Le Pays Briard

Les box vitrés au banc des accusés

Lors d’une audience correction­nelle à Melun, un avocat a demandé aux magistrats de juger son client en dehors du box, à cause de la vitre. Une demande refusée par la juge qui constitue une première dans ce tribunal mais pas en France. Décryptage.

- Julien VAN CAEYSEELE 0@ JulienVanC

Il avait été entendu aux assises du Val-d’Oise, mais sa demande a été refusée, en comparutio­n immédiate, devant le tribunal correction­nel de Melun.

Pour la première fois dans ce tribunal, un avocat a demandé que son client qui comparaiss­ait pour des cambriolag­es présumés soit extrait du box des prévenus.

Présomptio­n

En cause, la vitre qui sépare le box du reste du prétoire, laissant deux interstice­s de quelques centimètre­s à hauteur de visage et coiffé d’une grille pour fermer le tout.

C’est dans cet espace que comparaiss­ent les personnes en détention provisoire ou lors des comparutio­ns immédiates. Un nouvel équipement installé à Melun - comme dans d’autres tribunaux - depuis l’été et qui, à l’échelle du pays commence à soulever des interrogat­ions de la part d’avocats, voire de magistrats.

« Ces conditions contrevien­nent à la présomptio­n d’innocence, ne facilitent pas la communicat­ion et posent ainsi un problème d’exer- cice du droit de la défense » , précise Me Laurent Ivaldi, du barreau de Pontoise. Il faut se contorsion­ner pour parler, c’est contraire à la dignité des prévenus. »

Si le conseil avait été entendu par le magistrat de la cour d’assises, sa demande à cette fois et rejetée. La représenta­nte du parquet de Melun s’était elle aussi opposée à la demande arguant d’un dispositif qui « permet d’assurer une garantie de représenta­tion. »

Lors de l’audience, la présidente n’a pas accédé à la demande du conseil, évoquant un dispositif de sécurité qui est équipé d’ouvertures et qui apparaît « conforme » aux lois et « ne porte pas atteinte à la présomptio­n d’innocence. »

Des précédents

Au-delà de l’audience, cette question a été soulevée plusieurs fois ces derniers mois. En octobre, des avocats des Hautsde-Seine ont saisi le Défenseur des droits et la contrôleus­e générale des lieux de privations de liberté sur la question.

Début décembre un tribunal a accepté la demande de l’avocat mais les policiers de l’escorte ont refusé. Le 11 décembre, un juge du Val-de-Marne a refusé que les prévenus comparaiss­ent derrière la vitre.

« Le sujet a été abordé par des avocats melunais pour des difficulté­s techniques mais qui ont ensuite été réglées,

confie Me Florence Lampin, dont le mandat de bâtonnière au barreau de Melun vient de s’achever. Il n’y a pas eu de saisine officielle à ma connaissan­ce de la part d’un conseil melunais. »

Contactée, Frédérique Agostini, la présidente du tribunal de grande instance de Melun rappelle que l’installati­on s’inscrit dans le cadre d’une politique de sécurisati­on nationale.

« Nous avons déjà eu une problémati­que d’évasion d’un détenu qui avait sauté hors du box, se souvient-elle.

Des problèmes d’acoustique­s ont parfois été signalés mais des ajustement­s seront réalisés. »

La garde des Sceaux assignée en justice

Pour Me Gérard Tcholakian, du syndicat des avocats de France (SAF), ces dispositif­s ne permettent pas un « jugement dans un cadre apaisé et avec des conditions dignes. » Et d’ajouter : « C’est d’autant plus vrai aux assises avec les jurés : il y a une atteinte à la présomptio­n d’innocence. »

Pour lui, la raison de ces installati­ons par la chanceller­ie est plutôt économique. « L’objectif est d’arriver à des comparutio­ns sans escorte. »

Pour montrer la grogne, le syndicat des avocats de France a notamment assigné la garde des Sceaux devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris. « Une mesure symbolique » , souligne Gérard Tcholakian. L’audience est prévue le 15 janvier.

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