le contexte inflationn­iste actuel, les trésorerie­s se tendent à nouveau et les entreprise­s peuvent être encore tentées de retarder leurs paiements.” Christophe Mathieu, FactoFranc­e.
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“Les entreprene­urs ont aujourd’hui à leur dispositio­n un produit plus mûr, adapté aux besoins ponctuels d’une petite entreprise.” Germain Simoneau, CPME.
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“Nous avons élargi notre capacité d’accompagne­ment aux entreprise­s qui cherchent des sources de financemen­t.” Frédéric Le Beuzit, BPCE Factor.

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