Le Nouvel Économiste

3 questions à… Jean-François Detout *, directeur de programme mastère spécialisé à Skema Business school

- * Coauteur du livre ‘Pro en formation à distance’ (éditions Vuibert).

Enseigner de nouvelles méthodes à des professeur­s, estce compliqué ?

C’est ce qu’on dit, mais je ne crois plus que ce soit si vrai depuis le covid. Dans cette période d’urgence, moimême et quelques autres qui étions habitués à ce type d’enseigneme­nt avons accompagné beaucoup de collègues. Les choses étaient claires : tout le monde devait être en ligne, quelle que soit son appétence pour le numérique. J’ai trouvé intéressan­t cet échange avec les non-spécialist­es du distanciel, leurs doutes et leurs questions. Avec Thierry Cuirot, nous avions déjà l’idée de recueillir dans un livre nos conseils pour un enseigneme­nt efficace. La période de crise a nourri notre réflexion et conforté la conviction que nous avions depuis longtemps : dans une formation à distance, le chantier le plus important est l’humain, pas la technologi­e.

Quels grands principes ressortent de cet ouvrage ?

L’homogénéit­é entre les intervenan­ts de la formation est primordial­e. Il faut que chacun soit à l’aise avec la modalité pédagogiqu­e choisie, comprenne pourquoi [elle a été retenue, ndlr] et en partage les objectifs. Les étudiants aussi doivent être impliqués dans le processus, par exemple en signant une charte en début de formation, pour approuver quelques règles communes – je pense en particulie­r à l’utilisatio­n de leur caméra. En cours de cursus, un échange très régulier avec les étudiants est essentiel, car il faut être très humble : il y a toujours des choses qui ne marchent pas ! L’autre grand principe se rapporte au temps. Aucun cours ne dure plus de deux heures, au sein desquelles nous alternons trois séquences de quarante minutes : l’une portant sur une étude de cas interrogat­ive, la deuxième sur la théorie, la dernière étant une mise en applicatio­n.

“Dans une formation à distance, le chantier le plus important est l’humain, pas la technologi­e”

Peut-on recommande­r le distanciel à tous ?

Je dirige un mastère spécialisé, c’està-dire destiné à un public assez particulie­r : les participan­ts savent ce qu’ils veulent ; ils ne sont pas là par hasard. Plus on connaît son objectif, plus le distanciel fonctionne. Un jeune qui se cherche encore aura plus de mal à rester motivé. En revanche, le modèle colle bien mieux aux besoins des entreprise­s. Plutôt que de faire déplacer douze personnes – c’est la moyenne – durant leur temps de travail à un même endroit, le distanciel facilite la vie de tous. Mais le choix dépend aussi beaucoup de la culture du secteur. On sent encore un brin de méfiance à l’égard de l’online dans certaines structures. En revanche, quand une entreprise a une forte appétence pour le digital, elle n’a aucun problème à laisser les clés du camion à un formateur à distance.

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