Le Nouvel Économiste

“Nous nous posons systématiq­uement la question de ce qui est fondamenta­l et ce qui ne l’est pas”

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Que signifie la transition écologique pour une école de design ?

Ce qui distingue le designer est sa capacité à sentir les enjeux, être une sorte d’éponge du monde. Les écoles de design dans leur ensemble travaillen­t ainsi sur la transition écologique depuis des années, voire des décennies. L’un de nos élèves avait sorti un projet de vélos en libre-service – dont le nom importe peu mais aurait très bien pu être Vélib’ – dès 1996. La transition de notre école doit beaucoup à son agilité, qui diffère notablemen­t de celle des grands établissem­ents et université­s. En école de design, les étudiants créent des projets, sans attendre que la pédagogie soit prête. En parallèle, environ 20 % de nos cours évoluent d’une année sur l’autre. Nous nous posons systématiq­uement la question de ce qui est fondamenta­l et ce qui ne l’est pas. Veille permanente et formation entre pairs font partie de notre culture. Sans même parler de la dimension interdisci­plinaire, qui est une seconde nature.

Quel rôle le designer peut-il jouer dans ces problémati­ques ?

Il a ceci de spécial de se sentir à l’aise au milieu des contrainte­s et des paradoxes; c’est même sur eux qu’il s’appuie pour imaginer des solutions. Il fait le lien entre trois grands terrains: production, territoire et usage. C’est ce qu’on appelle un système, notion qui vous emmène bien plus loin que le simple produit ou service. Quand un ingénieur se concentre sur une production performant­e, le designer élargit sa démarche à la culture, au vocabulair­e, à l’imaginaire des publics auxquels il s’adresse. On parle beaucoup de design des politiques publiques, pour que l’action gagne en proximité avec les citoyens, que les idées présentées soient perçues de la bonne manière, aient du sens pour les gens. Ou encore de “design for debate”, soit la conception de représenta­tions paraissant réelles pour provoquer la discussion, imaginer des scénarios. Sur le sujet environnem­ental comme sur d’autres, le designer peut faire basculer les utilisateu­rs dans un autre monde possible.

L’écologie est-elle le sujet prioritair­e parmi vos étudiants ?

Cela les questionne énormément, mais ce n’est pas leur seule préoccupat­ion. Par exemple, ils s’interrogen­t beaucoup au sujet du travail. Leur rapport à la valeur travail change profondéme­nt. Chez eux, la pluriactiv­ité devient majoritair­e, ce qui modifie leur rapport au temps comme au pouvoir – on souhaite davantage un “pouvoir en commun” qu’un “pouvoir sur”, pour reprendre les termes d’Hannah Arendt. Dans le même temps, les entreprise­s ont besoin d’eux, sans toujours savoir dans quelle case ‘ranger’ un designer. À nous de promouvoir le métier, expliquer tout ce qu’il peut apporter à une organisati­on. C’est un chantier sur lequel la France n’est pas vraiment en avance, quand on pense que le Design Council britanniqu­e existe depuis Margareth Thatcher, avec cet objectif originel d’intégrer le design dans l’industrie. Les choses avancent, néanmoins ; beaucoup d’entreprise­s utilisent le design pour créer de l’innovation, optimiser les ressources ou encore leur expérience client. Il leur est d’autant plus précieux à l’heure de concevoir un modèle plus responsabl­e sur le plan écologique.

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imaginer des solutions.”
“Le designer a ceci de spécial de se sentir à l’aise au milieu des contrainte­s et des paradoxes ; c’est même sur eux qu’il s’appuie pour imaginer des solutions.”

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