La procédure d’urgence d’habitat en péril
Le drame de Marseille remet sous les feux des projecteurs ces milliers de copropriétés très dégradées. Un plan gouvernemental prévoit d’injecter 2,7 Mds€ en dix ans.
DEUX IMMEUBLES réduits à l’état de gravats, faisant huit morts à Marseille, lundi. Un autre immeuble s’effondrant à Charleville-Mézières, sans tuer personne, jeudi. L’actualité a remis sous les feux des projecteurs le problème de la grande vétusté d’une partie du parc immobilier français. Un phénomène dont il est difficile de mesurer l’ampleur, tant les données chiffrées sont éparpillées, mais « qui pourrait devenir un vrai sujet dans les années à venir », estime Xavier Borde, président du promoteur et gestionnaire Procivis.
D’après les chiffres de la Fondation Abbé Pierre, 107 000 copropriétés font partie des immeubles « les plus fragiles », soit environ 2 millions de logements. Une estimation basse pour Emile Hagège, de l’ARC (Association des responsables de copropriétés), qui rappelle que « depuis dix ans, les charges ont bondi de 40 %. Les gens ne suivent plus ».
Le mois dernier, le gouvernement avait présenté son plan Initiative copropriétés, qui vise à aider des copropriétés en difficulté à lancer des travaux — 2,7 Mds€ seront injectés en dix ans. Quatorze sites concernant 23 330 logements sont jugés prioritaires. Et ce plan n’exclut pas l’idée de démolir certains bâtiments. « Il s’agit ici de très grosses copropriétés comme à Grigny ou à Clichy-sous-Bois, qui ont des soucis financiers mais où le bâti est le plus souvent solide », nuance un bon connaisseur du dossier. Par ailleurs, hier soir, l’Assemblée a adopté un dispositif inspiré de la loi Pinel ancien qui doit permettre de « relancer la rénovation » dans les centre-villes anciens.
#BALANCETONTAUDIS
« Le vrai problème, confirme Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, ce sont les petits immeubles privés de 10 logements, dont les propriétaires sont trop pauvres pour financer des travaux. » Comment prévenir les drames ? Les habitants ou les syndics sont tenus d’alerter les mairies ou les préfectures, s’ils détectent un gros souci dans le bâti. A Marseille depuis deux jours, le hashtag #BalanceTonTaudis remporte un certain succès. A charge pour la mairie de publier un arrêté de péril (problème de construction) ou d’insalubrité (souci de santé publique), qui lui permet de faire évacuer le bâtiment, voire de le murer (voir l’infographie). « Il existe déjà pas mal d’outils légaux à la disposition des mairies ou des préfectures pour s’attaquer au problème, rappelle Jean-Baptiste Eyraud de Droit au logement. Encore faut-il les utiliser… » Lorsqu’un logement présente une menace réelle et actuelle pour la sécurité, le maire notifie au propriétaire qu’une procédure de péril imminent va être engagée.
Un expert, nommé sur demande du maire, passe dresser un constat dans les 24 heures suivant sa nomination.
Si le rapport de l’expert conclut à un péril grave et immédiat, le maire prend l’arrêté de péril et met en demeure, dans un délai qu’il fixe, le propriétaire de prendre des mesures (travaux, évacuation des occupants…).
Le maire peut prescrire la démolition partielle du logement. Exceptionnellement, il peut ordonner la démolition totale.